8 h 30 tapantes, Nestor (ma moto), chargé et rassasié d’essence, je m’élance pour ce voyage en Slovénie. Depuis trois ans, mes voyages, comme une migration vers le sud, me conduisaient à Venise. J’y prenais le ferry, après une escale à Innsbruck, suivie d’une traversée des Dolomites. Cette année, ce ne sera pas un cap plein sud-est, mais une sorte d’esquive chaloupée vers le Bodensee, puis la traversée des Alpes avant d’arriver en terre slovène.
Ma route est déjà jalonnée, le programme fixé, et les fantaisies rationnées, car mes hôtels jusqu’en Slovénie sont déjà réservés. Seule ma remontée est encore une inconnue. En revanche, les routes dépendront de l’humeur du jour et de la météo. Aujourd’hui, avec un temps clément, j’opte pour une descente rapide par Saarbrücken et Strasbourg, avant de profiter de la savoureuse Forêt-Noire et d’achever mon étape en longeant le Bodensee jusqu’à Lochau, en Autriche.
Pendant des années, j’ai pesté sur l’autoroute, ce long ruban anthracite qui m’ennuyait comme un discours sans verbe. Nestor et son confort impérial, son velouté unique, rendent ce moment presque agréable. Jusqu’à Strasbourg, ma route s’égrène sans grande originalité. Une fois arrivé en Alsace, le profil du Ballon d’Alsace et de la Forêt-Noire se dessine à l’horizon et promet des moments heureux.
Une fois arrivé en Forêt-Noire, ce sont de vastes étendues boisées, des sapins élancés, des routes sinueuses qui m’accueillent ; un moment comme une étreinte avec un écrin de nature. Les rivières cristallines, qui serpentent entre collines et vallées, apportent de la douceur et de la poésie à ces notes champêtres. Certains paysages font écho à la Suisse par l’architecture des fermes, les verts vifs ou les champs pentus.
Puis, quelques kilomètres plus loin, le lac de Constance se dévoile à moi. Vaste miroir qui déploie ses eaux immobiles sous le regard des cieux azur. Les voiliers, tels des cygnes majestueux, glissent comme des âmes paisibles. Loin du tumulte du monde, le Bodensee respire une paix profonde et une mélodie pénétrante de sérénité.
Ce fut une journée de transition délicieuse, entre efficacité et plaisir des yeux, couronnée par la sérénité envoûtante du Bodensee.

La Slovénie
La particularité de Curon Venosta est le clocher d’une ancienne église désormais immergée par les eaux d’un barrage. L’attraction est cocasse. La descente vers Malles Venosta permet de profiter d’une vue sur l’imposant dôme de glace du Grand Zébrù : un massif montagneux spectaculaire. Le fameux col du Stelvio est fermé ; j’espère pouvoir le franchir pour la septième fois sur le chemin du retour.
Quand j’entre dans la carrière olympique, flanquée de tribunes et de cabines de juges, un frisson me parcourt. Ceux qui ont connu les reprises de dressage comprendront : ici, on est bien loin des compétitions sommaires d’un interclub.
J’abandonne mélancoliquement Piran, cette belle, pour me diriger vers Ljubljana. La route s’ouvre devant moi, pour poursuivre ma procession de sites touristiques et découvrir de nouvelles merveilles.
Ce qui frappe, c’est d’abord l’immensité du réseau souterrain. S’étendant sur 23 kilomètres, dont seule une infime partie s’offre au public. Les trois premiers kilomètres s’effectuent à bord d’un petit train, rappelant ceux utilisés dans les mines. Cet itinéraire est une succession de salles, chacune plus étonnante que la précédente, tant par sa richesse géologique que par sa majesté silencieuse.
Blotti contre les quais, le marché local est un kaléidoscope de couleurs de fruits et légumes. Les produits semblent authentiques, venus des campagnes environnantes. Plus loin, le marché de « street food » embaume l’air d’arômes de cuisines variées pour les voyageurs gourmands.
Sur le chemin du retour vers l’hôtel, mon regard est attiré par deux Goldwing arborant une plaque d’immatriculation peu commune. Je m’approche et engage la conversation. Ces deux motards viennent d’Arabie Saoudite. Leur périple les a menés à traverser l’Irak, puis la Turquie, avant d’atteindre la Slovénie. Cette longue route audacieuse devrait les conduire jusqu’au Maroc.
Je m’improvise une halte, bien inspirée, au « Château de Štanjel ». Ce village fortifié du XIIIe siècle, perché sur une colline, domine les environs par sa vue saisissante. Ses pierres séculaires, patinées par le temps, murmurent des récits de chevaliers et de seigneurs. Les arbres, brassés par la brise, offrent une invitation douce à se perdre dans ce paysage suspendu, hors du temps, où le ciel et la terre se confondent.
Ma route me conduit dans la vallée de la Soča, en direction de Nova Gorica. À Most na Soči, je suis soudain frappé par l’intensité de la couleur de la rivière : un turquoise éclatant, presque irréel. Je m’arrête, écarquille les yeux, me les frotte même, convaincu un instant d’être victime d’une hallucination. J’ai déjà vu des eaux de montagne ou de glaciers aux teintes turquoises et laiteuses, mais ici, on croirait qu’un bougre a renversé un tube de gouache dans le courant. Cette étonnante couleur vive m’accompagne jusqu’à Nova Gorica, ville à cheval entre Italie et Slovénie, divisée et réunie à la fois.
Comme à la frontière croate, l’Histoire s’impose ici avec force. Nova Gorica, comme Berlin jadis, fut partagée par un mur. Il en reste des vestiges, témoins muets d’une époque pas si lointaine. Côté italien, la “Piazzale della Transalpina” partage aujourd’hui son espace avec la “Trg Evrope”. De 1947 à 2004, un mur se dressait ici, matérialisant la séparation entre l’Europe libre et un État satellite du bloc soviétique. Ce mur est tombé, mais la ligne, elle, s’est déplacée : vers la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne… je ne peux m’empêcher de penser au sort du peuple ukrainien.
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