Après quatre mois de travail intensifs, j'ai décidé de m'évader dans les Pyrénées fin avril 2025. Je profite des ponts de cette période Pascale pour tester mon nouveau compagnon de route, baptisé “Nestor”, une Honda Goldwing. En parallèle, ma KTM 890 Rally est destinée aux voyages engagés teintés d’off-road. L'objectif de cette escapade était de trouver des petites routes pour m'entraîner avant mon voyage en Slovénie et optimiser ma configuration “voyage”.
Samedi 26 avril 2025, j’entame ma descente vers le sud, qui devient une agréable routine. Pour atteindre le sud-ouest des Pyrénées, j’ai pris l’habitude de couper le trajet en deux parties. Partant de Luxembourg, en fonction de l’humeur entre Langres et Chalon-sur-Saône, je prends comme cap Clermont-Ferrand, Ussel, Brive-la-Gaillarde ; de là, j’avise pour choisir les routes à emprunter. Cette option m’offre un tronçon d’autoroute qui me permet d’avancer rapidement, puis une deuxième partie par le réseau secondaire qui apporte des paysages agréables, une conduite plaisante et , le soir, je régale mes papilles dans une halte gastronomique pour célébrer les vacances.
Au terme de cette journée de 692 kilomètres, je suis ébahi par le confort de Nestor. Nestor a une capacité d’avaler des kilomètres et me fait voyager comme dans un canapé. J’arrête mon étape à Neuvic, petite bourgade de la Corrèze où j’avais passé une nuit lors de ma dernière descente vers le Portugal. J’avais aimé l’endroit : son lac, la table et le logis douillet.
La deuxième étape me conduit à Mont-de-Marsan. Les routes sont belles, le sentiment de vacances devient bien ancré. Vers Moustier-Ventadour, je vois, au loin, un deux roues du type mobylette ou 125 qui avance bon train. Je décide de revenir sur lui pour avoir un peu de compagnie. La route grimpe bien. Je dois un peu cravacher pour revenir dans sa roue. À mon étonnement, c’est un vélo qui file à presque 60 km/h en montée ! Même Pantani après avoir dévalisé la pharmacie d’EPO ne peut pas rouler à cette allure, c’est impressionnant ! Je me porte à sa hauteur et commence à papoter. Ce pédaleur fou me dit qu’il a bricolé ce vélo et débridé un moteur de 1500W. Je confirme que ce bricolage fonctionne très bien. Personnellement, à cette allure, moi, je porterais un casque !
Après cette étape de transition de 392 kilomètres, j’arrive à Mont-de-Marsan. Je loge à l’hôtel Mirasol. Posé sur les berges du “Mi-douze”. J’aurais appelé la rivière « le six », c’est plus simple. Le logis est confortable. Hélas le restaurant gastronomique de l’hôtel est fermé.
Le matin, la ville de Mont-de-Marsan est tartinée de brouillard. Malgré la météo favorable annoncée la veille, ce brouillard persiste. Ce tapis cotonneux devrait s’évanouir dans la matinée. Peu importe, cap sur le sud ! À Orthez, un ciel estival m'attend. La route, sans être ennuyeuse, ne provoque pas de grandes émotions.
Petit à petit les Pyrénées se dressent comme une vague où, telle une écume de mer, les dernières neiges apparaissent comme une ultime coquetterie. La route devient plus sinueuse, les verts sont vifs. La lumière rend les couleurs étonnamment intenses. J'avance dans un panorama de carte postale.
Hier soir, je m’étais concocté une étape avec des routes tarabiscotées. Le but est de m’entraîner sur des routes montagneuses étroites. Si vous aimez la version piste noire musclée, je recommande les routes D19, D301 et D128 de Larrau à Arnéguy. Il est utile d’élever son niveau de vigilance au maximum, car l’approximation n’est pas de mise. Inutile de faire ces routes de nuit sous la pluie.
Ces routes de montagne présentent souvent des évènements inattendus. Sur l’arête d’une cime, juste avant de plonger dans une épingle, un vautour surgit de la pente. Qu’il soit surpris ou non, il effectue un virage serré pour replonger dans la vallée. J’ai pu observer de très près son impressionnante envergure, son long cou et ses plumes telle une dentelle royale..
Cette farandole de virages a été interrompue, non pas par la panne de courant qui frappe l'Espagne et le Portugal aujourd'hui (Aragón), mais par un camion en feu. Le brasier est intense. Je me tiens à bonne distance. J'effectue un demi-tour rapide et entends deux déflagrations brutales dans mon dos, dues à l'éclatement de deux pneus. Je quitte la zone rapidement avant que le réservoir n'explose. A la descente de la vallée, je croise les pompiers et la police en route vers les lieux. Les utilisateurs venant de Pampelune vont devoir faire un fameux détour ou attendre longtemps.
Je me détourne sur Saint-Jean-Pied-de-Port, pour passer par l’autre vallée et rejoindre plus rapidement mon hôtel. Le nom de cette ville m’a toujours amusé. Voilà une idée, pour tous les nationalistes illuminés : ajouter “-de-Porc” à la fin de toutes les villes ou “-sur-rillette”. Ainsi vous pourrez écrire à la synagogue à l’autre andouille de Rabi Cohen et ses lardons, 3, impasse du Saint-Doux, à Saint-Jean-Pied-de-Porc.
Ce soir, c’est une étape basque qui m’amène à Aldudes. Si vous passez dans la région ne manquez pas l’hôtel-restaurant « Saint-Sylvestre » qui est ouvert même après le jour de l’an. L’accueil est convivial, la table de très bonne qualité, et les tarifs très doux. Ce fut une étape merveilleuse et demain sera un autre épisode vers le rivage atlantique.
La journée fut composée d’un trajet de 192 kilomètres en direction de l'océan. Les routes du Pays basque, qu’elles serpentent en terre française ou espagnole, présentent des paysages d'une grande beauté. Elles dansent au fil des montagnes comme une symphonie, entre les verts éclatants des doux pâturages, et les profondeurs des vallées. Chaque virage semble révéler un secret, une église nichée au cœur d’un village, un nouveau panorama, un ciel encore plus azur ou une soudaine bourrasque de vent pour amuser les rapaces. Tout est invitation à découvrir, à contempler, à s’émerveiller. De la NA2600, NA-1740, NA-2520, NA-4114, NA-4140 et GI-3410 ce furent merveilles sur merveilles.
L’arrivée sur Donostia sous 26°C et une plage bondée comme au cœur de l’été, tranchait avec mon escapade montagneuse. J’ai trempé mes pieds dans l’eau ; ce fut revigorant ! Se baigner semble une idée frappée par une grosse dose d’optimise. Laissons l’idée mûrir. Place au repos après 4 jours de roulage très plaisant.
Le 30 petite escapade vers Biarritz. Biarritz c’est la ville de mes vacances de jeune adolescent : Place St-Eugénie, mes premières expériences de skateboard, qui, en 1976, était la nouveauté du moment, puis la découverte du body surf, et, plus tard, du surf longboard. Biarritz est certes touristique, parfois snob, mais terriblement attachante.
Je poursuis par la route du front de mer jusqu’à Donostia - savoureux moment. La journée est aussi belle qu'un jour d'août. Les plages sont bondées. Les jeux de ballons, le bronzage, les moments familiaux et la baignade pour les plus téméraires offrent un spectacle estival. La température flirte avec les 29°C. J’ai un sentiment profond d’être en été.
Le soir, pour la troisième fois depuis octobre, direction Guetaria par la route côtière, cela devient un rituel! Je me délecterai d’une sole à la « plancha ». Le retour de nuit par l’autoroute, clôturera une merveilleuse journée.
Premier mai, journée de repos ponctuée par 9km de marche d’un bout à l’autre de la baie. J’en profite pour admirer les œuvres d’art qui marquent les points d’entrées à chaque extrémités de la baie. Deux visions sont possibles de ces œuvres : y voir « l’éternité devant l’infini immortalisant le mouvement » dixit le panneau explicatif ou bien de la ferraille plantée dans la caillasse. Chacun y trouvera son interprétation. Le soir un turbot ravira mes papilles.
Le 2, il pleut sur Donostia. Je prolonge mon repos et profite du confort de l’hôtel. Je décide de visiter le marché. J’adore les marchés, ils sont pour moi le pouls du pays. Les produits sur les étals sont le reflet des us et coutumes, telle la colonne vertébrale de la culture locale. Le marché est petit, mais les produits font rêver et les tarifs ne sont pas ceux du Cactus ! Cela m'inspire des idées de ripaille.
Dans l’après-midi, le soleil revient baigner la savoureuse Donostia, Donostia la douce, Donostia la pétillante. Le soir je découvre le restaurant « Sukaldean Aitor Santamaría » un pur délice et un service de qualité ce qui devient rare.
Aujourd’hui les conditions météo sont bonnes, je déroule la route côtière pour descendre sur Bilbao. C’est un petit plaisir écourté, la route qui est réquisitionnée par un rallye routier. Peu importe, cette côte est un ravissement pour les yeux et la conduite.
J’arrive à Bilbao et fais un détour par le Guggenheim. L’exposition de gravures du 15e au 20e siècle est stupéfiante. Tous les grands noms du 19e et 20e sont exposés. Picasso, Pissarro, Courbet, Toulouse-Lautrec, VanGogh, ils sont tous là ; c’est hallucinant. La rétrospective de l’artiste brésilienne Tarsila do Amaral fut aussi une agréable belle surprise, tant pour la progression de ses œuvres que pour sa trajectoire de vie.
Pour le reste des œuvres présentées, je qualifierais ces dernières comme plus complexes à appréhender, comme Helen Frankenthaler et le thème « Painting Without Rules ». Un « uomo dei boschi » pour résumer l’affaire pourrait conclure par : « une suite de conneries ».
Quelque part, il est bon de connaître son imperméabilité à certaines formes d’art. Malgré un effort, il m’est impossible de prendre certaines œuvres au sérieux comme ce bout de métal tordu et estampillé « réflexion métaphysique ». Le soir, le restaurant Islares qui pratique une cuisine créative, réconciliera mon âme et mon estomac.
Je dois abandonner les douceurs atlantiques et basques et songer à la « remontada ». Je fais cap par les petites routes vers le désert des Bardenas-Reales.
Les Bardenas s’étendent comme une immense terre pétrie par le temps et le vent. Ici, point de dunes mouvantes ou d’infini reg, mais une de terre d’argile, de gypse ou de grès, creusée et sculptée par le vent, où de profondes ravines ressemblent à d’immenses griffures causées par le temps.
Ici, la lumière ne se pose pas ; elle caresse ce territoire oublié. Elle effleure délicatement le relief aux apparences fantomatiques. Les ombres glissent sur les falaises rongées par les siècles. Dans cet écrin minéral surgissent des cheminées de fée, sentinelles immobiles défiant le ciel, élévations étranges sculptées par la danse capricieuse de l’érosion. C’est une symphonie chromatique : des teintes blondes diaphanes aux rouges éclatants, aux gris cendrés, aux bruns profonds, la lumière est l’artiste de ces lieux. Fascinantes Bardenas où se mélangent les éléments, savante alchimie, le vent y est l’esprit, la lumière la partition, les couleurs des notes et le temps y assoit le mystère.
Dans cet univers féérique, j’emprunte la piste (gravel road) qui fait le tour du parc. Nestor s’acquitte de sa tâche avec une étonnante facilité. Par chance, les touristes sont épars dans cette immensité. Je rattrape deux parigots debout sur leur trail façon Dakar. Leur imaginaire doit être entre Nouakchott et Dakar, juchés sur leurs BMW-GS et endimanchés comme il se doit. Je trouve la scène frappée d’une dose de ridicule. C’est une route damée, sèche, recouverte de gravillons. La difficulté est équivalente à descendre les Champs-Élysées. Assis confortablement, je change de voie, je les salue de la main et les fixe quand je suis à leur hauteur puis accélère. J’espère que leur ego ne fut pas trop froissé par ma désinvolture.
Au-dessus de Tudela, des nuages gris sombre envahissent la vallée. Le vent se lève. Les éclairs commencent à cisailler le ciel au loin. La pluie se rapproche dangereusement et je souhaite quitter cette piste de terre avant qu’elle soit détrempée et devienne folklorique à piloter. Plus je me dirige, vers l’hôtel, plus le sentiment d’aller me faire rincer se précise. Quelques centaines de mètres me séparent de l’orage maintenant. Juste le temps de garer Nestor et de rejoindre l’hôtel pour me faire souhaiter la bienvenue parquelques gouttes. Telle une valse farceuse et dans une volte inespérée, le vent chasse l’orage vers la vallée. Les Bardenas resteront encore une fois épargnées par la pluie.
L’hôtel « Air des Bardenas » est posé en bordure des Bardenas. Certaines chambres sont constituées de bulles comme des bases lunaires pour profiter du ciel étoilé sans pollution lumineuse. D’autres chambres disposent d’un patio privatif avec un tub où il est bon barboter. Les Bardenas c’est un rendez-vous dépaysant en Espagne qu’il ne faut pas rater.
Pour la « remontada », je devrai jongler avec la météo et naviguer entre deux dépressions, pour atteindre le Luxembourg au sec. Cet exercice concentrera toute mon énergie.
Depuis un mois, j'utilise l'application Senic pour organiser mes trajets et balades. Après 20 ans de GPS Garmin, je suis passé à cette application compatible CarPlay. Simple et efficace, elle est conçue par des motards, mais fonctionne aussi bien à pied ou en voiture. La simplicité de planifier des routes sur son téléphone est déconcertante de facilité. J'utilise en complément l'application météo Windy pour adapter ma route en fonction des prévisions à 24h (modèles fins de 1,5km). J’adapte ma route en fonction de ma progression, des prévisions de précipitation et de la couverture nuageuse. Cette planification fine me permet de m’équiper en fonction des températures et des précipitations.
J’ai pu ainsi traverser les Pyrénées de Jaca à Pau dans un tempo optimal et profiter d’une fenêtre météo étroite, mais sèche – un miracle ! Une fois Pau doublé, le ciel s’éclaircit enfin. J’arrête ma route à Monpazier.
Monpazier est une superbe bastide bâtie dans la pierre dorée du Périgord. Un village du XIIIe siècle où le temps semble avoir suspendu son vol. Ses arcades, ses ruelles, sa halle respirent un équilibre parfait. L’endroit est certes touristique, mais le terroir est mis à l’honneur ce qui lui confère un charme supplémentaire. L’hôtel “le Chevalier bleu”, remarquablement restauré, où je résiderai, est à deux pas de la place centrale. J’y trouve un équilibre incroyable entre modernité et préservation de l’âme de ces pierres séculaires.
Le lendemain mes calculs météo me font passer par Limoges et éviter la zone de Clermont-Ferrand. Cette option s’avérera une judicieuse analyse et conférera une touche agréable à ma route. J’arrête au Château d’Ygrande, à une encablure du parc du Morvan. La dernière étape me fera traverser le Morvan, où les collines ondulent comme des vagues vertes. Les vents inclinent les blés et offrent des reflets d’argent du plus bel effet ! Les forêts profondes, les lacs paisibles apportent une touche majestueuse aux lieux. Je croise Saulieu, haut lieu de la gastronomie, et son fameux Relais Bernard Loiseau, qui célèbrent l’opulence de cette campagne.
J’étire mon plaisir jusqu’à Langres et rattrape l’autoroute pour rejoindre mon tant aimé Luxembourg. Je suis comblé par Nestor fidèle serviteur à l’aise sur tous les types de route et d’une agilité déconcertante même sur des routes confidentielles au surfaçage approximatif et aux contours tarabiscotés. Cette escapade fut un intense plaisir et je suis fin prêt pour la Slovénie.
Toutes les recommandations ci-dessous sont des références non-sponsorisées
Merci à mes ami(e)s et proches pour le support.
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