Nouvelle saison, nouveau format, nouvelle moto. Déroulons le fil de cette introduction pour tracer les arabesques de cette saison à venir.
Après mes longues escapades en Islande, Norvège ou encore en Arménie, cette saison se déclinera en deux actes. Le premier acte me ramènera en Albanie, de la fin mai jusqu’à la mi-juin pour redessiner les contours d’horizons autrefois caressés. Le second acte, en octobre, sera marqué par le KTM Rally Adventure au Portugal. Si mes escapades précédentes étaient des soliloques, cette année, l’aventure sera un duo de motos. Chaque virage, chaque paysage et chaque moment sera partagé, ajoutant ainsi une nouvelle dimension à ce périple.
Vincent se joindra à moi pour l'aventure albanaise. Originaire de la région namuroise, il est donc belge mais ce n’est pas si grave ! Vincent est vénuste aussi raffiné et élégant que les courbes sinueuses de la Meuse qui serpente jusqu’à Dinant. Son regard d’un bleu azur profond fera tourner quelques têtes. Heureusement, le casque dissimulera cette distraction, nous permettant de nous concentrer sur la route. Nous partageons trois passions communes : la gastronomie, la photographie et, bien sûr, la moto. Vincent, homme de goût, a une prédilection pour les motos autrichiennes de couleur orange. Pour les connaisseurs, cela se traduit par : nous aimons les KTM! Des motos construites du bon côté de la Bavière - la marque des champions! Voici une transition toute trouvée pour parler de mon nouveau destrier.
Après Hermeline, coquine ballerine rouquine et Viktor fort comme un surfeur d’Hossegor, avec qui j'ai parcouru plus de 60.000 kilomètres sans encombre, place maintenant à Tony, alias mon « Orange Mécanique ». Tony est une KTM 890 Rally R, taillée pour l’aventure, qui n'a qu'un sacerdoce : de l’action, de l'action, encore et toujours. Je me sens comme un joueur évoluant dans une division supérieure, découvrant des horizons insoupçonnés et prometteurs. Honorer sa position et son rang est plus qu’une obligation, c’est un devoir!
Comment donc honorer Tony ? Il y a deux ans, mon tour de l’Adriatique m’avait mené en Albanie. Fasciné par la nature et l’éther qui émane des lieux, j’ai été séduit par le contraste saisissant entre mer et montagne, et plus particulièrement par la partie « off-road » de l’Albanie. Ce pays regorge de richesses et mérite plus d'attention. L’Albanie est un écrin aux beautés naturelles et sauvages. L’atmosphère y est conviviale et chaleureuse. La perception erronée que l’on a de l’Albanie est, à mon sens, injuste. Au fil des discussions avec Vincent, l’idée de revisiter l’Albanie a germé. Je profiterai de l'opportunité pour pousser la route jusqu’en Macédoine du Nord et, au gré de l'envie, étirer, peut-être, l'escapade jusqu’au Monténégro.
La préparation se fait avec simplicité et sérénité. Tout s'exécute naturellement. À la fin du mois de janvier, les billets de ferry sont réservés. Le premier ferry me fera naviguer de Venise à Igoumenitsa (GR - Ηγουμενίτσα) et le retour se fera de Durrës (Albanie) à Ancona (Capitale des Marches - IT). Les deux haltes, tant pour la descente que pour la remontée, sont déterminées. La "remontada" sera une ascension lyrique, une épopée céleste au cœur des cols alpins, ultime ode au voyage pour sceller un fameux tour. Dans le chapitre "le coin du motard", les aficionados de la moto trouveront plus de détails sur les préparatifs. Le reste de notre périple sera façonné au jour le jour, offrant la liberté de tisser l'aventure au fil des envies et des caprices de la météo. Ma plus grande satisfaction s’ancre dans la joie de faire découvrir des panoramas d’exception, épargnés par le flux touristique, et d'amener un ami dans mon univers de voyage.
Petit interlude, pour râler sur la fée météo, même si dans mon for intérieur, je sais que c’est inutile car nous devons tous la subir. J’ai rêvé d’une saynète où vous, adorables rêveurs, tels Georges M., Arlette L., Philippe P., Olivier B., tribuns ardents et dragons véhéments crachant des flammes de passion, vous auriez tonné du haut de vos estrades contre cette météo bouffonne et imprévisible. Un discours imaginaire résonne dans ma tête : “Ô toi météo, fille chérie des citoyens du monde, toi qui étais jadis un champ de fleurs égalitaires, aurais-tu donc cédé ton essence pour être dorénavant devenue geôlière des masses laborieuses ? Infâme météo, tu accables la classe ouvrière, mais nous briserons les chaînes de l’oppression et réduirons en poussière le mépris que tu nous sers. Que les despotes tremblent, car la révolte gronde. Halte à cette mascarade ! Que renaisse la ronde fraternelle des soirs de moisson, et ensemble, bâtissons un futur où le travailleur savourera les douceurs et les délices du printemps.”. Voilà ! ça va mieux, ce petit défoulement libère ma frustration. Passons au voyage!
La grisaille de ces dernières semaines et ce printemps morose ont étiré l’ennui à l’infini. Ces jours sombres sont désormais balayés par la joie de plonger vers le sud. Un sentiment exaltant de délivrance m’envahit, une jubilation mêlant allégresse et excitation.
Durant les premières heures, la route se déploie comme une interminable lamentation. L’asphalte rugueux entonne sa rengaine lancinante, tout en distillant la promesse de rêveries futures. Je laisse derrière moi les vignobles en terrasse, cascades de verdure annonçant des vendanges prospères. Les champs de colza et les pissenlits se font plus présents. Le jaune signe le réveil de la nature et apporte de la joie à la route. Une fois Stuttgart franchie, de pittoresques hameaux émaillent le parcours. Peu à peu, telle une vague émeraude lointaine, les prémices des Alpes se profilent à l’horizon. Le murmure de la forêt s’intensifie. Les arbres s’inclinent avec grâce sur mon chemin pour me murmurer d’anciens secrets. Au loin, la neige colore les sommets, ultime outrage et vestige de l’hiver. L'arrivée en Bavière est une étreinte chaleureuse; je suis salué par l’azur céleste, parsemé de nuages floconneux qui dansent sous l’éclat d’un soleil radieux. La douceur de l’air, frôlant les 20°C, efface le souvenir de mon morne départ empreint de froidure et de pluie.
J’approche de Füssen. Au détour d’un virage surgit le château de Neuschwanstein, plus connu sous le nom de château de Louis II de Bavière. Ce joyau médiéval, digne d’un conte de fées, se dresse fièrement sur son piédestal rocheux. La scène semble presque surréelle, empreinte d’une touche baroque. Je poursuis ma route vers Innsbruck pour clore cette étape de liaison.
Demain, ce seront les Dolomites, paysage de flèches de pierre verticales, parois de dolomie vertigineuses, érigées telles des cathédrales qui transpercent les cieux azurés.
Avant de pénétrer les sublimes Dolomites, il fallut se libérer d’Innsbruck. Ce début de samedi se transforma en une épreuve de 55 kilomètres : ralentissements, embouteillages et chantiers, jusqu’à la barrière de péage vers Val Gardena. Un enfer, aggravé par les 11 € de péage et les tarifs exorbitants de l’essence affichée à 2,35 €/l dans les stations-service sur l’autoroute. Opter pour la nationale aurait été un choix plus inspiré.
À Chiusa, bref arrêt pour nourrir mon destrier, puis je m’enfonce vers Val Gardena. Sous un ciel gris et menaçant, les Dolomites surgissent majestueuses, livrant une beauté mélancolique. Les sommets, voilés par les brumes, se mêlent dans des nuances de gris offrant des contours flous à ces sentinelles minérales. Leurs façades verticales, puissantes et imposantes, m’impressionnent toujours autant. Un spectacle naturel époustouflant.
Une fois le col du Sella (2218 m) franchi, le col du Pordoi (2239m) m’offre 5 petits degrés, et de beaux murs de neige bordent encore la route. Le plan initial prévoyait d’enchaîner avec le col du Giau. La pluie redoublant d’intensité, approcher Cortina d’Ampezzo était déraisonnable même équipé comme un scaphandrier. Je plonge vers le sud, espérant trouver une météo moins aquatique.
Alleghe et son magnifique lac atteints, la pluie drue cesse enfin. Je décide de suivre la SP2, une route qui se faufile dans un canyon creusé par un torrent aux eaux turquoise et bouillonnantes. De Tiser à Mis, le spectacle est grandiose. La route s’enfonce dans des tunnels taillés rustiquement dans la roche, tandis que des murs verticaux d’un vert intense m’entourent.
Un fois arrivé dans la plaine, le ciel se pare d’un bleu éclatant. Le soleil devient de plus en plus ardent, faisant grimper le thermomètre jusqu’à 25°C. Ce contraste saisissant entre le matin pluvieux et l’après-midi ensoleillé me plonge dans un bonheur profond, annonçant le début de l’aventure albanaise.
La halte du soir se fait au Relais du Calcio. Sans être bercé dans un luxe ostentatoire, l’endroit est coquet et confortable ; la table y est bonne et la soirée sera arrosée d’une excellente bouteille de blanc pour célébrer l’arrivée en Vénétie.
En ce dimanche matin, le ciel s’est paré d’un bleu éclatant. Cela m’avait manqué. Dès l’aube, le soleil brille de mille feux. Les suaves effluves d’une journée d’été se dégagent. Je suis envahi de bonheur et conscient du privilège de pouvoir entreprendre un tel voyage.
Près d’Oriago, la route épouse agréablement les formes sinueuses du canal qui se jette dans la lagune. Debout sur de larges gondoles, des équipages, constitués d’un barreur et quatre rameurs vêtus de bleu et de blanc, s’emploient à faire avancer leur embarcation. Cette élégante scène dominicale me fait penser à des tableaux du XIXème siècle.
Après une courte route et avant d’embarquer sur le ferry, j’accomplis les démarches administratives. Pour les avoir déjà pratiqués plusieurs fois, la procédure et le lieu me semblent familiers. C’est aussi un moment de sérénité pour Vincent que de me laisser faire. C’est la première fois qu’il prend le ferry à moto. Il y a un peu de monde mais tout se passe aisément. Une fois les démarches effectuées, j’embarque. La cabine est spacieuse et confortable, j’ai même une baignoire – une première sur un ferry ! Une large fenêtre permet aussi d’admirer la mer, un vrai luxe.
Voyager en ferry offre un plaisir unique : celui d’apprécier le temps long. Contrairement aux autres types de transport, le ferry est une invitation à la détente et à la contemplation. Observer le rivage, deviner et imaginer au loin l’effervescence de Venise, sentir la brise marine et scruter l’horizon qui étend à perte de vue sont autant de plaisirs. Ce rythme lent permet de se déconnecter du quotidien effréné. Bercé par le ronron du moteur du navire, glisser gracieusement sur la mer est une invitation à la méditation. Les conversations intérieures s’approfondissent, les pensées s’éclaircissent. Le ferry transforme le voyage en une véritable évasion où l’instant est savouré pleinement. Le scintillement de l’eau, le vol gracieux de la mouette qui fend l’air, le coucher de soleil, tout devient simplement œuvre d’art.
Le ferry offre aussi son lot de jubilations par la galerie de personnages colorés aperçus : un hipster à moustache, un néo-punk avec une coupe improbable, un vieux, barbe blanche abondamment fournie, cheveux longs le tout coiffé d’un mini bonnet orange carnavalesque - j’ai l’impression de voyager avec un cirque de loufoques.
La nuit fut calme et reposante. Au matin, au niveau de Brindisi, je distingue la côte des Pouilles. Puis la silhouette des montagnes albanaises apparaît. Ultime effort, le ferry s’engage dans le détroit de Corfou, beau spectacle pour achever cette traversée.
Le débarquement du ferry se déroule, en fin d'après-midi, avec une rapidité inattendue. Point de cohue ni de chaos, comme jadis à Igoumenitsa, Patras ou encore au Pirée. Sous ce soleil d’après-midi, je m’échappe promptement du terminal des ferries pour m’engager sur les petites routes en direction d’Ioannina. J’ai toujours apprécié ces chemins confidentiels, ces sentiers qui mènent vers l’inconnu. Comme un entraînement, de bons tronçons off-road égayent mon parcours. Les routes sont désertes, hormis le bestiaire habituel : moutons, chèvres, serpents, et même une imposante tortue qui, déterminée, s’est aventurée à traverser la route pour vérifier si l’herbe était plus verte de l’autre côté.
A Vrosina (Βροσίνα), au hasard d’une halte, je trouve refuge dans une taverna (lat. 39.6486, lon. 20.5170). Là, à l’ombre d’une tonnelle, je savoure l’instant. L’atmosphère y est conviviale, à l’image de ces moments appréciés dans le Péloponnèse ou en Crète. Une discussion enthousiaste, rythmée par des gorgées de bière Alpha, anime la tablée voisine. Puis, un camion s’immobilise au milieu de la chaussée, le chauffeur entame une conversation avec une autre tablée. Cette petite taverna, au bord de la rivière, à la jonction du pont, incarne le dépaysement que j’affectionne tant. Une forme d’agora se dégage du lieu.
Après un bout d’off-road, j’achève les 20 derniers kilomètres par la route directe. L’hôtel où je loge se dresse au bord du lac d'Ioannina. Les rives sont ourlées de saules pleureurs, conférant une touche romantique au lieu. Au centre du lac, une île abrite un monastère bordé de cyprès. Les montagnes environnantes encerclent ce joyau lacustre, et la douce lumière rosée du soir parachève ce panorama somptueux.
La soirée fut agréable, bercée par la convivialité d’un repas savoureux. Un changement radical par rapport aux insipides repas du ferry. Pour le dîner, l’hôtel est assailli par un groupe de Français. Je me demande si le personnel de l’hôtel n’est pas un peu trop zélé quand il nous gratifie d’une sélection de chansons françaises. Il ne s’agit pas des derniers tubes à la mode. On me sert Rina Ketty et Piaf. Certes, ce sont d’honorables monuments de la chanson française, mais plutôt destinés à nos aïeuls.
Après une nuit réparatrice, je profite d’un somptueux petit déjeuner, le choix est pléthorique et la qualité irréprochable. Cet hôtel est d’une excellente facture. Entre le confort, les infrastructures et le service, c’est un sans faute.
Jusqu’à la frontière albanaise, le programme de la journée est à l’image de celui de la veille : profiter des petites routes étroites, confidentielles, aux contours torturés, de la région. Les paysages montagneux aux alentours sont superbes. Il faut une once de dextérité pour tirer profit de ces infinies volutes. Les routes sont désertes, ce qui confère une sensation d’exclusivité. Seul un troupeau de vaches, qui remonte la route, vient perturber cette quiétude en créant un embouteillage.
Micro-pause à la frontière, je m’avance vers le poste de contrôle. Le douanier grec engage directement la conversation en me disant qu’il possède une KTM 1290. Nous discutons un moment – c’est convivial. Vincent ne montre même pas ses documents. Le côté albanais est tout aussi expéditif. Ce passage de frontière fut une simple formalité.
Détour par le « Blue Eye », haut lieu touristique mais très beau. Une fois le devoir touristique accompli, j’enchaîne par un bon bout d’off-road pour regagner la côte en coupant par la montagne. Les deux tiers se passent bien, hélas le chemin est sans issue. La cartographie et la réalité ne racontent pas la même histoire. Je rebrousse chemin. Ce fut un merveilleux moment off-road avec son lot de passages techniques – j’ai adoré.
Une fois revenu sur la route, au niveau de Bistrica, la moto semble déséquilibrée et veut se dérober sous mes pieds. Le constat est sans appel, j’ai crevé de la roue arrière. Le temps devient menaçant et l’orage gronde. Heureusement, j’ai trouvé refuge sous la véranda d’une pâtisserie. Entre l’orage, la pluie et la galère pour extraire la roue, je décide d’appeler l’assistance. Mon premier interlocuteur me demande si ma moto est essence ou diesel – je comprends tout de suite que la discussion ne sera pas simple, surtout quand il continue en me demandant si j’ai une galerie ou une remorque – mais bien sûr !
L’aventure, ce n’est pas le voyage ou l’incident. Ce qui est intéressant, c’est tout ce qui se passe à l’intérieur de l’instant ou qui gravite autour de ce moment. La crevaison est une gêne, un avatar dans le voyage, mais la vraie aventure, c’est par exemple le remorquage. Pour ceux qui ne sont jamais allés en Albanie, il faut savoir que c’est le pays qui connaît la plus grande concentration de Mercedes. Toutes les générations de la marque de Stuttgart se côtoient – un vrai musée automobile à ciel ouvert. Le camion de remorquage ne déroge pas à la règle. C’est une antique Mercedes Sprinter. Une fois la moto hissée sur le plateau, le challenge pour son conducteur est de passer la première vitesse. La boîte de vitesses est un soupçon récalcitrant. Après de nombreuses tentatives, le démarrage se fera finalement en seconde. Le voyage se fera à la vitesse prodigieuse de 40 kilomètres à l’heure. Pour le déchargement, c’est l’hydraulique qui a refusé de fonctionner. J’étais arrivé sur le parking du réparateur de pneus mais impossible de descendre de ce foutu camion. Après quelques appels téléphoniques, incantations et manipulations obscures, ô miracle, Toni touche enfin le sol ! Le reste fut simple : décoller ce satané pneu, changer la chambre, colmater le trou et repartir. Toute cette petite histoire a duré moins de 4 heures – ce n’est pas si terrible dans le champ des étoiles.
La soirée s’achèvera à Sarandë. Je suis déçu d’avoir raboté les vacances de Vincent d’une demi-journée. Chapeau à lui qui, pendant tout cet incident, a démontré un support et une patience remarquables.
Sarandë s’éveille doucement. Le bleu du ciel se déploie, tandis que le soleil émerge lentement derrière la colline. Je m’abandonne à la vue de cette arène maritime, assis sur le balcon de ma chambre. La quiétude du matin enveloppe le détroit de Corfu, et l’air frais, encore chargé d’humidité, caresse mon visage. Le silence persiste, propice à la rêverie qui pourrait s’étirer des heures durant. Le petit-déjeuner est pris sans hâte. Le temps est rythmé de manière heureuse.
Ma route du matin me conduit vers Gjirokastër. Perché sur sa colline, l’imposant château d’origine ottomane domine la vallée. Pour atteindre les remparts, je m’enfonce dans de petites rues pavées, pentues à souhait. Même pour les connaisseurs, l’ascension du Grund au Luxembourg ne rivalise pas avec ces rues. Les églises et les mosquées témoignent de la coexistence des différentes cultures qui ont laissé ici leur empreinte. Les maisons à tourelles, aux toits en lauzes, forment la majorité des habitations. Certaines sont remarquablement restaurées, d’autres portent les stigmates du temps. Gjirokastër, c’est un lieu où les pierres usées racontent une histoire riche et complexe.
Après avoir quitté les sentiers touristiques, je décide de m’aventurer en direction de Permët à travers les montagnes, hors des sentiers battus. La boucle reliant Gjirokastër, Erind et Poliçan est une merveille à elle seule. Mais, à Poliçan, la météo menaçante me pousse à couper court après Erind, pour rejoindre Permët. Le début de ce raccourci, en off-road, se révèle d’emblée exigeant. Je m’engage sur un chemin caillouteux et la carte me révèle que les courbes de niveau me feront perdre 300 mètres de dénivelé en seulement 500 mètres ! Une pente vertigineuse, plus proche de la chute libre que de la simple inclinaison. À pied, je reconnais la première difficulté. La voix de la sagesse me rappelle à la raison. Ce chemin pourrait me hisser au rang des héros, mais il pourrait tout aussi bien me plonger dans une galère épique. J’opère un sage demi-tour et choisis de faire la route directe vers Permët.
Avant d’atteindre Permët, une belle averse s’abat sur moi. Le dilemme du motard se pose : s’équiper ou non ? Je me gare dans un champ, enfile ma veste de pluie à la hâte. La pluie redouble. Je ne sais plus si je suis mi-sec ou mi-mouillé. Ironie du sort, un kilomètre plus loin, la pluie cesse, et la route est sèche – la vie du motard et les caprices météorologiques.
Enfin arrivé à Permët, je retrouve avec bonheur l’hôtel qui m’avait hébergé lors de mon Adriatique Tour en 2022. Les bagages déposés, je file vers les eaux chaudes thermales situées à une quinzaine de kilomètres au sud de Permët (Canyon Lengaricës). Là-bas, je barbotte et me relaxe pour clôturer cette journée de transition.
Dans certains hôtels, des buffets d’une exquise finesse proposent des produits subtils, raffinés et variés. Cette excellence cohabite avec le plaisir de savourer des produits locaux. Des mets authentiques, soigneusement préparés et présentés dans leur plus simple expression, offrent aussi une importante dimension gustative et gastronomique. Ce petit déjeuner en est la parfaite illustration. Ces confitures de prune, relevées d’une touche de cannelle, ce nectar de figues confites agrémenté d’une note anisée, ces œufs de ferme au jaune intense, cette fêta nichée dans un lit de crudités, tout est empreint de simplicité; cela ressemble à une merveilleuse offrande pour commencer la journée.
Je démarre ma journée tambour battant : cinq kilomètres après Permët, direction Berat par la piste. Cette fois, je suis convaincu de pouvoir traverser la montagne. J’ai déjà emprunté ce trajet il y a deux ans, mais dans le sens inverse. Le parcours de Permët à Berat est plus technique ; la pente y est plus prononcée et le sol plus caillouteux. Cette piste est un double délice : celui d’admirer des paysages merveilleux et d’apprécier les capacités de ma moto. Toni, incroyable machine à voyager sans limite, est ici dans son élément. Sur tous les terrains, confort, facilité et sérénité me permettent de profiter pleinement de mon voyage.
À mi-parcours, je m’accorde un moment de repos à l’improbable “Petulla Caffe Camping”. Le camping est une pâture, et le café un plancher posé sur quelques madriers, le tout surmonté d’un toit en tôle protégé par des feuilles de palmiers. On y trouve une table et quelques troncs coupés faisant office de chaises. L’accueil est convivial et ma “babouchka” me propose plein de bonnes choses de son cru. Après mon copieux petit-déjeuner, je me contenterai d’un café local servi dans une cafetière du style “Bialetti”. Le panorama est éblouissant, accompagné par un grand ciel bleu et une température de 25°C. Je n’imagine pas un instant faire cette piste sous la pluie, ni même de nuit. La route se poursuit le long du canyon Osumit. Un rapide arrêt au “Bride’s hole” permet d’apprécier les impressionnantes parois abruptes qui plongent dans le torrent bouillonnant. La route continue délicieusement jusqu’à Berat. L’esprit montagneux s’estompe, et le paysage laisse place à une agriculture maraîchère. Surplombé par son château, Berat m’accueille avec ses pittoresques maisons blanches accrochées à la colline.
Deux options sont possibles pour atteindre Ohrid (Охрид), situé en Macédoine du Nord : passer par le nord ou le sud. La route sud nécessite de faire un important itinéraire off-road qui, en cas de demi-tour, compromettrait l’arrêt à Ohrid. Je choisis le nord !
Une fois passé Berat, et jusqu’à Elbasan, je trouve un esprit toscan au paysage. De douces collines plantées d’oliveraies ondulent sans fin à l’horizon. Je traverse un invraisemblable champ pétrolifère, accompagné de son âcre senteur, de ses derricks (pas l’inspecteur) et d’une microstation de raffinage - étonnant. D’Elbasan à la frontière macédonienne, la route longe la Shkumbin et l’ancienne voie ferrée avec ses viaducs et tunnels désaffectés. La route serpente à souhait et le paysage est toujours aussi superbe. Le trafic devient plus dense. La conduite des usagers est incisive, voire imprévisible. Je n’échappe pas à l’évitement d’une énorme faucheuse en plein virage, qui sortait sans crier gare d’un champ, ni, plus tard, à un freinage très appuyé pour éviter une voiture s’arrêtant en plein milieu de la chaussée. J’allonge l’allure jusqu’à la frontière pour m’extraire de cet environnement “déstructuré”.
La frontière est passée sans encombre, même si le douanier a trouvé “cavalier” de doubler la file d’automobiles. Une première en plus de 25 ans de traversées de frontières. L’excuse du motard qui cherche l’ombre fonctionne toujours. C’est vrai que le mercure pointe maintenant à 29°C. Du haut du col, la vue sur les montagnes qui enserrent les eaux cristallines du lac d’Ohrid (lac classé au patrimoine mondial de l’UNESCO) est impressionnante et majestueuse. Une fois la frontière franchie, le contraste avec l’Albanie opère. Déjà, des nuances distinguent ces deux pays voisins. Malgré l’harmonie naturelle, les influences illyriennes, romaines, byzantines et ottomanes de l’Albanie s’estompent et laissent place à l’identité slave et orthodoxe. La touche médiévale d’Ohrid rehaussée d’un esprit occidental finit par sceller cette impression de transition entre Ottomans et Slaves. Je regagne l’hôtel situé en bord de lac, et les 21°C ambiants me font presque penser qu’il fait frais !
La journée de repos ne fut qu'une illusion. L'après-midi, une idée lumineuse germe : gravir la colline jusqu'au pied du château d'Ohrid. Les rues pavées, pentues, bordées de maisons anciennes, de théâtres antiques et d'églises, révèlent un patrimoine d'une richesse inouïe. Mais cette ascension, entreprise en équipement de moto, fut éprouvante.
Cette escapade achevée, je m'offre une pause salvatrice au bord du lac. Les nuances infinies de bleu s'étendent à perte de vue. Les bateaux de plaisance voguant gracieusement au gré du vent apportent une touche romantique à ce grandiose panorama.
La nuit tombe. Les lumières des maisons se reflètent dans les eaux calmes du lac ; un scintillement féérique. Silencieuses et complices, les étoiles semblent se mirer dans ces eaux et veiller sur la ville. Ohrid, c’est l’histoire et la beauté qui s’unissent et invitent à la contemplation.
Cap au sud, vers le Galičica-Nationalpark. La route, telle une amante bienveillante, épouse avec douceur les contours du lac. L’eau cristalline miroite sous le soleil, révélant sa pureté toujours étonnante. Une grande douceur se dégage de ce lieu, comme si la nature elle-même me forçait à la contemplation.
Je m’acquitte de la dîme pour emprunter la route qui traverse ce parc national. Du belvédère, la vue est magistrale. Un panorama s’offre à moi, telle une embrassade. D’Ohrid à Pogradec, c’est une étreinte de 30 kilomètres, un délice pour les yeux. Le col franchi (1600m), je bascule vers le “Great Prespa Lake”. Ce lac, partagé entre l’Albanie, la Grèce et la Macédoine du Nord, étale sa majesté. La vue est impériale.
En amont du lac Prespa, la plaine s’étend, tapissée d’arbres fruitiers – pommiers, cerisiers, poiriers – une symphonie de saveurs et la promesse d’abondantes cueillettes. La vallée qui remonte vers Ohrid, encaissée et verdoyante, me rappelle certaines routes de mon Ariège natale. Les virages s’enroulent dans une danse élégante. Cette matinée est une overdose de paysages; c’est une récompense de se laisser porter par la route et d’apprécier chaque détail environnant.
À Ohrid, je fais halte dans un restaurant local où je suis le seul touriste. Les tarifs sont doux et le repas copieux. Après le repas, la route qui me conduit vers la frontière albano-macédonienne est bordée d’immenses étendues d’eau, formées par d’imposants barrages. Le paysage est reposant et beau. Juste avant la frontière, des champs de coquelicots apportent une touche de rouge et de pourpre, comme des éclats de passion dans ce monde paisible.
La frontière est presque déserte. Les formalités se déroulent en un éclair; me voilà de retour en Albanie. Il y a deux ans, la route entre la frontière et Peshkopi était un véritable champ de bataille, criblée de trous béants et de nids-de-poule, ou plutôt, de nids d'autruches. Malheureusement, la situation n'a guère évolué. Aujourd'hui, l'off-road n'était pas au programme, mais il s'est imposé à moi. D'importants travaux de rénovation sont en cours, laissant une route creusée et éventrée dans un état chaotique. En moto, la situation est parfois délicate, mais maîtrisable. Elle certainement très inconfortable en voiture.
J'atteins Peshkopi, la merveilleuse. Un bazar oriental à ciel ouvert. Une agitation urbaine fourmillante, où chacun vaque à ses occupations. Des centaines d'échoppes bordent les rues principales, offrant tout, de l'utile à l'improbable. Une délicieuse saveur de capharnaüm flotte dans l'air.
La route de Peshkopi à Barjam Curri, via Kukës, est un pur enchantement. Des paysages à couper le souffle s'ajoutent à une orgie de virages, comblant les pilotes les plus avides. Le final par la SSH23 est une estocade pour s’endormir rassasié de pilotage, les yeux émerveillés par la beauté des paysages traversés.
La matinée se déroule sereinement ; le départ du ferry pour descendre le canyon Koman est prévu à 13h. Une halte au village avant l'embarquement permet de préparer un pique-nique qui sera pris à bord. La quête de la boulangerie s'avère être l'énigme du jour. Cachée derrière les maisons en bordure de route, la boulangerie se présente sous la forme d'un modeste baraquement. Le service se fait par une minuscule fenêtre, accessible après avoir appuyé sur un discret bouton. J'ai dû interroger cinq personnes avant de trouver ce lieu, qui se trouvait à seulement 100 mètres de moi. C'est une boulangerie pour les initiés.
La descente du canyon de Koman est un spectacle époustouflant. Le ferry serpente sur plus de 30 kilomètres dans une vallée encaissée, noyée par un barrage. Le turquoise de l'eau, le paysage montagneux et les parois minérales confèrent à la croisière un caractère spectaculaire. Cependant, un quart d'heure de voyage est attristant : sur une zone limitée, des milliers de déchets plastiques jonchent les eaux. Un spectacle navrant, conséquence de l'insouciance, de la négligence et du manque de moyens pour collecter les déchets.
Le débarcadère est un véritable capharnaüm, un enchevêtrement de piétons à la recherche de leur bus et de véhicules garés pêle-mêle à l'entrée du tunnel. La route pour rejoindre Shkodër est largement défoncée, mais après ces trois heures d'évasion et face à une nature aussi ravissante, tout est pardonné.
À Shkodër, après une pause pour savourer une délicieuse glace artisanale préparée sur des machines antiques, l'heure déjà bien avancée me pousse à renoncer à faire le Theth (hors-piste dans la montagne). Le Durmitor sera l'objectif : cap sur le Monténégro. Le passage de la frontière albano-monténégrine s'effectue de manière fluide. En quelques années, je remarque que le folklore des contrôles aux frontières semble s’estomper pour faciliter les échanges et le tourisme. Cela me change de la frontière géorgio-arménienne de l’an dernier !
Les 35 derniers kilomètres entre Podgorica et Kolasin sont exécutés par l'autoroute. Moi qui râle souvent contre les autoroutes, celle-ci mérite 5 étoiles. Les tunnels, les ouvrages d'art, le revêtement, l'infrastructure sont incroyables. C'est sans doute l'autoroute la plus chic des Balkans.
J’arrive à Kolasin, un village de montagne, où je passerai la nuit. Le plus spectaculaire est la transition architecturale une fois la frontière franchie. Comme en Macédoine du Nord, la touche slave ici est perceptible, cela donne au voyage un perpétuel dépaysement. La journée s'est achevée par un excellent repas arrosé d'un Vranac Réserve de 2015 qui a ravi mes papilles.
Ce matin, à Kolasin, la météo, joue une danse capricieuse. Le départ s'effectue sous une petite pluie, mais rien de bien contrariant. À Mojkovac (Мојковац), je m'engage vers le nord-ouest, le long de la rivière Tapa, en direction du parc national du Durmitor.
La route est magnifiée par des nuages cotonneux épars, qui flottent dans l'air comme un rêve éphémère. Parfois, ces nuées s'accrochent à la crête des montagnes ; parfois elles se posent délicatement sur les cimes des arbres. Cette touche automnale apporte une once de romantisme à un paysage déjà exceptionnel. À mi-chemin, le canyon se resserre. Je pénètre dans un défilé aux parois abruptes. Les arbres, tels des acrobates défiant les lois de l'équilibre, s'accrochent de manière improbable à la montagne. Dans la partie boisée, la pluie réveille l'odeur de l'humus. Les senteurs de bois, de mousse et de champignons rendent la route olfactive, comme si la nature souhaitait sublimer ses beautés.
Au détour d'un virage, un jeune isard, surpris par ma présence, zigzague sur la route avant de s'enfuir dans la pente rocailleuse. Sa silhouette gracieuse s'estompe dans la brume, laissant derrière elle une empreinte animale sauvage.
L'arrivée sur Žabljak (Жабљак) est marquée par des précipitations intenses. Je m'abrite à une station-service pour m'équiper plus lourdement contre la pluie. Un rapide point météo me rassure : le gros des précipitations se diluera au fur et à mesure que je m'enfoncerai vers le sud.
Le Durmitor offre deux routes : l'une par le nord, via le point de vue « Nedajno (Susica canyon) », et l'autre par le sud, via le « Sedio Pass ». L'idéal serait de faire la boucle nord-sud, de Žabljak à Žabljak. La route sud, déjà parcourue par le passé, laisse place à l'aventure du nord. Les rangers du parc, bienveillants gardiens de ce joyau naturel, n'oublient pas de me faire payer le droit de passage. L'endroit est si merveilleux que le prélèvement de ce tribut est vite pardonné. Le parc national du Durmitor est une beauté naturelle exceptionnelle tant par la puissance scénique de ses paysages que par sa richesse géologique, florale ou animale.
Une fois l’extase du Durmitor consommée, je plonge vers Pluzine (Плужине). La route se faufile sous la montagne, dans des tunnels creusés sommairement dans la roche. Une série de virages dominent l'éblouissante eau turquoise du lac Piva.
La route de Niksic (Никшић) à Njeguši (Његуши), par Čevo (Чево), abandonne l'aspect montagneux pour s'ouvrir sur des vallées verdoyantes aux accents calcaires et méditerranéens.
La journée s’achève par la serpentine de Kotor (Котор), réputée pour être l'une des plus belles routes d'Europe. Du belvédère, la vue sur le fjord de Kotor est spectaculaire. Une étreinte entre la mer Adriatique et la sérénité de Kotor.
Cette journée est l'essence même du Monténégro : une nature puissante, immersive, qui submerge le visiteur d'émotions. Chaque virage, chaque paysage, raconte une histoire millénaire, et je me sens privilégié d'en être le témoin. Le Monténégro, tel un poème épique, dévoile ses vers majestueux à qui sait les écouter.
Le repas du soir se déroule sur la terrasse, en bordure des berges du fjord de Kotor. Le panorama se farde de notes rosées, cuivrées et orangées. Dans un ultime souffle de lumière, ce jour agonisant finit par incendier l'horizon d'un pourpre éblouissant. La nuit maintenant se déploie avec délicatesse, drapant les lieux de son encre noire. Les lumières de la rive opposée finissent de se refléter dans la mer comme une toile impressionniste.
La journée étant courte, en ce matin baigné de soleil dans un ciel d'un bleu pur, je savoure encore un moment la quiétude de cet endroit. Je remonte la route qui longe la rive, m'enivrant de la beauté du paysage. Une fois Budva (Будва) traversée, la route côtière prend des airs de Croatie ou de Corse. Tout semble plus touristique, plus formaté mais l’environnement est ravissant.
Après le rythme sénatorial imposé par le trafic du bord de mer, la route qui mène vers Vranjina (Врањина) insuffle un peu plus de rythme à mon périple. Au sommet de cette route, la vue sur le lac de Shkodra est magnifique. J’emprunte à nouveau un tronçon de route parcourus il y a deux jours, et refranchis la frontière avec une aisance déconcertante.
La température se stabilise à 29°C ; une halte s'impose. Au hasard, je m'arrête dans une auberge en bord de route, le « Bar Restaurant Brrakaj ». Une envie d'agneau me traverse l'esprit. La serveuse confirme qu'il est excellent. Je me laisse tenter. Intrigué, j'observe une femme munie d'un long couteau traverser le chemin pour se rendre dans une sorte d'abri. J'ai l'impression qu'un lapin ou une poule va bientôt passer à la casserole, ou le conjoint – qui sait ? La serveuse, visiblement intriguée par ma mine, me lance en anglais « C'est pour l'agneau ». Je me dis alors qu'un agneau va être zigouillé pour rassasier ma panse. Une simple salade grecque aurait suffi. De plus, la viande fraîche ce n'est pas bon. Quelques minutes s'écoulent, et la serveuse réapparaît avec l'agneau entier sur un immense plateau. Celui-ci finissait de se dorer sur une rôtissoire alimentée par un feu de bois. Un réflexe pavlovien m'envahit, et mes papilles crient famine. Ce fut un festin merveilleux, de la salade grecque à ce morceau d'agneau, en passant par le fromage de chèvre, tout était sublime.
Le repas est animé par la discussion de trois hommes visiblement bien pochetronnés. Même sans comprendre l'albanais, l'élocution de l'un d'eux paraissait hasardeuse, et certains mots semblaient manquer par moments – probablement une conversation alternative ! L'image a confirmé le son, car pour regagner leur véhicule, l'un des passagers jouait à « château branlant », tandis que l'autre chancelait comme un bateau en pleine tempête. Heureusement, le conducteur était assis. La sieste qui a suivi a dû être bien longue pour notre trio.
Les derniers kilomètres de route menant à mon hôtel avant Theth, sont extraordinaires. D'immenses falaises claires, encore tachetées de neige, bordent mon chemin, évoquant les Dolomites. Encore un morceau de montagne albanaise à savourer.
Dernière journée en Albanie ; la lumière du matin baigne le village de Theth blotti au fond de son cirque montagneux. Ses parois calcaires, d'un gris doux, évoquent une beauté rare. Entre les hauteurs vertigineuses et les verts tendres, Theth respire l'authenticité. Mais aujourd'hui, ce n'est pas la quiétude qui m'attend, mais l'aventure.
L’objectif de la journée est simple : parcourir la piste off-road sud de Theth et rejoindre le ferry à Durrës. Quatre heures d'off-road et deux heures de route sont prévues pour regagner la ville portuaire. La route du col menant à Theth est escarpée, parfaite pour un réveil dynamique.
Je m'élance sur la piste. Les premiers reliefs et gués sont faciles à franchir, mais, bientôt, les choses se corsent. Des engins de chantier s'affairent ici et là, ralentissant ma progression. Devant moi, deux motards tchèques, épuisés, sont largement dans le « rouge »; ils poussent leur machine pour franchir cette pente pierreuse. Je suis coupé dans mon élan. Une marche abrupte m’oblige à descendre de ma moto et je la franchis à pied, version enduro.
La piste se transforme en un dédale caillouteux, rocailleux, creusé par les assauts du temps. C'est technique et physique. La fatigue s'accumule, et je perds l'équilibre à l'arrêt. Je tombe avec panache! Heureusement, ma moto est relativement légère et je ne suis par chargé comme un baudet. L’aide de Vincent est précieuse pour cette séance d’haltérophilie.
Je cale, le tableau de bord s'éteint. Plus d'alimentation électrique. Un zeste de panique me frôle. Le voyage pourrait prendre une drôle de tournure. Je respire, reprends mes esprits. Toni, fidèle destrier, redémarre, et je poursuis mon périple. Le problème se situait entre la selle et la clé !
Je croise un camion descendant au pas. Une vache est chargée sur le plateau. Le passager ouvre la voie pour guider le convoi. Le guide essaie de me dire quelque chose, mais je ne comprends rien à ses propos. La piste étroite nous oblige à un croisement périlleux. Il avance doucement ; la ridelle touche mon épaule. Je suis à deux doigts de tomber dans le ravin, c’était Saint-Juste. J’ignore d'où vient ce camion et combien d'heures il lui a fallu pour arriver ici.
Le trafic est rare. Dans mon sens de circulation, nous sommes 4 motos. Dans le sens inverse, je croise un groupe d’enduristes, composé de 6 motos, et ce fut tout. Ce groupe fut salvateur. Le sac où je range mon nécessaire de pluie a une tendance à jouer les filles de l’air. Deux fois déjà durant le voyage, Vincent l’a récupéré. Cette fois, il tombe dans la jante, se déchire, et je perds son contenu sans m’en rendre compte. Un bon samaritain rebroussa chemin pour me rapporter l’essentiel décimé sur la piste. Mon maillot de bain fétiche (Vilebrequin) est parti dans la jante et le disque de frein ; il est déchiqueté. Mon pantalon de pluie, que je n’utilise plus, manque à l’appel. Les aléas de l’aventure !
La route se poursuit, toujours aussi exigeante. Le temps continue de filer inexorablement. J’arrive sur un plateau où je peux souffler après ces difficultés. Je sens que je suis dans le bon tempo ; je ne m’arrête pas. La piste est toujours aussi difficile. Je décide d’ajouter du rythme et de faire confiance à mon fabuleux Toni et à ses suspensions de feu. Étrangement, plus c'est difficile, plus tout devient facile en ajoutant du rythme. Le slogan « Say No To Slow » prend tout son sens. La moyenne horaire grimpe sans toutefois atteindre des sommets.
Nouvel évènement, la route est maintenant obstruée par une grosse pelleteuse à chenilles, coincée entre falaise et précipice. Impossible de passer même en imaginant les plans les plus fous. J’entends les à-coups du démarreur qui refuse de relancer la machine. Les choses s’aggravent. Une camionnette de maintenance vient d’arriver à contre-sens. Le mécano plonge dans le moteur. Une demi-heure s’écoule, et toujours pas de solution à l’horizon. Le scénario catastrophe germe dans ma tête ; un retour par la Croatie et des kilomètres non-stop à faire si cette damnée pelleteuse ne redémarre pas. Le mécano s’affaire toujours au chevet de la bête. Ô miracle, le moteur démarre. Quelques coups de pelle nivellent grossièrement les cailloux et la voie se libère.
A la jonction avec la route, arrêt dans un bar pour m’hydrater et me reposer un instant. Quatre heures et demie d'efforts auront été nécessaires pour arriver au bout de cette piste aux paysages superbes. Ici ce ne fut pas le défilé Wunderlich ou la parade. C’est une piste fabuleuse - le royaume des monos et des trails légers - à faire impérativement par beau temps et à deux au minimum. Circuit à éviter pour les novices. Néanmoins, le sens Shkodër -Theth me paraît plus abordable.
Avant d’arriver à Durrës, il fait chaud (29°C), le trafic s’intensifie. Je redouble de vigilance. Enfin, Durrës et son port. Les formalités d'embarquement et de douanes sont simples. Une douche salvatrice, un repas avalé à la hâte, et à 21h30 tapantes, je m'endors profondément jusqu’au matin. Le repos du guerrier fut mérité.
En 2022, l'Albanie m'avait inspiré ces quelques mots : subtile alchimie entre mer et montagne. Ici, les montagnes s'unissent au ciel, comme une douce inspiration. Le murmure des torrents célèbre la splendeur d'une nature aux lueurs sacrées. Les forêts verdoyantes s'abandonnent avec élégance jusqu'aux vallées drapées d'éclatantes couleurs. Les champs soyeux aux teintes dorées, ondulent sous la caresse du vent, tandis que les fleurs répandent leurs fragrances suaves. Dans les hauteurs, les aigles planent en toute liberté, témoins majestueux de cette belle sérénité. La mer et ses côtes escarpées, battues par les vagues, offrent une mélodie maritime aux saveurs salées. Le temps semble ici plus précieux. L’Albanie est un joyau de sérénité et de splendeurs naturelles. Tout est spectacle, offrande d'une terre riche en émotions où chaque souffle de vie est une douceur.
Journée de transition pour rejoindre le nord de l’Italie. L’autoroute morne et monotone constituera l’essentiel de la journée. Telle une forge ardente, la chaleur écrasante du soleil (30-32°C) ajoute un côté pénible à ce trajet. Seule distraction : les hordes de Harley qui se dirigent vers le sud. Je découvre plus tard que cette transhumance est causée par la grand-messe des Harley Owner Group (HOG), qui se tient à Senigallia ce week-end. Un Sturgis à l’européenne avec, au programme, du cuir, des perfectos et du chrome à foison.
L’arrivée au lac d’Iseo est toujours un plaisir. Ces lacs du nord de l'Italie sont envoûtants et m'attirent toujours comme une valse folle. La route le long du lac pour atteindre mon hôtel est barrée. Je tente de trouver une déviation, sans succès. Je décide alors de forcer le passage, quitte à faire un peu d'off-road dans les travaux. La route est entravée par des barrières. Rapide appréciation du risque. Je déplace les barrières à l’entrée et à la sortie du chantier, en prenant soin de les replacer soigneusement après mon passage. Voilà un long détour savamment évité.
Arrivé à l'hôtel, je m'installe et profite du panorama sur le lac. Je me laisse doucement chavirer par le charme de cette vue éblouissante. Le soir, mes papilles se délecteront de mets italiens finement cuisinés. Chaque bouchée est une symphonie de saveurs, une célébration de l'instant présent.
Je poursuis ma progression vers le nord, laissant derrière moi le lac d'Iseo et son charme incontestable. Un florilège de 300 kilomètres de routes de montagne et de cols m'attend jusqu'à Davos. Je découvre la SS294, une petite route au trafic discret, qui exige une attention particulière - un véritable délice.
Je remonte le passso du Mortirolo, où un groupe de motards italiens assez arrogants, aux trajectoires imprévisibles et aux comportements aberrants, la "Wunderlich Academy" semble vouloir s'approprier la route. Je remonte prudemment la colonne, ce qui agace visiblement le groupe et le pousse à accélérer. Je dépasse tout ce monde, mais un individu téméraire résiste et tente de rester devant. Pneus tout-terrain contre pneus route ; sans effort et avec patience, un petit 890cc met tout le monde d'accord. Quelques egos ont dû être écornés - je ne suis pas particulièrement fier de cette facétie, mais il faut parfois remettre les pendules à l'heure.
Le Stelvio est partiellement ouvert. Seul le versant de Bormio est accessible, ce qui, par chance, correspond à ma direction. Les murs de neige le long de la route atteignent plus de 3 mètres de haut. Seul le Gavia manquera à l'appel. Les récentes chutes de neige n'ont pas permis son ouverture. Les autorités espèrent l'ouvrir ce weekend.
Les routes sont superbes et les variations des paysages alpins époustouflantes : pâturages, rochers, cascades ; tout est servi comme un festin visuel. La fenêtre météo est favorable, ce qui ajoute du panache à ces panoramas scéniques.
Une fois Davos passé, je souhaite atteindre les rives du Bodensee pour y passer la nuit. La Suisse, tout comme l'Autriche, est un pays où il fait bon rouler calmement. Je m'inscris dans le trafic à vitesse réglementaire. Je savoure ces paysages suisses, dignes d'images d'Epinal, qui me sont offerts.
Deux policiers au bord de la route me font signe de m'arrêter sur une route de délestage. Certain de n'avoir commis aucun excès de vitesse, je suis très détendu. Cela fait des années que je ne me suis pas fait arrêter par la police ! C'est une première en Suisse. Une voiture se gare devant moi. C'est une voiture banalisée avec un jeune policier à son bord. Il me demande si je sais pourquoi je suis arrêté. Mon attitude est constante dans ces situations : sourire, courtoisie et empathie. Après avoir discuté en anglais, Vincent est affranchi de quoi que ce soit. Le coupable, c'est le couillon qui est devant et qui a été pris par la patrouille. Le délit ? J'aurais circulé sur une zone protégée ; autrement dit, j'ai roulé sur des zébras qui séparaient la chaussée. Je remontais la file, je me suis déporté et j'ai roulé sur ces zébras.
Malheureusement pour moi, j'ai commis ce forfait en doublant mon policier dans sa voiture banalisée. Je me confonds en excuses et évoque mon profond respect pour les règles helvétiques. Tous les documents sont fournis ; le procès-verbal est rempli. Les policiers discutent une énième fois entre eux sur la qualification du délit. Tout est très sympathique et courtois, c'est même presque agréable. Arrive l'heure du paiement, la sentence tombe : ce sera 600CHF (619€). Je n'ai évidemment pas de francs suisses sur moi. Le policier m'invite à aller au distributeur du village.
Avant de retirer l'argent, le policier m'informe que, comme moi, il possède une KTM 890 R. Je lui fais remarquer que j'ai une édition limitée. Visiblement étonné, il me demande s'il peut la photographier. C'est bien un Suisse qui aime photographier une moto sale ! Même si les photos atterriront dans le dossier d'infraction - je ne suis pas innocent non plus ! Vincent, excellent commercial, parle moto avec lui. Moi, je me dirige vers mon distributeur.
J'introduis ma carte dans le distributeur. Visiblement, ma carte est indigeste ; le distributeur bugge. La policière à côté de moi me dit qu'il faut enfoncer la carte plus fort. Je lui propose de le faire elle-même. Elle s'exécute et le distributeur reboote. La scène ressemble à un gag : trois tentatives et, à chaque fois, le distributeur a un comportement loufoque. La policière me demande si j'ai une autre carte - évidemment. J'introduis ma deuxième carte et ce distributeur affiche des messages d'erreur abracadabrantesques. Le policier propose alors de mentionner sur le procès-verbal que le distributeur ne fonctionnait pas. L'épisode, police, aura duré une bonne heure, après une série de poignées de main accompagnées des salutations d'usage, je reprends la route. J'ai l'intime conviction, par l'attitude courtoise et conviviale de tous, que ce dossier sera classé verticalement.
Après la belle journée de roulage et la péripétie policière qui m'a ralenti, la nuit se passera en Autriche, à la frontière avec le nord du Liechtenstein.
Au seizième jour de notre voyage, en franchissant la frontière à Schengen, Vincent et moi célébrons notre retour au Luxembourg par un “check” complice échangé en roulant. Soudain, une vague de sentiments ambivalents m’étreint ; la nostalgie de ces instants fugaces où le temps semblait suspendu dans l’éternité, ces souvenirs précieux tissés de joie et de mélancolie, ces moments révolus, éteints à jamais, que je ne revivrai plus, et cette étrange douce-amère émotion du plaisir contradictoire de rentrer chez moi. Pourtant, une joie sereine m’habite à l’idée de ce voyage. Tel un horizon qui s’estompe, cet instant est le prélude à l’éveil d’un nouveau jour qui constitue le terreau de savoureuses futures aventures.
Les années précédentes, je lisais avec intérêt les journées de voyage racontées par Bruno. Cela me faisait un peu rêver et permettait de s’évader un moment de la routine du quotidien. Cette fois-ci "I was living the dream" et je ne regrette rien.
Rapidement un esprit de franche camaraderie s’est installé entre Bruno et moi ce qui nous a permis d’avaler des centaines de kilomètres par jour dans la bonne humeur. Presque comme un rituel, chaque matin après un solide petit-déjeuner, j’harnachais mes bagages sur la moto et ensuite enfourchais ma monture pour découvrir les nouveaux paysages concoctés par Bruno. Tantôt un lac, tantôt des montagnes, tantôt un canyon. J’ai parfois un peu de peine à suivre son rythme effréné dans les dizaines de virages en épingles qui parsèment la route. On se donne d’ailleurs mutuellement des surnoms comme ‘la gazelle albanaise’ ou ‘le frelon monténégrin’. Il est vrai qu’une fois sur sa bécane, Bruno, avec son physique de rugbyman, parait soudain léger, presque aérien et enchaine les tournants avec une agilité déconcertante et un plaisir évident et néanmoins partagé. Heureusement, il s’arrête régulièrement pour prendre des photos et nous faisons de temps en temps une pause plus longue pour boire un café serré parfois accompagné d’un en-cas. Lors de ces arrêts impromptus, nous avons parfois de belles surprises; un délicieux café turque appelé "café domestique", une succulente glace bio au lait fraichement préparée ou simplement des sourires authentiques, des enfants qui rient et nous demandent de mettre les gaz.
Quelques sorties off-road nous donnent parfois du fil à retordre et nous obligent à sortir de notre zone de confort. Heureusement, on peut compter l’un sur l’autre dans les situations ‘cocasses’…
Un chose que je retiendrai de ce fantastique périple est que nous terminons nos journées en deux roues par un copieux repas, parfois arrosé d’une sympathique bouteille de vin. Nous explorons la cuisine locale qui est le plus souvent à la hauteur des paysages.
En résumé, un tourbillon de vues à couper le souffle, des cultures différentes; l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, une riche expérience de la conduite moto mais également de la préparation et enfin de bonnes tables parfois dans des endroits merveilleux.
Merci Bruno pour ta confiance et les mois de préparation pour que cette aventure se passe dans des conditions optimales.
l’Albanie, la Macédoine du Nord et le Monténégro sont des pays extraordinaires à découvrir. Ce fut un privilège d’embarquer Vincent, équipier et pilote hors pair, dans ce maelström de paysages, de virages et de changements quotidiens. C’est la densité de l’aventure qui m’a le plus ébahi. Les différences étaient si marquées que, chaque jour, un effort de mémoire s’imposait pour se remémorer les paysages traversés quelques jours auparavant. Ce n’était pas tant les kilomètres qui impressionnaient, mais plutôt les ruptures flagrantes entre les cultures et les régions. Ces ruptures ont insufflé un tempo particulier à notre périple.
Ce voyage ne fut pas un buffet pour bobos picoreurs de quinoa, ni pour bourgeoises « emperlousées » se gargarisant d’accents circonflexes, encore moins pour notaires motards se pavanant comme à la parade. Non, ce voyage fut un banquet gaulois : une orgie de paysages, une ripaille de virages, un festin, une ivresse. Exalter les sens, se délecter de l’art du pilotage, ne pas intellectualiser l’instant, aller à l’essentiel, observer et apprécier simplement, anticiper, se laisser surprendre, ne rien prévoir pour le lendemain, juste avancer, essayer, oser et savourer le plaisir de la découverte. Un dernier mot pour nos destriers polyvalents, merveilleux et sans limites : merci ! Comme la cavalerie le disait « à l’honneur que l’on porte à nos motos, à nos femmes et à ceux qui les chevauchent».
Toutes les recommandations ci-dessous sont des références non-sponsorisées
Mes voyages sont guidés par la nécessité de jouir d’une grande flexibilité. Globalement, je détermine un sens de roulage et un corridor dans lequel je pense naviguer. Le reste c’est le fruit d’informations échangées localement, d’intuitions, d’observations et de pragmatisme. J’ajoute, une journée de repos tous les 5 jours de roulage - voilà ma recette de base.
Ce n’est pas le voyage en lui-même qui capte mon intérêt, mais plutôt le « contexte » qui l’habille. Le terme, « contexte », englobe l’ensemble des composantes qui contribuent au voyage, tel un ciment invisible, souvent délaissé ou négligé. Il couvre la condition physique, la préparation mentale, la préparation de la moto, l’étude cartographique, les mises à jour techniques, des stages pour renforcer ses acquis ou encore les séances d’entraînement visant à parfaire la symbiose avec sa machine après le repos hivernal.
Par le passé, mon focus visait à « cadenasser » le voyage et j’accordais peu d’intérêt au « contexte ». Au fil du temps, j’ai inversé ce modèle. Je ne sais dire si c’est un gain de confiance en moi, une plus grande expérience, la maturité, ou ma capacité à appréhender et résoudre des problèmes, mais je trouve une grande sérénité à privilégier le « contexte » et à moins centrer l’effort sur la destination. Comme le dit l'adage, ce n'est pas la destination qui importe mais le voyage!
Toni est commandé 20 septembre 2023 et immatriculé le 1 mars 2024. J’en prends procession le 8 mars. Rapide rodage et, le 19 mars la « Tour Rally » (RebelX de Manuel Lucchese) qui remplace toute la tête de fourche d’origine, est installée. Au-delà de son esthétique et de ses fonctionnalités, la « Tour Rally » offre une aérodynamique et une protection sans faille, même pour les motards les plus gaillards. La « Tour Rally » permet aussi d’installer mon Garmin Tread 8’’ (sous Android avec DMD2) à la place du dérouleur de roadbook désormais détrôné par une version numérique. Dernier passage au garage le 6 avril pour installer une plus grande boite à air. Ma monture est enfin parée de tous ses atours pour la saison. Me voilà prêt à affronter les chemins, bien équipé et résolu.
Pour la bagagerie, je réitère ma confiance aux produits de Moskomoto. À la différence de produits utilisés précédemment, ceux-ci se distinguent de la concurrence par une finition, une solidité et une conception professionnelle. Ils s’avèrent très pratiques à l’usage, car pensés par des personnes qui voyagent vraiment. J’ai posé mon dévolu sur un ensemble Reckless 80L. Pour simplifier, c’est le concept de la selle de cheval adapté à la moto. Comme, je voyage de plus en plus léger - l’an dernier je suis parti avec 32 litres de bagage pour 7 semaines de route - 80 litres de capacité, c’est Byzance ! Je vais pouvoir l’utiliser à mi-capacité.
Plus je voyage, plus je privilégie la légèreté, sans rien sacrifier à la sécurité. Depuis 2022, j’ai délaissé la veste de moto traditionnelle. Après 30.000 kilomètres d’ajustements, je pense avoir trouvé le compromis idéal qui me convient. Je porte un sous-vêtement technique régulateur de température (de marque Odlo ou Richa), surmonté d’un gilet intégral pare-pierres d’enduro (type armure) de chez Revit, et un maillot de cross/enduro par-dessus. Cela me permet de varier les couleurs et d’opter pour des teintes claires par temps chaud, ce qui est préférable au noir. Lorsque la température descend en dessous de 15°C, j’ajoute une doudoune en duvet de 700g (modèle Dainese Atacama) entre la première couche et l’armure. Pour les périodes fraîches ou venteuses, je porte un coupe-vent imperméable Goretex (de la marque Northface). En cas de pluie, ce coupe-vent suffit généralement, sinon je revêts une veste de marin pêcheur de chez Helly Hansen. L’approche multicouche me confère une flexibilité optimale et un confort constant. Concernant le pantalon, mon choix s’est porté sur le modèle Held Atacama, un textile très résistant à l’eau, qui assure un grand confort sur une large plage de température. Aux pieds, je chausse des bottes Klim GTX, un excellent compromis pour voyager, alliant confort et adaptabilité au touring et au trail. En cas de pluie battante ou de conditions très boueuses, j’enfile un pantalon de pêche de chez Helly Hansen. Mes effets personnels de première nécessité sont rangés dans un sac à dos de 8 litres Wildcat de Moskomoto, complété de l’indispensable accessoire, le « wild chest rig ». Pour l’hydratation, je dispose d’une poche à eau « Camel bag » de 3 litres (que je ne remplis jamais entièrement) et pour ma sécurité, j’active mon dispositif Garmin Inreach (Mini2) durant mes périples.
Mes vêtements de rechange ainsi que le matériel informatique, les câbles, les chargeurs et le nécessaire de photographie, occupent environ 32 litres de volume, soit l’équivalent d’une valise cabine. Le matériel mécanique est rangé dans un sac dédié d’une contenance d’environ quinze litres, comprenant chambres à air, outils, visserie, lubrifiants, leviers, etc.
Le 30 mars, première balade de remise en forme au bénéfice d’une fenêtre météo « potable » (sec et 13°C). Vincent et Albert sont de la partie. Petite boucle de de 410 kilomètres, entre Luxembourg et Allemagne, pour s’entrainer et apprécier notre manière de conduire. Cette magnifique balade fut quand même escamotée de 80 kilomètres par mes compagnons de route. Virages à gogo, qui ont permis de mieux se connaître.
Le 9 avril, un stage off-road avec Vincent était prévu chez « Petokask ». L’opportunité de réviser notre partition off-road. La météo est exécrable depuis d’interminables semaines. Les précipitations ont eu raison du terrain d’entrainement. Tout est inondé. Comme le waterpolo (ce n’est pas un sport pour noyer des chevaux) ou le pédalo ne figurent pas à la liste de mes activités essentielles, le stage fut reporté au 15 mai pour moi. Vincent fera un raid de 3 jours, début mai, dans l’Aveyron pour s’échauffer.
Le 14 mai, cap sur Meaux : la météo est encore d’un élan taquin; parée d’un cortège de nuages gris, le tout orchestré par une symphonie d’averses et un vent qui en décoifferait plus d'un. Le soleil, quant à lui, a choisi l’absence, laissant mon humeur rimer avec ce paysage morose. Les températures frôlent les 12-13°C, ce qui serait honorable pour une fin octobre. Assez de jérémiades, passons à l’essentiel: le stage.
Le 15 mai, jour de stage, je rencontre Vincent (Biau) et sa compagne Stéphanie. Leur bienveillance instaure rapidement un climat de confiance. L’accent aveyronais de Vincent ravive mes souvenirs d’enfance et crée une atmosphère chaleureuse et familière. Bien que voisin de région, mon accent ariégeois reste en sommeil, tandis qu’une joie intérieure et un confort invisible m’envahissent. J’ai l’impression d’être chez moi. Une intuition me dit que tout se passera bien, fort des recommandations de Lolo Cochet et de mon camarade de voyage, qui a déjà effectué raids et stages chez Petokask.
J’ai le privilège de bénéficier de l’enseignement exclusif de Vincent pour toute cette journée. Au bénéfice d'une accalmie, le temps restera sec et correct pour la journée. Vincent et Stéphanie ont un niveau de pilotage stratosphérique, le tout drapé d’une humilité remarquable. Vincent a terminé 74ème au classement général du dernier Dakar. Il n’y a aucun doute sur ses capacités techniques! L’immense qualité de Vincent réside dans sa capacité pédagogique. Tout est progressif, bien dosé, toujours à l’écoute, le geste est encourageant et son sourire approbateur réconfortant. En somme, ce stage est une réussite totale et peut être qualifié de : génial, merveilleux, abouti, épatant, brillant, superbe, sensationnel - une expérience inoubliable. Un grand merci à Vincent et Stéphanie - deux brillants instructeurs.
Dernier volet de la préparation, la mécanique. J’ai planifié un stage de mécanique de deux jours à Montbéliard les 13 et 14 avril. Ce fut aussi l’opportunité de faire un peu de route en configuration voyage et de faire les ultimes ajustements. Le 12, je m’enfonce vers l’Est. Coup de chance, coup du sort ou insolence, les seuls jours corrects du mois furent du 12 au 14 avril. L’objectif du stage est de vérifier si ma caisse à outil est complète et surtout si j’ai les bons gestes, afin de pouvoir les reproduire en sécurité en cas de panne. Les limites du stage restent raisonnables. Inutile d’envisager de démonter la boîte de vitesses par exemple. Mon objectif est de me concentrer sur l’utile : montage, démontage roues et pneus, réparation d’une chambre ou d'un pneu tubeless, entretien et remplacement de la chaîne, changement de plaquettes (disques), métrologie, purge des freins, vidange d’huile, réglages des commandes. Si cela déborde ce champ-là, l’assistance et les professionnels entreront en jeu. J’ai réalisé tout ça sur ma propre moto et avec mes outils. Oui, j’ai fait une vidange à 1.500 kilomètres après le rodage! Le bilan du stage est très positif surtout pour engranger du « capital confiance ».
Je profite de l’occasion pour saluer la gentillesse et l’infinie patience de Renaud qui a été mon maître de stage pendant ces deux jours. Débutants ou plus expérimentés, si vous souhaitez apprendre, le Ren’Garage est une très bonne adresse – pas de bla-bla, de l’efficace, du pratique du concret – Merci Renaud.
Ultime préparation, l’avant-veille du départ, je monte un set de pneus neufs afin d’être serein pour le voyage en Albanie. Ce seront des Mitas Enduro Trail+, même monte que d’origine, mais en modèle Dakar qui offrent une plus grande longévité et résistance à la crevaison (option validée l’an dernier). Sur le pneu arrière la marque Mitas est peinte en blanc. Le visuel est très beau. Après 3.000 kilomètres de prise en main, je trouve ces pneus Enduro Trail+ excellents, de dignes descendants des E07. Je réserve un train de pneus plus agressifs et, éventuellement, le montage d’une mousse à l’avant pour le KTM Rally Portugal – affaire à suivre !
Pour l’anecdote le logo, en haut de cette page, a été fait grâce à Dall-e, une intelligence artificielle qui crée des images. Le résultat est bluffant et surtout largement au-delà de mes compétences graphiques.
Ces tableaux de bord visent, d'une part, à répertorier les vitesses moyennes indicatives et, d'autre part, à connaître la consommation de carburant. La consommation de carburant permet de calculer l'empreinte carbone du voyage et de compenser cette dernière. La compensation se fait via des programmes de reforestation. Cette solution est, certes, imparfaite mais c'est un acte concret qui permet d'être conscient des enjeux climatiques et de modestement contribuer à minimiser son impact quand on voyage.
Date | Kilomètres roulés | Consommation l/100km | Temps de roulage | Commentaire |
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24.05.2024 | 8h30 Départ - Index kilométrique 2984 | |||
24.05.2024 | 651,6 | 5,5 | 7h40 | Luxembourg - Allemagne - Autriche |
25.05.2024 | 344,9 | 5,0 | 6h13 | Autriche - Italie |
26.05.2024 | 24,7 | 4,8 | 0h30 | Italie - Ferry |
27.05.2024 | 128,8 | 5,3 | 2h35 | Grèce |
28.05.2024 | 133,2 | 5,5 | 3h05 | Grèce - Albanie |
29.05.2024 | 188,8 | 5,0 | 3h33 | Albanie |
30.05.2024 | 264,2 | 5,1 | 4h59 | Albanie - Macédoine du Nord |
31.05.2024 | 264,2 | 5,1 | 4h59 | Ohrid |
01.06.2024 | 359,6 | 4,9 | 6h21 | Macédoine du Nord - Albanie |
02.06.2024 | 197,2 | 5,1 | 2h59 | Albanie - Monténégro |
03.06.2024 | 297,4 | 5,0 | 5h35 | Monténégro |
04.06.2024 | 171,4 | 5,0 | 3h00 | Monténégro - Albanie |
05.06.2024 | 206,5 | 5,2 | 4h39 | Albanie |
06.06.2024 | 458,8 | 5,4 | 5h14 | Italie |
07.06.2024 | 349,6 | 4,9 | 6h10 | Italie - Suisse - Lichtenstein - Autriche |
08.06.2024 | 494 | 5,0 | 6h32 | Autriche - Allemagne - France - Luxembourg |
08.06.2024 | 18h01 Arrivée - Index kilométrique 7278 |
Date | Index kilomètrique | Litres de carburant acheté | Coût € | Commentaire |
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24.05.2024 | 3234 | 14,36l | 25,69€ | D |
24.05.2024 | 3522 | 16,13l | 28,53€ | D |
25.05.2024 | 3730 | 10,75l | 20,95€ | IT |
26.05.2024 | 4001 | 14,12l | 26,67€ | IT |
28.05.2024 | 4137 | 7,47l | 14,01€ | GR |
29.05.2024 | 4330 | 11,62l | 20,59€ | 2080 LEK |
30.05.2024 | 4562 | 12,78l | 22,13€ | 2237 LEK |
01.06.2024 | 4841 | 13,78l | 18,49€ | 2137 LEK |
02.06.2024 | 5102 | 14,21l | 25,78€ | 2600 LEK |
03.06.2024 | 5391 | 14,47l | 22,72€ | Žabljak MNE |
04.06.2024 | 5673 | 14,61l | 22,50€ | MNE |
05.06.2024 | 5915 | 14,61l | 24,90€ | 2500 LEK |
06.06.2024 | 6117 | 11,38l | 22,01€ | IT |
06.06.2024 | 6395 | 10,73l | 22,01€ | IT 2,05€/l |
07.06.2024 | 6580 | 14,70l | 27,92€ | IT |
08.06.2024 | 6914 | 11,19l | 18,56€ | AT |
08.06.2024 | 7073 | 13,08l | 24,58€ | DE |
08.06.2024 | 7276 | 9,98l | 15,56€ | LU |
Merci à mes ami(e)s et proches pour le support. Un grand merci à Pascal B. et Danielle B. pour le travail de relecture.
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