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Olive Tour 2019

Un voyage à moto dans le sud de 9301 Km.

"Deux roues, un moteur, que du bonheur"

Introduction


Journal de voyage de l'"Olive Tour 2019", qui sera réalisé, à moto, du 25 mai au 27 juin 2019. Le départ est fixé au Luxembourg pour atteindre la Crète. La descente vers le sud sera effectuée par la France, la Suisse et l'Italie afin de prendre le ferry à Gênes. Le voyage se poursuivra par la Sardaigne, la Campanie, les Pouilles, le Péloponnèse pour atteindre la Crète. Le retour, haut en couleur, traversera la Macédoine du Nord, la Bulgarie, la Roumanie, la Serbie, la Hongrie, la Croatie, la Slovénie, l'Autriche et l'Allemagne.​ Quatorze pays sont donc au programme.

Avant de vous conter mon périple, je dois vous parler en préambule d'Ermeline. Sans elle rien ne serait possible. Ermeline est une petite rouquine autrichienne à l'allure élégante, svelte et racée. Elle est sportive et athlétique à la fois. Parfois son caractère fougueux s'exprime avec panache, mais tout est équilibre et agilité. C'est une beauté couchée dans un écrin de plaisir. Ermeline, elle ne se meut pas elle survole. Elle ne bouge pas, elle dessine d'élégantes arabesques quand elle se déplace. Ermeline c'est ma moto!

Des chiffres


La genèse


Après le tour en moto des îles Canaries en 2018, l'ivresse de la moto m'a conduit à élaborer un nouveau projet. L'idée première fut l'Islande mais ma gourmandise d'off-road et la traversée de nombreux gués, en solo, m'a amené à réviser mon plan faute de support logistique notamment en cas de cascades ou cabrioles. Le Kazakhstan fut ma deuxième idée, mais il s'avère difficile, en un mois, d'apprécier cet immense territoire. De plus, une fois arrivé aux portes de l'Asie, poursuivre en Mongolie s'impose. La faisabilité du Kazakhstan fut donc abandonnée. De fil en aiguille, l'idée de revenir en Sardaigne a germé, puis retourner dans la région de Naples fut une option séduisante. Cela permet de poursuivre le projet, sous-jacent à mes voyages, de trouver un havre de paix pour mes vieux jours. Ce voyage permet aussi de savourer le plaisir de prendre le bateau et de s'imprégner du rythme lent de la mer comme pour les Canaries. Les options sicilienne, calabraise et apulienne ont été envisagées, mais le Péloponnèse devenait la destination de choix avec la Crète comme but de ce périple.

Pour le retour, "la remontada", deux options étaient envisageables: le ferry jusqu'à Venise et une classique traversée des Alpes, ou un retour continental par l'est de l'Europe, qui permet de découvrir l'ouest de la Bulgarie, la Transylvanie et ainsi achever le périple par l'Autriche pour revenir à la mère patrie de ma moto. Regarder des cartes, c'est un infini plaisir de s'évader et d'explorer encore et encore. Hélas les jours manquent pour bifurquer vers l'Ukraine et pourquoi pas ne jamais revenir et être citoyen du monde. C'est après d'inutiles tergiversations mentales que j'ai décidé que la remontada serait raisonnablement continentale pour savourer, entre autres, la "Transfăgărășan" monument des routes européennes que tout motard se doit d'accrocher à son palmarès.

La préparation


Le Voyage


1) 25.05.2019 - Luxembourg - Suisse - Hergiswil (Lucerne) - 454Km

Il est très tôt en ce jour de départ, un Gremlin, dans la tête, a dégoupillé la grenade à bonheur, et « - boum ! Tout le monde debout on est en vacances – « ride on ! » ». Je le connais bien ce Gremlin, il me rappelle un surveillant de l'internat que j'appelais gentiment ”Herr Müller". Il aimait ça - gueuler dans les couloirs, puis ça lui passait, il n’était pas méchant, juste un peu con - militaire quoi ! Je me rassure cela aurait pu être pire, il aurait pu être séminariste.

Devant ce dictat, je m'ébroue de mon sommeil, Luxembourg semble encore endormi. Je me laisse progressivement envahir par le frisson du départ, j'aime apprivoiser cet instant particulier cette excitation inspirante, ce frisson, cette savoureuse vibration positive qui conduit à s'abandonner aux joies de la route.

Le voyage à moto revêt un aspect singulier, il faut oublier la dimension "ego" ou la quête de la performance. Il faut lâcher prise pour jouir des instants offerts. C'est une symphonie de bonheur dont toi seul diriges la partition. Partir c'est impérativement se préparer, s'entraîner, ne pas se disperser en amont et savoir tout donner avec passion à l'instant juste. Un départ c'est ta finale, Guy Noves disait "une finale ne se joue pas - elle se gagne" et il faut comprendre dans ce contexte "gagner" par "s'élever vers la plénitude".

Après des années de pratiques et d'entraînement, j'estime que la dynamique de la pensée positive et la projection mentale d'accomplissement permet de mieux savourer l'essentiel d'un voyage. C'est cette rencontre avec l'inconnu, la nature, la vibration qui permet de forger des souvenirs inoubliables. C'est bien là, la quête ultime du voyage et peu importe où tu vas, voyager c'est rechercher ce qui va te nourrir, te faire grandir et t'inonder de joie jusqu'à la prochaine rencontre.

L'autoroute, ce grand ruban anthracite synonyme d’ennui, ne durera pas longtemps. Malgré le plaisir de rouler, l’autoroute m’a toujours semblé incompatible avec la moto, ce rythme lancinant, ce ronron n’use pas que les pneus : il anesthésie, hypnotise et déconcentre. La narcose n’aura pas le temps de me gagner, car à Metz, je plonge par les départementales pour regagner le ballon d’Alsace. Des camaïeux de verts tapissent les paysages entrecoupés de patchs jaunes formés par les champs de colza. Les premiers virages me donnent du baume au cœur et sous mon casque je ris de bonheur.

La forêt du ballon d’Alsace dévoile ses paysages comme une promise qui vous offre son âme. Au loin de merveilleuses volutes de brume s'accrochent à la cime des arbres comme des fils d'argent. À la descente d'un col, les ruines d'un château blotties au fond d'un vallon livrent encore bataille contre le temps. Quelques murs de pierre se dressent bravement, fiers de combattre ce sournois adversaire. Puis je m’offre la route des crêtes et le grand ballon comme une friandise pure gourmandise. Enchaîner des courbes, dessiner de belles arabesques capter de sublimes images, c’est ce que m’a offert le ballon d'Alsace.

La pause déjeuner se fera au Markstein; la suite fut plus aquatique. De Bâle à Lucerne ce furent des trombes d’eau et la belle pataugeoire. J’ai pu expérimenter mes dernières trouvailles de tenue à moto sous la pluie. Des idées prometteuses. Je développerai ultérieurement mes trouvailles dans une rubrique « le coin du motard ». Après 454Km, je réside à l’hôtel Pilatus qui jouit d’une magnifique vue sur le lac de Lucerne (Nidwalden). Face à l’hôtel, dans la marina, baigne un sous-marin entouré d’hydravions ce qui n’est pas un spectacle commun. Je vais profiter de la carte du restaurant et me reposer avant une traversée des Alpes qui sera conditionnée par la météo. J’hésite encore entre le Gothard ou les cols et les lacs italiens pour fondre après sur Genova pour prendre le bateau dont le départ est prévu à 20h30 (check-in 18h30).

Par coquetterie, j’ai apposé sur mes valises latérales la carte de mon périple en format A3. C’est un vinyle que j’ai fait imprimer et que j’ai collé moi-même. Certes l’idée est bonne, mais l’implémentation a été compliquée et, loin d’être parfaite, compte tenu des formes tarabiscotées de la valise. Néanmoins, cela a son petit effet. Sur l’autoroute une voiture que j’avais dépassée m'a redoublé et la passagère a photographié la valise. Puis, à la station-service un homme m’a souhaité bon courage et était étonné par l’ampleur du voyage, mais c’était touchant de voir son sourire et un peu de rêverie dans ses yeux.

2) 26.05.2019 - Hergiswil (Suisse - Lucerne) - Gênes (Italie) - 463Km

Une publicité avait pour slogan « Moi j’aime ma banque », moi je dirais « Moi j’aime la Suisse » (et ma banque en Suisse), non là je plaisante ! La Suisse est un délice par ses paysages, les subtiles différences entre les régions, ses bonnes tables et la tranquillité. C’est propre, c’est net, c’est exclusif, c’est bon ! Le paysage est tellement beau qu’il t’en décollerait presque la rétine et si tu regardes trop tu deviens aveugle ou ton œil tombe. Il paraîtrait que les borgnes seraient des touristes qui auraient abusé des paysages suisses. Alors ami lecteur si tu vas en Suisse, regarde surtout avec noblesse et délicatesse.

Neptune, hier, s’est délecté de déverser la moitié de l’océan sur ma tête. Ce matin le temps est gris, certes, mais la masse nuageuse semble stable. C’est ma conclusion après une étude météorologique approfondie. Mon analyse est confirmée par le bulletin météo aéronautique affiché dans le lobby de l’hôtel. Les hydravions qui mouillaient devant l’hôtel étaient la conséquence du colloque de l’association des pilotes d’hydravion suisses qui se tenait à l’hôtel. Ça vaut bien l’amicale accordéoniste des veuves de guerre ! Donc pas d’eau sur ma tête même si le plafond nuageux semble bas et me laisse penser que j’aurai la tête dans le coton en haut des cols. Mon programme de la journée est fixé : je contournerai le tunnel du Gothard en passant par Andermatt, le Col de l’Oberalp et le Col du Lukmanier.

Je savoure mon petit déjeuner sur la terrasse sous un léger rayon de soleil. Je me délecte du paysage romantique du bord du lac. Ses abords sont tapissés de villas cossues, la sérénité du lieu inspire à la rêverie. Certes, le nombre de kilomètres à faire aujourd’hui n’est pas important, mais les douceurs et rêveries helvétiques doivent s’achever. Il est grand temps de se mettre en route. Jusqu’au pied du Gothard je ferai route directe. Les délices débutent avec la montée vers Andermatt. Sans fanfaronnade, j’aime mon nouveau style de conduite à la japonaise. Cela me procure un grand sentiment de bonheur et plus d’habileté. Je jubile sous mon casque. En revanche, les Japonaises vêtues en léopard à Andermatt et se photographiant avec les montagnes en arrière-plan est un spectacle assez déroutant. Je confirme que cela n’a aucun lien avec les techniques japonaises évoquées précédemment. L’air se fait plus mordant aux environs de l’Oberalppass qui sont encore bien enneigés. Les murs de neige, en haut du col, sculptés par la turbine du chasse neige, sont encore impressionnants en cette saison. L’Oberalp est un des rares cols de plus 2000m en Suisse qui manquait à mon palmarès – voilà qui est fait !

Plus je m’enfonce dans le col du Lukmanier, plus des touches latines se font évidentes, jusqu’à ce que l’empreinte italienne devienne bien « encrée » aux abords du Lac Majeur. Les Grands Lacs de cette région incarnent, pour moi, l’essence de la dolce vita italienne. C’est à la fois une savante alchimie entre la douceur de la lumière florentine, les couleurs chatoyantes des habitations, la puissance majestueuse des Alpes environnantes qui conduit à ressentir bien-être et paix. Les rivages sont aussi teintés d’un fort romantisme, comme ces arbres qui avancent vers le rivage tels des bras tendus, ou ces saules pleureurs qui s’en vont caresser l’eau. Il y a une âme, telle une sirène venue des eaux, qui vous happe. La route rive gauche, virevolte à souhait, et parachève ce tableau enchanteur.

Je profite du marché sur le débarcadère de Laveno-Monbello pour constituer mon piquenique. Le tout sera pris au bord de l’eau entre bateaux, canards et cygnes – un instant contemplatif simple.

Juste avant Ispra, j’emprunterai l’autoroute jusqu’à Gênes par nécessité. C’est curieux que l’Italie qui a des ponts millénaires ait trouvé le moyen de vautrer un viaduc de quelques dizaines d’années. Ceci cause un joli petit foutoir à la fin de l’autoroute. J’avais en mémoire de mon dernier voyage, en moto, en Sardaigne (2007) que la direction vers l’embarcadère était correctement signalée, mais qu’entre l’autoroute superposée aux voies rapides et les rampes d’accès en tout genre cela relevait plus du plat de spaghetti que de l’engineering. Une fois le plein d’essence fait et les nœuds de spaghettis défaits, j’arrive à l’heure au ferry. Mon premier objectif de voyage qui conditionne le reste est donc atteint. Toutefois les rotations étant quotidiennes, la contrainte n’était pas si critique. Une cinquantaine de motards sont déjà dans la file dédiée aux motos. Quatre Allemands qui me précèdent trinquent autour d’une bière et m’en offrent une. La discussion s’engage sur ma moto et dérive sur le sujet fétiche du motard, les pneus. Après une dizaine de minutes de bavardage, il faut déjà embarquer. J’attache Ermeline et rejoins ma cabine.

Le «Nuraghe» est un gros navire, une espèce d’immeuble flottant qui me fera voguer jusqu’à Porto Torres. Il est floqué sur ses flancs d’un immense dessin de Wonder Woman. Je suis rassuré à l’idée qu’une super héroïne est à bord et que, donc rien ne peut arriver. Dans les ponts d’embarquement, c’est l’effervescence; à la passerelle chacun s’attelle à sa tâche et dans les coursives l’agitation des passagers est visible pour que chacun trouve son siège ou sa cabine.

Dans la rubrique anecdote, le personnel de bord dispose d’un uniforme qui est à la même taille pour tous. C’est assez cocasse de voir un petit avec les manches sur les mains et le pantalon en accordéon et un plus grand un peu engoncé dans son costume

Le repas est pris au restaurant à la carte. Je sais maintenant pourquoi le Titanic a percuté un iceberg. Si le Burger était de même qualité que celui que j’ai mangé, le capitaine du Titanic a dû s’effondrer sur la barre et a percuté l’iceberg qui était insubmersible. Je ne suis plus certain de savoir si c’est le Titanic qui était insubmersible ou l’iceberg, d’ailleurs, l’iceberg a-t-il été retrouvé ? Certes, je m’égare mais sur cette question hautement philosophique, il est temps d’aller dormir et de clôturer cet épisode avant d’entamer le sujet sarde.

3) 27.05.2019 - Porto Torres - Cala Gonone (Sardaigne) - 311Km

Réveil en douceur après une bonne nuit bercée par le rythme du bateau. L’avantage d’une cabine centrale c’est que vous êtes déconnecté du monde extérieur. C’est parfait pour une traversée d’une nuit, mais moins sympathique si c’est votre seule zone privative en cas de traversée plus longue. Mes choix de cabines oscillent en fonction de ce critère. J’estime, pour avoir expérimenté différentes formules, que le choix de voyager sur un siège ou dormir roulé dans une couverture sur le pont, option très tributaire de la météo, est assez incompatible, en termes de récupération et de fatigue, pour enchaîner une journée à moto par la suite.

L’arrivée est prévue à 9h30, j’émerge sereinement vers 8h. Occupé à mes ablutions matinales, je suis surpris par l’annonce faite par le haut-parleur installé dans la cabine de douche. Le message indique que les manœuvres du navire dans le port ont débuté et que les clefs sont à rendre immédiatement à la réception. Vu ma tenue, l’aspect immédiat attendra quelques minutes. Je me presse. Les manœuvres dureront 40 minutes avant l’annonce qui m’invite à regagner mon véhicule. Le côté immédiat était donc relatif. Cela m’a largement laissé le temps de prendre mon café.

Je rencontre un Allemand avec qui j’avais trinqué la veille. Il m’annonce qu’il n’a pas pu dormir dehors et que la nuit fut courte pour lui. Je lui demande pourquoi. Il me dit, l’air défait, qu’il a plu et qu’il pleut toujours. C’est un autre avantage de la cabine aveugle c’est que tu ne gamberges pas sur la météo. De toute manière la météo, tu en es tributaire et tu la subis donc inutile d’épiloguer sur le sujet.

Les gens piaffent pour regagner leurs véhicules, l’impatience et l’excitation sont palpables. Je ne me souviens plus à quel niveau la moto est garée ni si je suis à tribord ou bâbord. Après m’être faufilé dans les étroits couloirs formés par les lignes de voitures bien serrées, je vois Ermeline. Je m’équipe pour la pluie, quitte le navire et traverse la zone portuaire fissa. A la sortie de la ville, mamie en voiture « dans sa life totale » décide de quitter le parking et de couper la route. Je klaxonne, elle sursaute et s’arrête. Si le moteur d’Ermeline a une grosse voix, son klaxon relève de la voix fluette de jeune fille – ça tranche ! C’est une espèce de « tûûuût » étouffé. Autre remarque : le clignotant est une option pour les locaux.

Je débute par la route côtière pour me dégourdir et m’échauffer. Le temps est gris et la route détrempée. Certains chemins latéraux sont bien inondés et les flaques nombreuses. C’est une bonne nouvelle en soi, car tout ce qui est déjà tombé n’est pas tombé sur ma tête ! En tout cas la pluie a dû dégringoler en abondance ces dernières heures. C’est un sentiment de fin d’automne même si la température reste douce (15-17°C).

Par endroit, la route est bordée de pins et les racines ont défoncé le goudron, ce qui procure quelques petits ou grands sauts et rend la conduite sautillante. C’est amusant, mais seulement quelques kilomètres. Même sous ce temps tristounet, ce bord de mer hors saison est beau. Je bifurque dans les terres. La route devient plus sinueuse. Une première fois, la route est bloquée par des éboulements, une autre fois, un pont est impraticable ce qui me conduit à faire faire un détour improvisé.

La Sardaigne a drapé par pudeur sa beauté dans un lit de nuages. Pour qu'elle se dévoile, il faut la mériter. J’emprunte des routes de plus en plus étroites et désertiques pour traverser les premiers contreforts montagneux. Je me retrouve dans le brouillard, puis dans un champ éolien. Les conditions de route et météorologiques se dégradent sérieusement – je subis !

Je sens que cette histoire va finir en trail dans la boue; j’entrevois le plan foireux que j’aime me concocter parfois ! La raison me gagne et j’adapte ma route pour regagner des chemins plus carrossables. Mes efforts sont enfin récompensés. La route de d’Oschiri à Tempio Pausania est une beauté saisissante et un pur plaisir de conduite. Même sous la pluie avec une chaussée détrempée, c’est un délice de pilotage. Les virages s’enchaînent inlassablement entrecoupés d’arrêts photos. Rouler avec du rythme, conduire avec fluidité, enchaîner encore et encore ces virages sous cette pluie battante ces virages est jubilatoire. Le rythme s’apaise jusqu’à Olbia où je ferai ma pause. J’abandonne l’idée de faire une boucle de 200Km dans le nord et décide d’aller à l’hôtel m’installer. Le soleil commence à faire des apparitions, certes sporadiques, mais les choses s’améliorent de plus en plus et cela me donne du baume au cœur. Arrêt goûter à Osieri, au hasard, dans une « gelateria ». Je n’ai pas d’addiction pour la glace, mais il faut reconnaître que là c’était très bon. La descente vers Cala Gonone est faite de lacets : encore un moment savoureux. L’hôtel « Cala Luna » est confortable. Ma chambre donne sur mer et dispose d’un petit balcon, ce qui est parfait pour se reposer et profiter pleinement des vacances. Repas au restaurant de l’hôtel, verre de blanc délicieux en récompense et, pour bonne nouvelle finale de cette journée, le soleil sera au rendez-vous pour la semaine.

4) 28.05.2019 - Autour de Cala Gonone (Sardaigne) - 268Km

Le temps est beau et sec et la journée s’annonce sous les meilleurs auspices. Le balcon de la chambre est orienté plein est. Je me lève dès potron-minet (5h45) pour faire une photo du lever de soleil. Quelques nuages voilent ce jour naissant. Autant les couchers de soleil sont, certes beaux mais communs, autant le lever du jour est un moment particulier qui se mérite. Il y a pour moi quelque chose de délicieux dans l’aube, ce jour qui s’ébroue, l’air pur et frais du matin et ce silence serein qui dépure.

La sortie de Cala Gonone se fait par un petit col avec quelques épingles. C’est magnifique de commencer sa journée par ce morceau de plaisir ou de la terminer par cet enroulement de virages.

La SS125 offre une vue spectaculaire sur ce paysage méditerranéen fait de calcaire et de chênes-lièges. La route aussi est divine à parcourir, car son profil bien tourmenté offre un grand plaisir de conduite. Il faut néanmoins rester vigilant, car il y a un peu de trafic même en cette pré-saison. Les camping-cars mangent allégrement sur les deux voies de circulation, les automobilistes ont des changements d’allures fréquents en fonction de la beauté du paysage. Au plus fort de la saison, le plaisir doit être bien différent. J’emmanche la SP-37 jusqu’à Talana. Là, il n’y a plus personne sur la route. C’est un petit bijou de solitude. Elle me rappelle sa cousine la TF-28 de Tenerife par l’arythmie de son cardiographe. Un petit arrêt au pied d’un chêne me fera apprécier le privilège de l’instant. Mes pensées vont à ceux, qui me sont chers et qui mériteraient de partager ces instants.

Je vois du bord de la route (SS389) une rivière (Riu Bau Mandara), son rivage me ferait un endroit idéal pour piqueniquer. J’emprunte au hasard une piste qui y descend entre chênes verts, vaches et petit ruisseau. Je conduis Ermeline jusqu’au lit de la rivière et nous nous arrêtons là ; moi, assis sur une souche, je me restaure; elle sur sa béquille se repose sereine. Je traverse un petit gué pour regagner la route. Là, avec 20 cm d’eau à peine, la vague passe par-dessus mes bottines et me voilà trempé des pieds ! Je peste ! Je me suis bien protégé des éléments pour rester sec malgré les déluges de ces jours derniers, et là, en une seconde c’est la noyade des arpions ! Rien de bien grave. Je regagne la route sans encombre. Je sécherai en roulant.

Je passe la journée à monter et descendre. La Sardaigne ce n’est pas les hauts plateaux andins, mais les routes de montagne se situent entre 800 et 1000 mètres et les routes intermédiaires sont aux environs des 400 mètres. C’est la journée « yoyo de l’altitude », entre mer et montagne.

Les derniers kilomètres de la descente vers Arbatax se fera derrière les carabiniers. Je crois que l’exemplarité de conduite n’était pas au programme : dépassement sur doubles lignes blanches, bifurcations sans clignotant sans parler de la vitesse qui était … au-delà de la limite. Et j’en oublie encore. Ça tranche avec le Luxembourg !

Passage à la pompe « rebelle » de la station-service d’Arbatax. En ce moment, l’essence SP95 est entre 1,60€ et 1,69€. J’ai vu du SP98 à 2,02€ ! Au vu des kilomètres que je parcours, il vaut mieux ne rien faire et boire du bon rouge à ce tarif-là! Revenons à ma pompe rebelle. Première carte, je suis les instructions : appuyez sur 1, allez-vous servir et rien - transaction rejetée. Deuxième carte idem. Je mets un billet de 20€, le cash est avalé, je vais me servir à la pompe 1 et rien ! J’ai, d’un coup, des pulsions « zens » qui traversent l’esprit ; un plan entre Bruce Willis dans « Die Hard » et Terminator ! La bougresse me résiste ! Avant de prendre la clef de 12 et tout démonter, je remarque sur l’affichage indiqué en petit « Close ». Mais tu penses que le terminal l’aurait indiqué ? Bref, je prends la pompe 2, et la délivrance fut.

Je remonte sur Orgosolo. La ville est un incontournable des séjours sardes pour ses maisons peintes. C’est un plaisir graphique et certaines ont des connotations fortement engagées politiquement. Je suis heureux de revoir certaines fresques que j’avais vues il y a 12 ans et d’en découvrir de nouvelles. Après avoir tournicoté dans Orgosolo, cap sur l’hôtel.

Sur ma route un panneau indique que la route est barrée à 14km, mais selon le GPS, je tourne à 8km. Je suppose donc que je peux m’engager et que je devrai bifurquer avant lesdits travaux. Les 14 kilomètres devaient s’entendre avec TVA et surtaxe, je présume ! En plus, si tu espères trouver un panneau «déviation », c’est un concept de touriste. La déviation, tu dois te la bricoler toi-même. Pour achever la journée, deux excités du grelot, l’un en pick-up et l’autre en camion plateau, se tirent la bourre version goret : le 112 semble au programme !

5) 29.05.2019 - Costa Smeralda - 412Km

La boucle vers la côte Smeralda, qui a été zappée le premier jour, est maintenant au programme – cap au Nord ! Dans un premier temps, je m’enfonce dans les terres. La qualité des routes est dans la très grande majorité excellente. Néanmoins, j’ai trouvé quelques kilomètres dignes d’un jeu vidéo. Il faut slalomer entre le tarmac qui a disparu et l’ancien revêtement : c’est un peu une danse. Amusant pour exercer sa dextérité, mais seulement un moment. Tout est beau autour de moi. La partie montagneuse par la SS389 entre Bitti et Boddusò est splendide.

Je tombe sur la réserve de carburant et le ravitaillement s’impose. La première station indiquée sur le GPS (pourtant à jour) n’existe plus, la seconde est en remplissage, elle est fermée pour les 30 prochaines minutes. Je décide toutefois de poursuivre ma route. Pour des raisons personnelles, la panne d’essence est évènement qui me stresse et que je refuse. La Sardaigne n’étant pas non plus un endroit reculé du désert de Namibie, mon inquiétude s’estompe et j’abreuve Ermeline.

Les eaux émeraude « d’Esméralda » sont comme ses yeux charmeurs. Un philtre d’amour, un étourdissement, une étreinte qui vous happe. Des nuances de bleu et de turquoise qui vous font chavirer de bonheur. La mer y est simplement somptueuse. La route qui borde la côte, vous arrache hors du temps un instant en suspension, des pointillés dans une vie.

La « costa Smeralda » a été bercée par la grâce de la nature. Toutefois, son urbanisation me laisse un sentiment amer. L’empreinte touristique y est à mon goût trop marquée. Les stations balnéaires sont assez standardisées mis à part les domaines privés ultras luxueux.

A Capriccioli, je trouve un parking dans un domaine privé. Un chemin conduit à une plage magnifique. Autour, les ouvriers s’affairent à apprêter les jardins et effectuent les derniers ajustements avant la saison. Les bouts de villas que l’on distingue au hasard d’un portail ouvert ou d’un trou dans une haie laissent deviner un luxe ostentatoire.

A Santa Teresa, le village semble plus authentique. De la plage on voit très distinctement la pointe sud de la Corse (Bonifacio). Le retour à l’hôtel se fera un trajet direct, après une journée variée qui laissera de beaux souvenirs. La route s’achève par la descente de Cala Gonone qui est une belle gourmandise.

6) 30.05.2019 - Cala Gonone - Repos

7) 31.05.2019 - Cala Gonone - Cagliari - 301Km

Aujourd’hui, c’est une journée de transition vers Cagliari. Je décide de passer par le centre de l’île. Les paysages sont éblouissants et deux tiers des kilomètres se feront sur des routes tournoyantes pour mon plus grand bonheur. Cette descente axiale n’est pas placée sous le signe culturel, c’est une dégustation visuelle – un régal. Certaines parties, en altitude, dans le centre de la Sardaigne ressemblent un peu à la Lozère ou au Cantal. Un des bonheurs à moto est la proximité avec la nature. Les senteurs de pin, le fenouil, la réglisse, le genêt et le jasmin accompagneront ma route. Cette fin de printemps offre aussi un panel de couleurs bariolés. Entre les fleurs, les champs, les forêts et la garrigue, les verts, les jaunes, les violets, les roses et les marrons délivrent un festin de de couleurs.

À Tonara, je décide de prendre de l’essence afin d’arriver à Cagliari avec une marge de sécurité. Ce fut une inspiration lumineuse, car les stations-service sur le reste de la route s’avèrent fort rares. Je mets dans le GPS la station la plus proche. Le GPS me guide par le centre de l’ancienne ville. Comme beaucoup de villages sardes, Tonara est accroché à la montagne et son urbanisation y est très dense. Les ruelles y sont très pentues et étroites. Par endroits, la rue fait moins de 1,8m de large comme l’indiquent les panneaux. Ma route s’achève sur une impasse et le demi-tour en dévers est assez périlleux, mais il sera effectué proprement.

Le village de Goni est un étonnement. Il est coincé entre deux cols, au fond d’une vallée et semble être coupé du monde. Vivre ici ressemble à une punition, un exil, un bagne à ciel ouvert ; un grand sentiment de désolation demeure.

En se rapprochant de Cagliari, les essences de plantes changent et les cactus et yuccas deviennent légion. L’âme maritime méditerranéenne est plus présente. Une fois arrivé à l’hôtel à Cagliari, je prends possession de ma chambre. Elle est somptueuse. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas demeuré dans une aussi belle chambre.

Le préposé à la réception, garçon très stylé, conseille un restaurant de spécialités sardes. Le restaurant est complet. Comme j’ai faim, la première pizzeria fera donc l’affaire – là c’est service minimum ! Tu commandes au guichet, tu vas chercher ta pizza, tu débarrasses et tu fais ton tri sélectif toi-même. C’est le principe du fast-food appliqué au restaurant. La pizza est bonne et les prix sont très mesurés. Retour à l’hôtel pour un repos mérité.

8) 01.06.2019 - Cagliari - Sant'Antioco - 271Km

En ce premier matin de juin, le ciel s’est habillé de son plus beau bleu et la température est idéale. Après un superbe petit déjeuner, où tout était raffiné et exquis, je mets cap sur la presqu’île de Sant’Antonico. La route tranche avec celle effectuée hier. La sortie de Cagliari s’effectue par de grandes lignes droites, les virages et belles courbes d’hier semblent loin. Une fois la zone industrielle, les campings et les zones balnéaires passés, je poursuis par la route côtière qui me conduira à Sant’Antioco. Il y a deux jours, la route était bloquée par un troupeau de vaches; aujourd’hui, ce sont les chèvres: voilà les aléas amusants des voyages.

La SP71, sur la côte sud-ouest est un bijou. Elle n’a rien à jalouser à la « Costa Smeralda ». L’endroit tire sa puissance d’une nature préservée sans urbanisation oppressante. C’est juste l’essentiel : la mer, le paysage, la route et toi. Ajoute un zest d’odeur maritime et d’eucalyptus et c’est ton olive dans ton « Dry Classic » mélangé à la cuillère. C’est Mozart ou Queen, une grande symphonie de bonheur.

J’avais trouvé une route qui traversait une saline. J’aurais été entre sel et mer. Hélas la route était close par une barrière. J’ai dû battre retraite. Mes idées de photos en blanc et bleu se sont aussi évanouies.

Le matin, en préparant ma route, il semblait impossible de faire, d’une traite, la route sur la côte est de la presqu'île de Sant'Antioco. Elle semblait coupée. J’allais découvrir ce grand mystère in situ. Effectivement, la route était coupée et remplacée par un gué. Une voiture à contresens semblait hésitante à le traverser alors que d’un coup de gaz, Ermeline tel un Moïse a fendu les eaux pour poursuivre mon chemin.

Cette presqu’île est surprenante. Entre falaises, petit port de pêcheur, la route est parsemée de champs de blé et d’avoine. L’urbanisation balnéaire a épargné ce morceau de terre et il y fait bon cruiser. Le retour se fera par le château de Castello di Aquafredda. Une ruine perchée sur un rocher dominant la vallée de Cagliari. La lumière chaude de cette fin de journée donne du charme au lieu. L’heure avancée et mon courage ne me permettront pas d’essayer de le visiter. Je préfère me gaver de ces paysages qui me ravissent et rentrer à l’hôtel me relaxer.

Si vous vois demandez comment le sarde mange à midi, c’est assez simple, le sarde dîne à l’huile. C’est sur cette note d’humour et la victoire de Liverpool en finale de la ligue des champions que je m’en vais visiter les bras de Morphée.

9) 02.06.2019 - Cagliari - Côte Sud-Est - 181Km

En ce matin ensoleillé, je profite de la douceur du jardin. Je ne me lasse pas de ce petit-déjeuner absolument délicieux. Outre le raffinement des mets, la qualité de l’hôtel demeure aussi dans la personnalisation du service. Le matin, la serveuse (Vanessa) me demande si je prendrais, comme hier, un « double expresso » ou si je souhaitais autre chose. C’est ce petit détail qui fait te sentir un client particulier et pas un numéro de chambre. Le programme du jour est léger: 160 kilomètres. J’étire le temps pour savourer ces délices matinaux. Après avoir exploré le Sud-ouest, direction le Sud-est.

La sortie de Cagliari ressemble à de nombreuses grandes villes. Elle est parsemée de zones industrielles et commerciales. Arrêt dans un supermarché « Euro Spin ». Rencontre avec de vrais gens qui font leurs courses dominicales à petit prix. C’est un peu comme un Aldi. J’effectue mon ravitaillement en eau et boissons sportives pour ne pas me déshydrater, car le soleil commence à taper fort.

La SS-125 qui débute à Olbia s’achève ici avant de s’évanouir dans les faubourgs de Cagliari. Elle s’offre un dernier baroud d’honneur dans les gorges du « riu Picocca ». Le paysage est superbe, fait de roches de couleur brique, et émaillé de petits arbustes et de garrigue. La route est tarabiscotée et parfaite pour piloter. C’est un rabotage en règle de la béquille centrale et des repose-pieds.

J’essaye de trouver les routes les plus proches du littoral pour explorer les recoins de la côte. La majorité des chemins pour regagner les plages ou les criques sont des pistes. Mes déambulations me conduisent à faire du « trail » et à mettre le programme de la moto et du pilote en mode « off-road ». Dans toutes les conditions, sur route ou hors-piste, le comportement d’Ermeline est souverain. Ces escapades hors route ont fait chuter ma moyenne horaire, augmenté ma consommation et rallongé de 20 kilomètres le programme, mais le plaisir visuel fut total.

Au hasard, la pause se fera à Monte Nai au Jessy Beach. Un bar de plage où, bercé par le souffle du vent, contemplatif devant les eaux émeraude, regardant passivement l’activité des plagistes, j’y passerai 1h30.

La « costa Rei » est constituée de nombreux « resorts » ou de lotissements privatifs. En dehors des zones sauvages off-road, les moindres espaces sont utilisés pour le business des parkings. Le retour se fait par la route côtière SP-17 qui est belle et sauvage.

Cette journée m’a offert trois visages de la Sardaigne, la ville et son agitation, les stations balnéaires et leurs activités touristiques et celui que je préfère, la beauté dépouillée d’un paysage qu’il soit montagneux ou maritime.

La soirée se termine au restaurant Sa Domu Sarda arrosé par un S’Antigu de 2017. Cette dernière soirée à Cagliari se termine par un sublime feu d’artifice gastronomique riche en goûts et saveurs.

10) 03.06.2019 - Visite de Cagliari

Programme zen aujourd’hui, en attendant d’embarquer pour Naples en fin d’après-midi. Au matin, je me délecte de la quiétude de l’hôtel. Les affaires sont laissées à l’hôtel et je m’en vais visiter la ville.

La brise galope sur la ville et donne une impression de douceur. La visite se fera de manière complètement imprévue en « tchouk tchouk ». C’est un Piaggio bleu indigo, un soupçon poussif dans les côtes, qui sera piloté par Luigi, mon guide du jour. Ce grand tour permettra de voir l’essentiel de la ville. Je n’ai pas un amour immodéré pour les bondieuseries mais les églises de Cagliari sont restaurées d’une manière impériale. Les différents panoramas sur la ville sont beaux. Je découvre les trésors insoupçonnés de Cagliari. Une belle surprise qui invite à revenir. Retour à l’hôtel pour se préparer à l’embarquement et ces derniers instants sardes me rendent à la fois nostalgique et heureux des moments à venir.

La Sardaigne est une femme : ses yeux sont turquoise comme l’eau de sa mer; sa folle chevelure est comme sa végétation touffue, abondante et merveilleuse; ses monts sont justes généreux comme sa poitrine, ses pics, des tétons dressés vers les cieux; ses rivages, de longues jambes qui s’étirent dans la mer et ses plages secrètes, son temple sacré où seuls les initiés en connaissent les délices. « Ciao belle Sardinia – Chi sa vedere le cose belle è perché ha la bellezza dentro di sé »

11) 04.06.2019 - Napoli - San Menaio - 306Km

Embarquement express à Cagliari. En deux temps trois mouvements, me voilà installé dans une large cabine face à la proue du navire. Le navire est truffé de soldat de la 152ème d’infanterie. Je me dispenserai de mes remarques oiseuses sur le militaire, car c’est trop facile de moquer quand on sait que toute l’intelligence du militaire est dans son clairon.

Je flâne dans les coursives avant le départ et admire la ville côté mer. Dans le port mouille le yacht de M. Roman Abramovič. C’est une unité noire qui en impose au milieu du port avec son héliport et ses chromes clinquants. Cela respire l’ultra luxe, mais cela me laisse de marbre. Des dauphins musardent dans le port et donnent un peu de poésie et de grâce, à ce tableau.

Le repas sur ces ferries est toujours aussi pauvre en qualité. Je pense que l’option piquenique est une meilleure approche. J’attendrai d’autres instants pour régaler mes papilles. Le coucher de soleil sur la côte sarde, depuis le ferry, est un spectacle simple qui ne se refuse pas. Bercé par le ronron du bateau et les doux coups de bélier de la mer sur la proue, je m’endors, sagement, malgré un matelas un peu meurtri par les ans.

Le port de Naples et la ville me semblent familiers. En juillet dernier, j’y avais passé un merveilleux séjour avec des amies. J’ai un sentiment de bonheur. De bons souvenirs me reviennent en mémoire.

Le navire fait une marche arrière millimétrique pour apponter. Je suis impressionné. C’est un peu comme si un éléphant dansait avec virtuosité dans un magasin de porcelaine. L’expérience de conduite à Naples, l’an dernier, en voiture, m’avait paru « virile ». Je me demandais si cette expérience en moto me procurerait le même sentiment. En fait, en moto tout semble plus facile et plus sûr.

Ce début de matinée est contrariant. La connexion avec le GPS est récalcitrante. Après d’infructueux essais, je décide de quitter le navire et de recommencer ultérieurement. Je m’arrête à la première station pour planifier ma route sans succès et me décide pour une solution alternative. Je remarque que le système de communication n’est plus sur mon casque alors que je suis certain de l’avoir rebranché sur le bateau. Je peste et je râle, car je pense l’avoir perdu ! Mais des petits miracles de la vie surviennent parfois. En démarrant, je remarque mon système de communication est tombé dans la tête de fourche de la moto. Il est coincé près du klaxon. C’est un terrible coup de chance qu’il soit resté là pendant ces premiers kilomètres. Après cette entrée en matière chaotique, le reste de la journée sera serein.

Le temps est couvert sur Naples. Les premiers kilomètres sont avalés par l’autoroute pour fuir ce temps tristounet. Je bifurque par les nationales pour rejoindre Foggia. Le temps se découvre progressivement pour devenir chaud. Le paysage change entre les contreforts montagneux de Naples et l’entrée dans les Pouilles. Les coquelicots, ces vagabonds des champs, sont à l’honneur et tapissent le paysage de leur rouge majestueux.

La collation sera prise à Foggia, à l’ombre d’arcades, où la température semble plus clémente. Je quitte la plaine pour entrer dans le parc national « del Gargano ». C’est une belle surprise et un étonnement. La variété des paysages en quelques de kilomètres est stupéfiante. Avant Foggia, le paysage était agricole, puis l’aridité calcaire méditerranéenne se fait présente. En gagnant en altitude, le vert devient présent et ressemble à ces paysages vallonnés européens. Puis, les champs d’oliviers sont la norme. En plongeant dans une autre la vallée, la forêt se fait dense et ressemble fortement à la Toscane. Les senteurs de genêts, de tapenade d’olive, de feuilles, de tourbe et de champignons se conjuguent avec ces paysages. J’achève mon tourbillon d’images au bord de l’Adriatique qui m’offre un visage balnéaire.

La route réservera son lot de surprise quotidien comme ces ouvriers indiquant, par sémaphore, de manière anarchique une zone de travaux, ou ces vaches squattant une épingle, ou encore cette route pentue (+/- 25°) pour regagner l’hôtel.

Arrivé à l’hôtel, le réceptionniste demande si je préfère une chambre avec vue sur la mer, mais qui risque d’être bruyante, car il y a une réception à l’hôtel ce soir, ou une chambre sur l’arrière plus calme. La vue sur la mer aura ma préférence. La chambre est immense. Elle dispose de 3 lits et d’une terrasse aussi spacieuse que la chambre. La vue sur la mer en surplomb est superbe.

Après un temps calme, je vais flâner en bord de plage. Le repas sera pris, à l’hôtel, sous la véranda. Mes papilles me guident vers une soupe de poisson que j’accompagne d’un magnifique vin blanc des Pouilles « Tufijano ». Face à moi, au-delà de l'horizon, c’est Dubrovnik et la côte croate. Sur cette rêverie, je vais dormir. Demain, je retraverserai la botte italienne et regagnerai le « Parco Nazionale del Cilento, Vallo di Diano e Alburni ».

12) 05.06.2019 - San Menaio - Castellabate - 358Km

Le petit-déjeuner dans le jardin de l’hôtel, avec la vue sur l’Adriatique est un instant qui n’incite pas à l’hyperactivité. Allonger le temps en devient essentiel.

La plage est séparée de la route par une voie de chemin de fer. La halte à « Bella Riva » laisse supposer une voie ferrée, plaisante, qui musarde au gré du rivage. J’imagine une expérience ferrée, exotique, en haute saison, entre plagistes et utilisateurs réguliers.

Le début de la route se fera par la route côtière en direction de Manfredonia. Une fois les villages-camping et les « resorts » privés passés, le paysage devient plus sauvage. Les criques, les virages et les pauses photos s’enchaînent. C’est un ravissant coin des Pouilles qui mérite d’être connu. La halte à Manfredonia au bord de la plage sera la bienvenue. Aussi belle soit la route, le temps tourne plus vite que je ne croyais.

La plaine des Pouilles est aussi plate qu’une limande. Ici le service des voiries est joueur. Au bout d’une ligne droite de 12 kilomètres, ils trouvent le moyen de mettre un rond-point sans connexion latérale. Si tu es un adepte du bowling, de nuit, le strike est presque assuré. L’heure avance et j’ai l’impression de ne pas progresser. Je pensais finir ma journée par la traversée du parc régional « Parco Nazionale del Cilento, Vallo di Diano e Alburni » (c’est aussi long à lire qu’à traverser). J’abandonne l’idée et à 100 kilomètres de l’arrivée je fais une route plus directe. J’arrive tard et fatigué.

La récompense de la journée est que le balcon de la chambre offre une vue sur la baie de Salerne unique. Au loin se distingue l’île de Capri. Je suis orienté plein ouest et le coucher de soleil est face à moi. Je contemple, je médite, je relaxe devant ce jour qui s’évanouit.

Le repas se fera au premier restaurant conseillé par la réceptionniste, près du port. Les vacances sont faites parfois de situations cocasses. Je demande une bouteille d’eau et le serveur revient avec une carafe. Je lui indique que je préfère une eau minérale en bouteille. Il m’explique que c’est de l’eau minérale et que, pour l’environnement et moins de plastique, ils servent de l’eau minérale en carafe. J’entrevois l’entourloupe de facturer de l’eau du robinet au prix de la bouteille. Il m’explique avec la gestuelle que c’est un système à pression. Vu que son anglais est au niveau de mon coréen, les choses deviennent compliquées. Il m’invite à voir au bar la machine, j’accepte cette invitation et regrette de ne pas avoir pris ma clef de 12 pour démonter l’installation. Effectivement, sous le bar, il y a un système de pression et des tubes mais la provenance de l’eau reste incertaine. Même si je soupçonne un système d’osmose inverse, j’abandonne. Comme je ne vais pas passer la nuit à tergiverser sur une histoire d’H2O, je passe commande et profite de la nuit qui tombe sur le petit port de San Marco. Le sommeil me gagne, la nuit m’offrira un repos mérité.

13) 06.06.2019 - Amalfi - 184Km

La côte d’Amalfi, l’été dernier, m’avait laissé de savoureux souvenirs. Quelque chose d’unique qui rend les moments particuliers. Des instants qui s’assoient en vous et vous nourrissent de plaisir. Je me réjouissais à l’idée de parcourir cette route côtière à moto et de m’arrêter à Amalfi. Avant ces réjouissances, j’emprunte la route côtière qui va vers Salerno. Cette route offre un autre visage du tourisme de plage, plus simple ; c’est un peu le « back-office » du tourisme. C’est aussi intéressant de s’immerger dans cette atmosphère et de voir qu’ici aussi, la mer est aussi douce que dans des endroits plus huppés.

A partir de Salerno jusqu’à Sorrento, la route est sublime. Des maisons accrochées à la falaise, des criques nichées au fond d’une faille, des citronniers suspendus admirant l’horizon et des courbes de la route qui conjuguent l’indigo de la mer et le turquoise des cieux, ici tout est éthéré.

Parcourir la route dans les deux sens est une délicieuse gourmandise qui offre des perspectives différentes. La moto est probablement le moyen le plus adapté, car le trafic y est dense et les surprises nombreuses. Les surprises varient : une voiture et un bus qui se croisent et barrent subitement la route, la voiture garée sur la chaussée à la sortie d’un virage aveugle, le piéton hypnotisé par son smartphone… Moi, j’ai un rêve, refaire cette route de nuit par jour de tempête.

A Amalfi, je connais le restaurant « Lo Smeraldino » au bout du port. C’est probablement la meilleure perspective sur Amalfi et la table y est excellente. L’appel du ventre me guidera à déguster leur soupe de poisson qui est un « must ». Le retour se fera par la côte et route directe à partir de Salerno.

Le soir, le restaurant « K » est une belle surprise du jour et, après cette journée touristico-gastronomique, mon sommeil sera apprécié.

14) 07.06.2019 - San Marco - Repos

Aujourd’hui sera calme avant de rejoindre Bari demain et d’entamer dans deux jours le Péloponnèse. Ma mission du jour est : opération lavage. Je file à Agropoli pour jouer la lavandière. Malgré les instructions simples pour effectuer le lavage, une « mamma » italienne décide de me prendre en charge. Elle décidera du type de lessive, du programme et de la machine à laver. Je me laisse guider, car cela semble lui faire plaisir de m’aider. Je mets mon billet de 5€ dans le système et rien … La machine ne démarre pas. Les personnes présentes y vont toutes de leur bon vouloir pour m’aider. Le boss arrive, il file dans l’arrière-boutique et, ô miracle, tout rentre dans l’ordre. C’est aussi ça, les bons moments du voyage : juste s’imprégner de la température d’une ville, être en contact avec des gens, les observer dans leurs activités, saisir une discussion entre deux amis qui parlent du poisson ramené du marché, capter des bribes de vie qui s’offrent à toi et s’en réjouir.

Retour au bercail et opération séchage sur le balcon. Sous ce soleil ardent, tu étends le linge à 13h06 il est sec à 13h09 ! Je descends au port de San Marco prendre une simple tomate mozzarella et quand Mozart est là, tout va bien.

Au bout de deux jours, San Marco délivre son charme. C’est un petit village, paisible, avec son petit port blotti dans sa crique, ses maisons basses. Ici le temps semble plus lent. Certes, il y a quelques hôtels, mais tout semble préservé, un esprit de grande douceur demeure.

Après avoir profité de la piscine de l’hôtel, je retourne au restaurant « K » qui m’avait bien plu hier. Ambiance simple, tout est bon, je me régale. Le repas d'achève par une degustation de figues séchées au fenouil et citron - une pure merveille. Il est temps d’aller dormir, car demain sera une belle journée.

15) 08.06.2019 - San Marco - Bari - 295Km

Départ tardif et après tergiversations, j’abandonne l’idée de flâner vers la côte sud de Castellabate. J’opte pour une route plus directe pour Bari via Matera, capitale culturelle européenne 2019.

Mon amour pour les voies rapides est très modéré, mais j’avoue que ce morceau goudron de Romagno Al Monte jusqu’à Matera en passant par Tito est une merveille. De ces viaducs qui enjambent des vallées à ces tunnels qui se glissent sous la montagne, tous sont des ouvrages dignes des titanesques entreprises romaines. Au fond de la vallée, la ligne de chemin de fer se faufile et serpente au gré de la rivière. Cet écrin de verdure, même signé de la main de l’homme, est un superbe spectacle.

Plus j’avance, plus la température grimpe. Déjà chaude au départ, 32°C, elle monte jusqu’à 39°C avant Matera. Le « camel bag », qui me permet de siroter de temps en temps pour m’hydrater, est une lumineuse idée. Vu la température, mon « Gatorade » se rapproche plus du thé tiède que de la boisson rafraîchissante, mais c’est ça ou s’évaporer en roulant ou finir en poudre. Malgré le vent brassé par la vitesse, je sens l’air qui chauffe mes pommettes comme quand on ouvre la porte du four.

La pause se fera à Matera. Le vent donne une illusion de fraîcheur. Je me restaure au premier « salad bar » qui se présente. D’un coup, j’ai ruiné la moyenne d’âge de ce « green snack » qui devait se situer vers les 16-17 ans. J’avais l’espoir de visiter un peu cette ville qui, par sa triste image d'un passé de misère, est aujourd’hui sous les feux de la rampe. Avec 37°C et l’équipement de moto, visiter la ville est, pour moi, une mission impossible. Je vais vers Bari. La route devient insipide. Il me tarde d’embarquer et de prendre une douche.

Je qualifierais la procédure pour prendre le ferry à Bari de « latine » (ami lecteur le terme ‘latine’ peut être remplacé par le synonyme qui te convient le mieux). L’entrée qui était indiquée sur le plan d’embarquement m’est refusée par l’énergumène dans son bocal. Il faudrait un badge pour passer sa barrière. Il me demande de me présenter à l’autre entrée située à 3km – soit ! Une fois-là, il y a deux guérites. Je prends celle de gauche. Le préposé m’indique qu’il faut faire demi-tour et passer par le parking à l’entrée – soit ! Arrivé sur le parking, le vigile me dit qu’il faut j’aille à un des deux postes de contrôle. J’explique que son collègue qui m’a dit de venir ici. Il m’explique que comme il est habillé en orange c’est lui qui a raison. Convaincu par cet impressionnant argumentaire, retour aux guérites. Prudemment, j’opte pour la guérite de droite. Le dialogue est simple « - Patras ? - Patras ! – Si » le geste indique tout droit et la barrière s’ouvre ! Pas de papier, pas de vérification, rien. Le plus drôle est que tu repasses derrière la guérite du premier gars qui ne t'a pas laissé passer. Je klaxonne à sa hauteur pour le narguer. Il n’y avait aucune différence de rentrer là ou pas, sauf faire 6km et deux demi-tours.

Fier d’avoir passé ces procédures burlesques, les billets en main, comme à l’accoutumée, je vais directement au bateau. Ultime contrôle ! Patatras pour Patras, il faut faire un « check in - boarding » dans des bâtiments situés dans mon dos ! Re-demi-tour. Il ne fait plus que 30°C. Tout cela relève du folklore et me fait rire. On me donne, en 5 minutes, 2 kilomètres de papier et ma carte d’accès à la cabine. Je n’ai jamais été aussi près de la douche ! Je pense que c’est un entraînement pour travailler mon zen lors de mes futurs passages de frontières en Iran ou au Kazakhstan !

Ma douche même tiède est un bonheur. Je saute dans des vêtements estivaux pour siroter une bière, très méritée, sur la plage arrière du bateau. Le repas me réconciliera avec les cafétérias des bateaux – c’était bon. Dernier coup d’œil sur la côte et j’aperçois Bari qui brille de tous feux – Bari ville lumière ? Comme dit le supporter du PSG enrhumé : « ici c’est Bari ! ». Après cette journée, un bon sommeil ne se refuse pas.

16) 09.06.2019 - Patras - Olympia - Zatouna - 164Km

Le débarquement est prévu à 13h30 (heure locale). J’ajuste mes pendules à ce nouveau fuseau horaire (+1). Je prends mon café, lézarde sur le pont et rédige mon journal. La belle vie ! Avant Patras, à une encablure du bateau, je vois un dauphin joueur qui fait de spectaculaires cabrioles au-dessus de l’eau. C’est un spectacle fait de grâce et de puissance. Je suis ravi de jouir de ce tableau en milieu naturel. C’est une grosse dose de bonheur pour commencer ma journée.

Direction le site d’Olympie. La chaleur devient, comme hier, oppressante. Ça monte, ça grimpe et ça se hisse à 39°C. La fonction autocuiseur est enclenchée : je chauffe. Arrêt au hasard à Panopoulos dans une « taverna » bâtie en pierre de taille et décorée avec goût. Quelques locaux prennent leur repas dominical à l’ombre de la tonnelle. Je choisirai l’ombre des arcades en pierre pour cette halte. Bière (Alpha) en attendant l’omega, de l’eau (beaucoup), salade de tomates, concombres surmontés d’une énorme tranche de feta. L’assaisonnement fait d’huile d’olive qui est au fond du plat, c’est délicieux. Mon repas improvisé va se poursuivre avec des brochettes et des frites maison. Honnêtement, je n’avais pas tout capté lors de la commande. C’est simple, et très bon. Ce premier contact avec la Grèce est très prometteur. C’est me prendre par le bon côté des sentiments.

Si Matera a été zappé par manque de courage face à une chaleur accablante, Olympie sera au programme. Il fait 39°C et je trouve que je résiste plutôt bien à la chaleur, mais franchement, ça cogne fort. J’ai déposé casque et veste aux dames affectées au guichet. Elles me confirment qu’il fait très chaud aujourd’hui. Ça me rassure que des locaux partagent mon sentiment. Il n’y a quasi personne sur le site et cela permet de profiter pleinement des lieux.

Le site est superbe. Je suis surpris par le nombre et la densité des vestiges. J’imagine l’activité humaine fourmillante, les couleurs, les senteurs, l’exaltation des personnes à l’apogée de la gloire du site. Je déambule dans les ruines. Inlassablement, la chaleur m’assomme par ses coups de massue. Le soleil mord ma peau à travers le tee-shirt. Je me dirige vers le stade antique et passe sous l’arche. Je m’avance dans l’allée puis c’est un grand flash.

Je cours, les murs de pierres défilent à mes côtés, je vois la lumière à la sortie du tunnel. J’entends les trompettes sonner. J’entre dans le stade. Dans tout l’anneau, la foule se dresse comme un seul homme. Les hourras fusent, les applaudissements, les cris deviennent assourdissants. Mes foulées claquent le sol, les impacts meurtrissent mon corps, les muscles brûlent, l’air se fait rare. Encore un tour. Puis le silence se fait, seul le bruit de mon cœur résonne dans mes tympans, la poussière rend ma bouche sèche, le souffle est court, ne pas céder, ne rien lâcher, expirer encore et encore. L’ultime virage; je ne vois plus que des formes qui s’agitent, des poings serrés qui haranguent, des étendards qui s’agitent; la chaleur est de plus en plus intense … oui, il fait chaud, il n’y a personne dans le stade, quelqu’un a rêvé ? Qui ? Oui - allo ?

Pour rejoindre l’hôtel, la route s’enfonce dans le centre du Péloponnèse. Je pensais trouver un paysage desséché et désertique fait de cailloux. C’est tout l’inverse, c’est montagneux, vert et coloré. Les genêts inondent le paysage de leur jaune pétant, les oliviers inclinent leurs feuilles au vent pour illuminer l’horizon de leurs reflets argent. La chaude lumière du soleil couchant caresse la terre d’une teinte dorée. Le Péloponnèse m’offre un beau spectacle, un délice visuel étonnant, exquise surprise.

Il ne fait plus que 32°C. Je trouve l’air supportable – on rêve ! Rejoindre Zatouna se mérite. La route est étroite et offre son lot de joyeusetés. J’ai eu dix fois l’impression que j’allais finir la route en mode « off-road », mais non ! Passé le col à 1180m, je bascule vers Zatouna heureux de ce spectacle éblouissant.

L’hôtel est une ancienne maison de tisserands, récemment restaurée. La chambre est spacieuse, superbe et calme. Je me repose un instant et profite d’une douche fraîche salutaire. Je discute avec un Allemand de mon périple. Nous utilisons la carte que j’ai collée sur ma valise comme support de discussion. Lui et son épouse viennent de la frontière germano-tchèque. Ils ont déjà traversé, en voiture, la Croatie, le Monténégro et l’Albanie. Comme la lune, je m’éclipse, car Georges, le responsable de l’hôtel, m’a proposé de me descendre en voiture au village. Le restaurant de l’hôtel est fermé hors saison. Petit repas composé de feta grillée et d’un plat d’agneau. Le tout sera arrosé d’un excellent verre de vin blanc local. Simple et bon est un résumé certes sobre, mais sincère et juste. Retour à l’hôtel pour sauter dans les plumes et pioncer du sommeil du juste.

17) 10.06.2019 - Zatouna - Gerolimenas - 214Km

Au matin, la découverte de la bâtisse est un plaisir. La décoration allie, avec raffinement, le design moderne et l’architecture traditionnelle en pierre des lieux. La salle voûtée pour le petit-déjeuner est splendide et aspire à un recueillement monacal. Georges est aux petits soins – « What else ? ». Le petit déjeuner est copieux et tout est frais, bon, sans luxe ostentatoire. Je sens de la bienveillance et l’esprit serein du lieu m’envahit. Petite discussion avec mon couple d’Allemands. Ils me demandent où je vais aujourd’hui. Je leur dis que je descends dans le deuxième doigt du Péloponnèse car je ne me souviens pas du nom de la ville. Ils me disent qu’ils vont à Gerolimenas. C’est incroyable! C’est là où je vais! Je leur dis que je vais dans un hôtel avec les pieds dans l’eau, ils me demandent si ce n’est pas le « Kyrimai hotel ». Je réponds « ja ! ». Ils me louent la beauté du lieu et nous nous souhaitons à ce soir. Ça ressemble à une incroyable coïncidence.

Il fait 24°C au départ, je revis. L’air frais (oui, tout devient relatif maintenant) pour rouler dans ce paysage magnifique est un plaisir. Dimitsana, où j’étais hier soir, est un beau village accroché à la montagne. Les façades en pierres, les échoppes anciennes, l’esprit d’antan lui donnent un cachet unique. Les gens semblent paisibles, un peu hors de l’agitation du monde, un tempo différent. C’est un endroit idéal pour se recueillir ou randonner. Il y a un peu de l’esprit d’« El Hierro ».

La route jusqu’à Megalopolis est étonnante par la beauté de son paysage. A Megalopolis, je m’attendais à trouver une ville à la hauteur de son nom, une entrée en ville digne d’un péplum, au moins une station-service avec des colonnes corinthiennes, des angelots dorés comme décoration et des dauphins argentés en guise de bec verseur. Rien, nenni, tout est sobre. J’enfile l’autoroute jusqu’à Kalamata qui traverse d’immenses étendues plantées d’oliviers.

Pause à Kalamata. Une amie me conseille un restaurant qui sera fermé. Je me rabattrai sur un autre un peu plus loin avec une vue imprenable sur la mer. Salade et poisson frais grillé sont au programme. J’emprunte la route côtière pour rejoindre Gerolimenas. C’est un ravissement visuel. Le contraste avec les paysages du matin est flagrant. La terre est sèche, la roche présente, la garrigue, les chênes verts rabougris, les oliviers et la mer composent l’essentiel de la vue.

Sur un bout de ligne droite, je distingue comme un bâton sur la route. Je me ravise promptement car c’est une longue couleuvre qui traverse. Elle fait facilement ses deux mètres de long car il y a peu de place pour l’évitement. Par principe, comme tout ce qui est inférieur au rayon de la roue peut-être enjambé, j’y passe dessus « full gas ». Demi-tour pour voir les conséquences de ma cruauté et pas très fier. La bête est en boule au milieu de la route. A mon approche, elle file à toute allure, dans le bas-côté. Plus de peur que de mal, mais je suppose quelques douleurs lombaires au matin et je n’ai pas sur moi de Dafalgan ophidien à lui prescrire. Mes idées de santiags en peau de serpent s’évanouissent aussi.

Avant d’arriver à l’hôtel, je m’ébaudis dans la descente vers Néo Itilio et Limeni, deux petits villages dessinés dans l’arc d’un cirque rocheux. Gerolimenas est lové dans une crique. L’hôtel est esseulé à la pointe du village. Il consiste en un ensemble d’anciens entrepôts en pierre. L’architecture et la vue exclusive sur la mer sont somptueuses. L’accueil est personnalisé et à la hauteur du standing de l’hôtel. Une boisson au goût cerisé m’est offerte à mon arrivée, les bagages pris en charge, la chambre avec terrasse et vue sur la mer présentée. Tout est beau c’est un bonheur continu.

Devine qui sont mes voisins de chambre avec qui nous partageons la vue sur la mer ? Mes Allemands du matin. C’est incroyable. Sven et Margueritte me demandent si la journée fut bonne. Nous papotons. Sven me recommande la baignade, car la température de l’eau de la mer est merveilleuse et que je ne risque pas l’électrochoc. Disons que l’eau est très baignable mais qu’une petite minute d’acclimatation m’est nécessaire. L’endroit est photogénique et je m’applique à prendre des photos. Encore une soirée très difficile en perspective. Manger sous la tonnelle les pieds au bord de l’eau, déguster du poulpe, boire un verre de rouge absolument délicieux et regarder un magnifique voilier d’environ 60 pieds jeter l’ancre. C’est après cette journée remplie de beauté que je vais caresser d’autres rêves.

18) 11.06.2019 - Gerolimenas - Repos

19) 12.06.2019 - Gerolimenas - Poulithra - 254Km

Difficile de s’arracher à l’attraction de l’hôtel. Je suis aimanté et charmé par les lieux. J’étire le plaisir au maximum. A 12h j’arrive à mettre les voiles à contrecœur. Si vous allez dans le Péloponnèse, faites une halte au Kyrimai, impossible d’être déçu. Détour par le village pour me ravitailler en « Gatorade ». Deux italiens du club KTM de Rome sont garés là, pneus à crampons et palmes et harpon comme bagage. Je glisse Ermeline dans ce gang et immortalise ce moment orangé.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins. De toute ma vie de motard, j’ai fait des balades fabuleuses, des voyages fantastiques et usé des pneus sur des routes sublimes. Souvent, les moments les plus intenses, pilotage ou le panorama, étaient concentrés sur quelques dizaines de kilomètres. J’approche maintenant du demi-million de kilomètres à moto et aujourd’hui, c’est la première fois que je fais 254km où 85% du trajet est un émerveillement à chaque virage. J’écris ce paragraphe avec 24 heures de délai. J’ai eu le temps de dormir dessus pour confirmer mon ressenti. Mis bout à bout, de Kalamata à Anavalou, par les routes sud, c’est presque 400 kilomètres d’ivresse ininterrompue qui renverse de bonheur tant sur le plan du pilotage qu’émotionnellement et tant par la diversité que par la beauté des paysages.

Ce bonheur est complété par un faisceau d’éléments qui contribuent à cet état de grâce. Les parfums de thym et les eucalyptus qui exhalent. Les papillons aux couleurs variées qui viennent batifoler autour de moi ou se poser pour faire de doux bisous à mon casque. Les fleurs aux couleurs bariolées, les chardons magenta en fleur et les lauriers roses et blancs qui enchantent le paysage. S’ajoutent les orangers qui exhibent leurs fruits colorés. Toute la nature est en communion, tout est osmose et harmonie.

Ce Péloponnèse assure un dépaysement total. Au détour d’une pointe, une maison nichée dans une faille se mélange à l’ocre de la montagne et fait penser à l’Atlas. Le Péloponnèse, c’est plus qu’un patchwork de paysages méditerranéens, c’est une identité propre, une âme spécifique qui vous touche.

Monemvasía est un petit bijou ; c’est une perle qui se savoure et qui est terriblement photogénique. Quitte à froisser tous les bouffeurs de crêpes et les producteurs de cidre, le site de Monemvasía par sa similitude vaut largement par sa beauté le mont Saint-Michel. Monembasía, c’est le mont Saint-Michel de la méditerranée avec l’avantage d’être débarrassé des bondieuseries. Seule la mère Poulard manque ici ! Le temps passe et je dois abandonner ces moments délicieux et avancer sur mon chemin.

Au-dessus du village de Reichea se dresse un plateau, à 700m d’altitude, que j’ai rebaptisé « l’Atacama du Péloponnèse ». C’est absolument esseulé. Il n’y a rien. C’est un sentiment de solitude absolu qui s’empare de moi. Un sentiment où la nature est un étau qui se referme sur toi. Elle peut se jouer de toi à sa guise. « Humble rester tu dois » dirait maître Yoda. Ici, il ne faut pas penser au moindre incident. Tu ne peux échafauder qu’un seul scénario - catastrophe. Je me concentre sur mon objectif. Rejoindre l’hôtel et dormir, car les kilomètres, intensifs du jour, s’accumulent.

Ma route se poursuit, entourée d’une nature sauvage et terriblement fascinante. Surgie de nulle part, assise là au bord de la route, se repose à l’ombre d’un chêne vert une bergère. Elle semble jeune. Son visage est buriné par le soleil. Là, seule, à garder ses chèvres. La scène semble venue d’un autre temps. Elle sourit à mon passage, nos saluts se croisent, nos destins diverges (et ‘diverges’ c’est beaucoup !).

Le paysage a encore changé, je parcours maintenant des forêts de résineux et autres essences. Je suis intrigué par ma route. Il reste 14 kilomètres avant l’hôtel et je suis toujours à 700m d’altitude. Je ne vois pas la mer, ni la sortie de la route de mon canyon pour rejoindre l’hôtel. Je pense un instant que n’ai pas mis la bonne direction dans le GPS et que je suis encore bien loin de mon objectif.

Il se fait tard, la luminosité baisse, la fatigue me gagne après cette chaude journée (31-36°C). A 11,4Km, je suis à 678m d’altitude et je vois le village où est mon hôtel. La descente vers la mer relèvera plus de la chute que de la descente. Je jette mes dernières forces dans cette descente pentue et torturée. Je suis fatigué mais heureux d’arriver enfin à l’hôtel après, seulement, 244Km de route. J’aurais, certes, fait peu de kilomètres, mais ce fut intensif. Je profite sommairement de la vue sur la mer depuis la chambre. Le repas est vite expédié et bien dormir est mon souhait.

20) 13.06.2019 - Poulithra - Athènes - 271Km

L’hôtel est de qualité moyenne. Je quitte l’établissement rapidement. La journée a un double objectif : visiter le théâtre d’Épidaure, et prendre le ferry au Pirée (Athènes) pour Héraklion, sans oublier de voir le canal de Corinthe. La journée se profile sous les meilleurs auspices. Une hirondelle est entrée dans le hall d’entrée de l’hôtel; elle tournoie au-dessus de ma tête, signe de chance, et s’en va.

La route de Poulithra à Myloi est comme celle de la veille, étourdissante de beauté. Une route côtière qui fait rêver et se sentir simplement heureux.

Le site d’Epidaure est impressionnant. Il y a quelque chose de solennel quand on entre sur la scène. La sérénité domine, un appel au calme et au recueillement s’installe en soi. Même si je ne suis pas en mesure de l’apprécier pleinement, le théâtre est réputé pour sa parfaite acoustique. Effectivement, en tendant bien l’oreille, du haut, j’entends les personnes parler sur la scène. Pour comparer, Olympie présente une empreinte mythique forte et amène son imaginaire dans le passé. Épidaure est une mémoire vivante de tout ce qui a été vécu et créé là mais, paradoxalement, c’est surtout un sentiment de grande modernité qui demeure.

Après ce moment culturel, se présente un moment érotique. Des chèvres barrent la route comme tous les jours. Mais aujourd’hui, un bouc décide de trousser une chèvre au milieu de la route. Ma présence ne semble pas le déranger. Une fois le batifolage achevé, je passe. Je vous assure que l’odeur était à la hauteur de la taille des nobles parties de la bête !

J’ai toujours souhaité voir le canal de Corinthe. J’ai en mémoire ce livre de géographie, au collège, avec cette photo en noir et blanc du canal de Corinthe. Quelque chose me fascinait dans cette photo. Sur la carte, je détecte un pont plus proche de l’embouchure qui semble moins touristique que le pont principal. Il paraît plus bas, ce qui pourrait offrir une perspective plus intéressante. C’est un pont basculant fait d’une armature métallique. Son tablier est fait de solives en bois. Il est complètement trempé. La prise de vue semble intéressante, je fais demi-tour. Il n’y a pas de trafic et je décide de m’arrêter au milieu du pont pour faire la photo. Je développe pendant ces vacances le concept du « View, U-Trun, Shoot and Go ». L’adhérence sur ce bois détrempé est nulle. Ça glisse au pays des merveilles. Je dose et emploie toute ma dextérité pour ne pas faire une fâcheuse cabriole. Une fois immobilisé dans un équilibre précaire, je fais la photo. Je réalise que, si une voiture arrive, le problème d’adhérence est identique et que le strike est possible. Je file tout doux et décide de faire des photos plus académiques sur le pont touristique.

Après la procédure loufoque d’embarquement à Bari, je me demandais à quelle sauce j’allais être cuisiné aujourd’hui au Pirée. Ici, c’est « open bar » : pas de guérite, pas de contrôle, rien. Tu vas sur le quai et tu embarques directement dans le bateau. Les papiers sont vérifiés à bord. Simple et pratique. Zéro pièce d’identité demandée. En 5 minutes, je prends possession d’une grande cabine à la literie confortable. Je pense que les responsables des procédures d’embarquement à Bari seraient bien inspirés de faire un stage de pragmatisme ici. Je prends une douche salutaire et je vais flâner sur le pont. Le « Kriti II » est un navire où il fait bon vivre. Il dispose d’un large pont ouvert sur la poupe et d'une vue panoramique à bâbord et tribord. Ce bel espace se partage entre les passagers dans une bonne convivialité.

Le repas sera élémentaire et expédié. Je sombre rapidement dans le sommeil, car demain le débarquement est prévu à 6h30.

21) 14.06.2019 - Heraklion - Keratokampos - Heraklion - 144Km

Il est 5h30, Héraklion s’éveille, je n’ai plus sommeil. À 6h40, je suis déjà sur le quai. Je décide de déposer les bagages à l’hôtel. Secrètement, j’espérais que la chambre serait prête pour faire un temps calme. Je décide toutefois de prendre le petit déjeuner à l’hôtel. Le buffet est somptueux. Il est varié, raffiné, complet. Il met en valeur les recettes et produits traditionnels crétois. La serveuse « Agapy » (ce qui veut dire « love » en grec) à une façon de dire un « kalimera » qui est chargé d’une rare bienveillance. Cela me rappelle la scène du « Bonjour » entre Belmondo et Anconina dans le film « Itinéraire d’un enfant gâté ». Il y a une sincérité et une onde de bonheur extraordinaire quand elle le dit, c’est un éclat de joie qui te traverse.

Sur ce pétillant petit-déjeuner, j’entame une petite boucle pour voir la côte au sud. Le côté mer libyenne. Le début de la route est parsemé de champs d’oliviers bien rangés sur leurs collines. Ce qui me fait penser un peu à l’Andalousie pour l’aspect bien ordonné. La descente sur Keratokampos est ahurissante. C’est un festival, une percussion de camaïeux de bleus, turquoises et indigos, c’est du Wagner, ça claque, ça fouette les yeux, c’est beau à pleurer. Arrêt pour un petit café en front de mer. Ici, l’eau est cristalline, limpide ou transparente. Elle me rappelle l’eau des lacs de montagne de mon Ariège natale. Tout est beau, je crawl dans une grande félicité !

Retour à l’hôtel, je suis surclassé dans une suite. On pourrait être 4 sans problème. J’ai un coin salon, un espace bar, une grande chambre, un dressing et salle de bain. Le balcon a une vue sur la mer et le port. Le grand luxe. Petit tour dans Héraklion et ré-acclimatation à l’agitation de la ville. La soirée s’annonce simple.

22) 15.06.2019 - Heraklion

Journée de repos à Héraklion. Rapide apparition au petit-déjeuner, toujours aussi succulent. Complément de sommeil et « lézardage » au bord de la piscine. En milieu d’après-midi, je prends le bus pour aller visiter le palais de Cnossos. J’ai trouvé ce site moins puissant qu’Olympie ou Épidaure. Il est difficile d’imaginer le palais dans sa globalité à son apogée. Il y a beaucoup de béton et je pense qu’il y a eu une très libre interprétation ou reconstruction du site. Autant au XIXe siècle, Viollet-le-Duc a œuvré pour sauver le patrimoine français, quitte parfois à y mettre une dose d’arbitraire, ici, tout semble un peu artificiel, un peu comme un décor de théâtre. Retour à l’hôtel, un peu déçu. J’entreprends une grande promenade pour aller jusqu’au bout de la jetée. Huit kilomètres, aller-retour, qui permettent de mettre de belles photos dans la musette. Le repas du soir est pris dans un restaurant de poisson en face de l'hôtel. La qualité est magnifique, c'est un vrai régal. Pour t’achever, le patron te propose un raki. Pour faire simple, c’est une gnôle « d’homme ! ». La scène, dans la cuisine, du film « Les tontons flingueurs » me revient en mémoire. Je lâche le grisbi et retourne à l’hôtel.

23) 16.06.2019 - Heraklion - Plakias - Heraklion - 262Km

L’idée du jour était d’aller fleureter avec un des 5 pics à plus de 2000m entre Heraklion et la mer libyenne. L’étude de la carte ne présageait pas une issue favorable. La montée est souvent sur une piste ou un chemin non asphalté, ce qui est facilement faisable mais le plus fâcheux est qu’il n’y a pas de bascule vers l’autre versant par un chemin plus ou moins carrossable. Je n’ai aucune envie de faire un aller-retour sur la même route. En outre, j’ai observé, pour la Crète, que malgré la dernière mise à jour installée, la cartographie de mon GPS (Garmin), pour les petites routes, est souvent déconnectée de la réalité du terrain. Entre les routes notées « off-road » et tout à fait praticables et une route ’normale’ qui est en réalité un chemin de tracteur, tout est possible! Comme la fiabilité du trajet est incertaine, j’opte pour le tour du massif montagneux avec un arrêt sur la côte sud à Plakias.

Jusqu’à Zaros, le paysage ne me procure pas d'émotion. Je pense que je deviens très sélectif dans mes choix et attentes. En revanche, la route réserve ses surprises. Ermeline chaussée de sa bonne paire de baskets, passe partout et très bien. Sauf que ce matin, sur une route en descente à l’asphalte laminé, j’entame un freinage et là c’est « holiday on ice », le lac des cygnes, belle maman en vrac dans le toboggan d’Aqualibi ou ta savonnette dans ta baignoire ; bref, ça gliiiiisse. La roue avant se dérobe inexorablement. Je m’y reprends une fois, deux fois et trois fois. C’est rigolo mais ça sent la cascade ; il y a du mercurochrome dans l’air ! Je dose, je me démène, je m’applique et hop ! Le virage est avalé. Le petit pic d’adrénaline passé, la post-analyse de la situation effectuée et la métabolisation achevée, je continue sereinement ma route. Un aléa de la route qui flatte mon ego par son issue positive et sa virtuose exécution (ami lecteur, aujourd’hui la modestie je me la mets derrière l’oreille).

Pour illustrer l’approximation de la cartographie, j’ai raté une bifurcation. Le GPS est bien réglé pour ne pas emprunter de chemin « non carrossable » sauf si je le spécifie. Il me propose de prendre la prochaine à gauche, c’est un chemin de terre et relativement praticable. Visuellement la situation semble claire et bien emmanchée. Je ne passe pas la moto en mode « off-road ». Au bout du chemin, le système me propose de reprendre à gauche pour regagner la route. Je m’engage et, au bout de 100m le chemin est singulièrement défoncé, demi-tour impossible. Sainte Ermeline grâce à ses chouettes baskets, son agilité et sa force herculéenne me sort encore d’une situation très scabreuse.

Halte, pour un peu de repos, dans le village de Kamares, dans un bar (appelons cela ainsi). L’endroit mérite sa description. La salle principale ne contient pas plus de 6 tables. Une télé est accrochée au mur. Un gamin imperturbable regarde « il faut sauver Willy ». Des tas de journaux jonchent une table. Divers objets encombrent de-ci de-là l’espace. Au sol sont entreposés des marchandises, des cartons. C’est une décoration chaotique. Au mur sont encadrés, je suppose, les portraits d’un fils en policier, probablement la gloire familiale, et d’un autre posant en militaire. Au-dessus trône le portrait, en noir est blanc, d’un patriarche. Plus loin, un pêle-mêle collectionne les photos de la famille. Dans un renfoncement, un évier et, dessous, un vieux meuble en bois de guingois avec deux tiroirs. Sur une étagère, quelques verres. Une gazinière pour chauffer le café, deux fours et un frigo de cuisine composent l’équipement. Une planche fait office de comptoir. Dehors, quatre hommes boivent un alcool fort dans des petits verres. Je choisis la seule table libre posée sur le trottoir et commande une bière. C’est une espèce de capharnaüm simple et heureux hors des standards contemporains où les gens du coin, sans smartphone, parlent entre eux – l’agora quoi ! Certains seraient dédaigneux. Moi j’y ai passé un bon moment.

A partir de Zaros, la route jusqu’à Plakias est superbe, je ne croise quasi personne. Le paysage est très étonnant entre les traces de neige sur les hauts sommets, les champs d’oliviers, les pâtures, les pins, les lacs. En fonction de l’altitude, c’est une farandole minérale et végétale. Un visage étonnant de la Crète que je ne soupçonnais pas.

Avant d’arriver à Plakias, je m’engage dans les gorges de Koxare qui sont courtes mais spectaculaires. Au retour, ses cousines, près de Kanevos le sont tout autant. Dans les deux cas, le vent aime s’y engouffrer avec force – ça décoiffe ferme, des bœufs pourraient en perdre leurs cornes !

Halte et repas tardif de poisson à Plakias. L’endroit semble plus touristique et j’ai préféré le côté plus calme de Keratokampos. L’eau est toujours cristalline, les teintes d’indigo et de turquoise se marient à merveille. C’est un ravissement pour mes yeux. Retour à l’hôtel et soirée très tranquille après dégustation d’une « Piña colada » face au soleil couchant.

24) 17.06.2019 - Heraklion - Creta Aquarium

Lever difficile, je m’étire, je tergiverse, je prends le petit-déjeuner, je change trois fois d’idée sur le plan du jour et me rendors. Je pense à une longue balade vers la côte sud-est et, dans un grand élan de procrastination, je décide d’aller visiter le « Creta Aquarium ». Il est 13h30 du matin, j’émerge doucement. Le trajet se fera en taxi car l’attraction est à 14 kilomètres d’Héraklion.

Je ne suis pas un fan des zoos et autres formes d’enfermement, mais je trouve que, comme le feu dans la cheminée, l’aquarium a un pouvoir de relaxation et de « zénification » incroyable. Sans être un ichtyologue distingué, ce qui me fascine est d’observer se mouvoir, avec grâce, l’animal aquatique. Le site dispose de plusieurs aquariums géants. C’est comme un grand écran de cinéma qui saute au visage, des poissons en cinémascope ! Certains visiteurs font la visite au pas de course. Il me se semble que se hâter nuit à la perception du monde aquatique. Il faut s’imprégner de l’ambiance, se fondre dans le milieu pour apprécier l’ondulation chaloupée d’un mérou ou le glissé du squale. Petits, gros, mous, colorés ou camouflés, fins, longilignes ou aplatis, il faut du temps pour comprendre les scènes qui s’offrent à vous. S’assoir de longues minutes est nécessaire pour observer, capturer la subtilité des choses et ressentir. Un moment délectable.

Au retour, le taxi me dépose en ville. Je vais au bazar pour flâner. Retour à l’hôtel pour planifier mon opération laverie. A deux pas de l’hôtel, je demande par hasard dans une laverie s’ils pourraient me rendre ce service. Pour 10€ mon ballot de linge sera lavé, séché et plié et disponible dans 2 heures. Rien à faire, pas la peine d’aller courir au centre et patienter 2 heures au lavoir automatique. Je retourne heureux à l’hôtel de cette bonne opération et profite un peu plus de la piscine et d’un cocktail au soleil couchant mais ça, vous le savez car ça fait trois jours que je vous le dis !

25) 18.06.2019 - Heraklion - Myrtos - Heraklion - 228Km

La route mise au banc hier est aujourd’hui d’actualité. La route côtière à l’est d’Héraklion est un chapelet de villes et villages balnéaires. Je n’y trouve personnellement rien de palpitant. Il a un goût artificiel et touristique qui ne me convient pas. Le paysage en devient banal. Je m’enfonce vers Elounta par de petites routes. Les choses commencent à me plaire singulièrement après ce moment un peu fade à mon goût.

Le panorama au détour d’une épingle au-dessus de Plaka sur la baie d’Elounta est d’une beauté étourdissante. La montagne et ses tons ocres plongent jusqu’à la mer. Les risées parent l’indigo de la mer de reflets argentés, le turquoise de la rade d’Elounta illumine la vue. J’exprime mon bonheur par une profonde expiration en baissant la tête, le poids de la beauté certainement.

J’emprunte une piste pour avoir une vue plus exclusive sur la baie. Ermeline est d’une virtuosité surprenante dès que la route devient cabossée. Il n’y a rien à faire, juste mettre du gaz. Sur cette côte, de Plaka jusqu’à Agios Nikolaos, les habitations sont plus cossues et la pression immobilière mesurée. Le paysage est plus épuré et serein. Il y a un petit air de « Costa Smeralda ».

Après cette incursion sur l’est, je fonce vers le sud. À un jour du départ, j’ai décidé de me baigner dans la mer libyenne. La route de Prina à Ierapetra par Makrilia est splendide. Sur les hauteurs d'Ierapetra on distingue des serres à perte de vue. C’est la partie maraîchère de la Crète. Des tomates en passant par les asperges jusqu’aux bananeraies, tout est sous serres. C’est un visage inattendu et surprenant de la Crète. L’environnement n’est pas touristique. Tout est tourné vers la production agricole. C’est un autre visage, une autre perspective qu’il faut aussi apprécier.

Arrêt au hasard à Myrtos pour m’y restaurer. Myrtos est certainement un ancien village de pêcheur qui a partiellement fait sa conversion au tourisme. Cela ressemble à une hybridation entre village traditionnel, et sa vie de tous les jours, et tourisme. En entrant dans le village, je cherche une route ou une rue en front de mer. Il n’y en a pas. Sur environ 100 mètres, des maisons donnent sur le front de mer, séparées par une allée piétonne. Les restaurants, tavernes et bars empiètent entre l’allée et la plage. Je gare Ermeline dans une rue transversale. Mon succulent repas sera fait de grillades au feu de bois cuisinées par les « mammas » aux fourneaux. Dans la bonne tradition matriarcale, c’est « la mamma » qui tient la caisse !

Dans un effort herculéen, je transite de la terrasse au transat, translation téméraire. Petite sieste et baignade. L’eau est divinement bonne, j’y rentre d’un seul coup. Trois cents kilomètres en face de moi, c’est Tobrouk ,mais pas de taxi pour y aller ! Je réalise aussi que je suis à la latitude de Bagdad ou à la frontière libano-syrienne. Des rêveries, des épopées qui pragmatiquement m’invitent à regagner Héraklion. La route en bord de côte entre Myrtos et Tresta, taillée entre montagnes et mer, a son charme.

Retour sur Heraklion. Temps calme puis direction le restaurant de poisson situé en face de l’hôtel. J’avais apprécié l’établissement, il y a deux jours. Je suis toujours aussi conquis. Rien de touristique. Ici, les autochtones sont en majorité. C’est simple et efficace. Tout est succulent. J’adore leurs courgettes façon frites et leur espadon juteux.

Comme hier, le lever d’une lune, rousse et pleine, offre un spectacle très romantique et d'une beauté saisissante.

26) 19.06.2019 - Heraklion - Repos

J’embarque, en soirée, pour Le Pirée. Je profite de cette dernière journée, pour visiter, avant l’embarquement, le musée historique de la Crète. Je cultive le concept « biker » pseudo-intellectuel, c’est bon pour l’image. Je remarque que certaines rancœurs sont bien vivaces notamment à travers le vocabulaire. Je remarque qu’à différents endroits du musée la période gréco-romaine est indiquée en anglais « The forerunner Greek and Roman Period », puis est indiquée « Byzantine period », suivie de « the Arabic occupation », et de « Ottoman Period »; vient la « Venetian rule » et « Ottoman rule ». Après j’ai trouvé un « Turkish occupation », puis un « Cretan state » avant l’unité « grecque ». En revanche, pendant la deuxième guerre mondiale les Allemands ne sont pas indiqués comme « occupant », par exemple, mais sont indiquées comme « forces allemandes » face aux « forces alliées ». C’est certain que si tu froisses l’allemand qui a déjà claqué la TVA à 24%, il pourrait être plus coercitif. si tu le taquines. Bref, en tant que visiteur, et sans être immergé dans l’histoire grecque, j’ai bien compris le message que le turc a été un « occupant » et les autres civilisations des avatars historiques. Heureusement que les deux sont dans l’OTAN. Quand vous voyagez en Grèce vous noterez que le drapeau national flotte un peu partout.

À l’occasion de cette visite, j’ai par contre découvert Nikos Kazantzakis, un Crétois, qui a eu une vie à la trajectoire pas ordinaire. Élève de Bergson qui a souhaité comme épitaphe, que je trouve très goethéenne « Δεν ελπίζω τίποτα. Δε φοβούμαι τίποτα. Είμαι λέφτερος » - Nikos Kazantzakis « I hope for nothing, I fear nothing, I am free ». Cette réflexion me vient en tête: cette épitaphe est-elle une entorse à la doctrine de Bergson ? La soirée sera animée par Josiane à la médiathèque de Piau-Engaly jeudi soir. C’était l’interlude culturel.

Ultimes vérifications de la moto et j’embarque. La procédure d’embarquement est une formalité. Il y a bien le préposé sur le pont qui me demande 10 fois d’enclencher la première pour caler la moto. Après lui avoir répondu 11 fois que c’était fait, il fait enfin semblant de comprendre. J’ai toujours dit que le casque c’est comme le képi du militaire ça serre la tête et ça freine le développement de l’intelligence.

Le ferry est toujours un microcosme particulier qu’il est amusant d’observer, une tranche d’ethnologie particulière. Ce sont 100 histoires qui peuvent être contées. Il y a ce prêtre orthodoxe vêtu de son aube anthracite (pour mémoire, les prêtres n’ont pas besoin de voiture, car les vêtements sacerdotaux), visage spartiate, arcade sourcilière osseuse et saillante, barbe grise abondamment fournie, les yeux clairs, les rides burinées et habité d’un puissant charisme – le grand style pour parler jeune. La ribambelle de camionneurs venus des 4 coins de l’Europe est un poème. Les campeurs, les trekkeurs, les familles: tout se mélange, il y a un peu de l’arche de Noé sur ces ferries.

Il est 21h, nous partons pile-poil à l’heure. Après avoir profité du coucher de soleil et savouré l’air marin du soir, je vais tranquillement à la cafétéria pour me restaurer. Un message annonce que le bateau a fait demi-tour et retourne au port. Il n’y a pas d’autres explications, mais à bord c’est l’indifférence générale. Un fois à quai, je vais voir sur la plateforme arrière pour savoir ce qui se passe. Allait-on embarquer un VIP, débarquerons-nous quelqu’un ou devons-nous tous débarquer ? Le mystère plane.

A quai, la police portuaire est là avec quelques personnes. La plateforme du bateau s’abaisse, un gradé en blanc avec des galons dorés débarque; des membres d’équipage, quelqu’un en fauteuil roulant et des passagers le suivent. La scène est très embrouillée vue d’en haut. Les minutes s’égrènent, les choses semblent toujours confuses. C’est alors que le folklore commence. Un gars depuis le haut de la passerelle, qui trouve le temps long, balance des vannes en grec. Les locaux sont morts de rire. D’autres enchaînent et c’est l’effet boule de neige. Une blonde qui est sur le quai commence en avoir marre des quolibets et se retourne pour prendre à partie la foule. Là ça siffle, ça envoie des bordées de vannes; elle retourne dépitée dans le bateau. Au bout de 10 minutes, une ambulance arrive. Elle embarque la personne en chaise roulante et s’en va. J’ai noté l’hyper organisation et un timing remarquable. J’espère que c’était une urgence médicale absolue. La police portuaire semble retenir quelqu’un à quai. La passerelle se relève; nous repartons une heure plus tard. Nous ne sommes pas en mer depuis 30 minutes qu’une annonce est faite pour demander si parmi les passagers se trouve un docteur. Je trouve que, là, ça fait beaucoup pour un épisode de « la croisière s’amuse (love boat) » !

J’admire la lune, un disque rouge, qui se lève sur une mer d’un noir d'encre. Sur cette dernière image teintée d’un intense romantisme, je pense à Lamartine et vais me coucher. Peu importe demain à quelle heure j’arrive au Pirée ou ailleurs, l’astre du jour éclairera ma route comme un bon berger. Demain, je serai prêt et motivé comme un combattant montant dans la « cage » pour en découdre avec la « Remontada ».

27) 20.06.2019 - Athènes (Pirée) - Marikostinovo (Bulgarie) - 659Km

Suite aux péripéties d’hier soir, le navire a pris du retard. Je débarque à 8h, au lieu de 6h comme prévu. Dans le fond, c’est parfait, car j’ai dormi plus longtemps. L’avantage de la compagnie Anek, c’est que tu peux jouir de la cabine jusqu’au dernier moment.

Je m’échappe d’Athènes par l’ouest pour éviter d’emprunter l’autoroute qui passe par le nord et oblige un grand détour. Le trafic est dense, mais cela reste raisonnable pour une capitale. Il faut adopter une conduite engagée, comme les locaux. Les automobilistes, par habitude, sont attentifs aux deux roues et se poussent pour laisser le passage. Dans son ensemble, le Grec est bon conducteur dans son système. Au passage de la zone portuaire industrielle, l’air y est étouffant, il est fortement chargé en fumées et poussières. Je plains les habitants des environs ou ceux qui y travaillent.

Rapidement, je me retrouve sur les routes secondaires pour mon plus grand plaisir. Le paysage redevient méditerranéen, plus continental et moins crétois.

Je regagne l’autoroute pour faire « du cap » comme je dis. L’objectif est de faire des kilomètres vers le nord. L’autoroute suit le bras de mer qui s’enfonce vers Lamia. J’ai déjà exprimé mon désamour pour l’autoroute en moto. C’est certes pratique, mais usant et après 3 semaines, mon sentiment n’a pas changé. Ce morceau d’autoroute a quand même quelque chose de plaisant. On voit l’autre bord du bras de mer. Avec ces lauriers roses qui bordent la route. On peut s’imaginer sur l’autoroute qui borde le lac Léman. Au moins, la vue est belle et la police veille. Trois contrôles de police au radar en 100 kilomètres. Le régulateur de vitesse à l’avantage d’éviter l’excès.

Je devais suivre la direction de Thessaloniki et à Lamia, dans la confusion d’un échangeur, je m’engage dans une autre direction. Pour mon grand bonheur, mon erreur de navigation me fait couper par les terres pour une route plus courte. Une erreur qui se transforme en choix de maître ! La sortie de Lamia par le E65 se fait sur une large route qui tourne comme il faut. C’est le circuit de SPA ou Zolder, mais avec du trafic.

À Domokos, la route offre une vue panoramique majestueuse sur la plaine agricole de Larissa. À Larissa, rien ne pique sauf les cactus et le soleil ! C’est la Grèce des gens qui se lèvent tôt, celle des vrais travailleurs, ceux qui courbent l’échine pour biner, récolter ou nettoyer des hectares de production maraîchère. La moisson a déjà commencé ici. Les tracteurs, moissonneuses et botteleuses s’activent. L’azure découpe l’arrête des collines qui, habillées de leur jaune paille, ressemblent à des dunes. Je patrouille hors de la route pour glaner quelques belles photos.

Mon après-midi sera le jeu du chat et de la souris avec les orages. La fin est connue: tu perds ! Mais c’est toujours drôle de jouer. Sur mon flanc gauche, le ciel est très noir et quelques éclairs font leur apparition. Il commence à pluvioter. Je m’équipe pour la pluie, ou pas ; l’éternel dilemme du motard. Maintenant la pluie bat le tarmac de l’autoroute plus intensivement. Par chance, je me glisse dans un long tunnel et évite le déluge. À la sortie du tunnel, j’ai deux options : soit je change de vallée et l’orage est derrière moi, soit ça va être un beau rideau de pluie sur ma tête. Première victoire par l’esquive, l’orage est derrière moi.

En regardant la carte, j’ai plusieurs options pour regagner la frontière bulgare. Continuer l’autoroute ou prendre une route qui passe au pied des montagnes entre les deux Macédoines. J’opte pour la route frontalière.

De fil en aiguille, en ravitaillant Ermeline à Kilkis, je remarque que je ne suis pas loin de la frontière avec la Macédoine du Nord (nom officiel depuis le 25.01.2019) et qu’une petite boucle autour du lac Dojran ajoute un pays au compteur et me fait quitter l’Union, une première en moto. Au moment où je démarre de la station, alors que la météo est claire devant moi, l’orage qui était dans mon dos me rattrape. Je me mets à l’abri à la station et attends. C’est un bel orage d’été avec éclair, bruit et beaucoup d’eau. Deuxième victoire par attentisme.

Je bifurque pour la Macédoine du Nord. Je remonte une interminable file de camions. Mon passeport biométrique n’est pas reconnu au poste grec. Le douanier essaye plusieurs fois et me regarde d’un drôle d’air. Visiblement lassé par ce problème technique, il me laisse passer. La zone entre les amis macédoniens est faite de barbelés et de grillage, comme dans un camp militaire. L’ambiance est posée. Le contrôle en Macédoine du Nord est pointilleux, les documents du véhicule sont passés au crible et l’ambiance n’est pas à la kermesse joyeuse. Finalement, je passe. La météo se gâte sérieusement. Je demande au douanier si je peux rester à l’abri pour mettre mon équipement de pluie. Cette fois pas d’échappatoire, chanceuse ou voulue, ce sera le déluge sur ma tête.

Tout juste équipé, ça claque dans tous les sens, les déflagrations sont répétées, successives et claquent comme des coups de fouet c’est un pilonnage en règle de la frontière. Le vent est tempétueux et forme une belle houle sur le lac sans parler de l’arrosage qui est très très généreux. Mon baptême avec la Macédoine du Nord est célébré dignement. Toute l’eau qui dévale de la colline noie la route. J’avance au mieux sur une route complètement inondée. Quelques voitures s’aventurent dans cette grande pataugeoire. Au plus fort, je m’arrête sur le bas-côté à l’abri du vent et laisse passer le cœur de la tempête. Au jeu du chat et de la souris, ce coup-là était pour ma pomme !

L’orage était si fort qu’il n’y a plus d’électricité dans les villages que je traverse. Pas d’électricité, pas d’essence à la station. Même si l’essence est ici à 1,09€ le litre, j’ai été prudent de faire le plein avant. En plus, s’il n’y a plus d’électricité, je renonce de trouver un hôtel dans la zone pour passer la nuit.

La route de Rabrovo à Strumica est superbe. Le paysage est plus vert que le versant grec. La route est encaissée le long d’une petite rivière, c’est charmant et bucolique. De la ville de Strumica jusqu’à la frontière bulgare, l’ambiance est fortement teintée « balkan ». Les standards et normes sont ici différents. Le temps de la Yougoslavie et d’aujourd’hui s’entrechoquent: voitures modernes côtoient sur la route les chevaux triant des carrioles; des maisons de bric et de broc jouxtent des villas plus modernes. Les contrastes se font face, c’est dépaysant. La surprise est le nombre de cigognes qui nichent sur les pylônes électriques.

La procédure de sortie de la Macédoine du Nord est tout aussi pointilleuse, mais c’est « relax ». L’entrée au poste bulgare est aussi bien contrôlée. La douanière est heureuse de me dire que son « beau-frère est français ». Honnêtement, dans la situation, j’ai été surpris et j’ai répondu « super » avec le pouce en l’air !

Côté bulgare, tout semble plus ordonné, plus soigné. L’ambiance est différente. Ici, il n’est pas tombé une goutte d’eau. C’est bien connu, les problèmes et les précipitations s’arrêtent aux frontières. L’hôtel Mantra à Marikostinovo, réservé au dernier moment, est déroutant. C’est neuf, très confortable, perdu au milieu de nulle part, entre autoroute et collines. L’hôtel dispose d’une piscine extérieure de 50m avec trois lignes d’eau. Un site parfait pour l’entraînement ou des stages des clubs de natation. Ce standing m’a paru très inattendu à cet endroit, mais c’était parfait pour ma halte. Ainsi s’achève mon dernier jour du printemps.

28) 21.06.2019 - Marikostinovo (Bulgarie) - Plovdiv - 252Km

Je m’étais fait un plan approximatif de parcourir les routes de moyenne montagne entre Marikostinovo et la plaine de Plovdiv. Ensuite, je pensais remonter vers Oryahovo par le « Central Balkan National Park » et traverser le Danube pour entrer en Roumanie. Le départ fut tardif, car je souhaitais achever mon journal concernant la journée d’hier.

Dès le départ, des routes aux virages bien courbés s’offrent à moi. De Marikostinovo à Peshtrea, c’est un feu d’artifice. C’est plus de 200 kilomètres de grand régal, la kermesse aux virages. Le tout servi par un florilège de paysages plaisants. Des verts dans tous leurs dégradés. Au gré de la route, des sentiments restent en mémoire. J’ai été nostalgique à la vue de bûcherons qui font le débardage avec des chevaux de trait. Étonné par les antédiluviens camions Kamaz ou d’autres modèles de l’ère soviétique, poussifs, qui transportent valeureusement leur chargement de bois dans une odeur d’huile chaude. Impressionné, par les tailleurs de pierre qui remplissent des palettes bien au carré d’ardoises ou de dalles de schiste. Surpris par ces dizaines de fontaines d’eau aménagées où les gens, en fonction des vertus thérapeutiques, viennent remplir leurs bidons. Intrigué par un Mig-5 planté sur la place d’un village. Stupéfait par les parcs d’aquaculture dans les lacs. Après ce déferlement de belles images et d’émotions, la plaine agricole de Plovdiv paraît moins majestueuse. Toutefois, les images de cette partie agricole ont aussi leurs charmes. Les carrioles remplies de toute chose tirées par des chevaux, des ânes errant sur la route, les échoppes au bord des routes montées avec trois cageots et deux planches pour vendre les produits de la récolte sous le regard attentif des cigognes juchées sur leur pylône. Un grand patchwork de scènes. Comme disent les Belges cette journée « c’est un peu de tout » mais c’est une savoureuse Bulgarie qui m’a bercé toute la journée et surpris par sa beauté et diversité.

Arrivée à Plovdiv, sous les bons conseils d’amis, je souhaitais visiter la ville. Plovdiv est, comme Matera, ville culturelle européenne 2019. L’heure tournant, je décide de rester dormir ici et parcourir la ville. Demain sera une nouvelle aventure. Je verrai bien où le vent me guidera. Les joies de l’aventure sont impénétrables.

29) 22.06.2019 - Plovdiv - Râmnicu Vâlcea - 493Km

Le mot “plaine" vient du latin « planus » donc relatif à ce qui est plan. C’est un peu le résumé de ma journée. Mais dans la platitude certains moments, contemplatifs, donnent du relief à la vie et d’autres sont plus ternes avec lesquels il faut composer.

Ma route vers le nord de Plovdiv à Karnare rime un peu avec ennui. Les champs de blé et de tournesol égayent le paysage, mais ça ne nourrit pas son homme. À Karnare débute la route qui traverse le « Central Balkan National Park ». C’est un col de montagne qui offre une superbe vue sur la vallée.

À son sommet se dresse un monument. De loin, ça ressemble à un aimant géant tombé du ciel et planté dans le sol. Vu la distance d’où l’objet se voit, ça semble colossal. Je vais jusqu’au pied du monument pour en juger. C’est une arche, inaugurée en 1980, à la mémoire de ceux qui ont péri pour la libération de la Bulgarie. Il a donc fallu 7 plans quinquennaux pour ériger un édifice qui honore la mémoire des combattants ! L’arche est faite de blocs de ciment et toise 34 mètres de haut. Elle est typiquement d’inspiration et de style néo-soviétique. Des statues sont adossées à sa base et donnent de l’autorité et de la solennité. Le panoramique à 360° autour est éblouissant.

La difficulté après un moment si somptueux c’est comme en gastronomie, il faut garder le tempo, il faut y aller crescendo et ne pas laisser retomber le soufflé des émotions. Imaginez qu’après une poêlée de Saint-Jacques, suivie d’un canard aux morilles, le plateau de fromage dignement affiné doit s’accompagner d’un bordeaux de haut vol et d’un dessert qui doit achever cette symphonie en apothéose et dont je vous parlerai ultérieurement. Évidemment, le soufflé est tombé, une fois arrivé dans la plaine du Danube.

La plaine du Danube offre comme paysage d’impressionnantes parcelles de plusieurs kilomètres carrés, de tournesols, de maïs ou de blé qui s’étirent à perte de vue. Une urbanisation agricole, avec de longues lignes droites, fruit de l’héritage de la période des kolkhozes.

Pour rejoindre la Roumanie, et traverser le Danube, je décide de prendre le bac à Oryahovo. Il n’y a pas beaucoup d’autres solutions, car je n’ai compté que trois ponts très éloignés pour traverser la frontière bulgaro-roumaine. La procédure n’est pas compliquée, mais c’est un menu trois services. Contrôle bulgare pour la sortie, prise des tickets du ferry avec contrôle et contrôle roumain. Cela est effectué sur la berge bulgare. Il en ira de même sur l’autre rive. Je ne sais pas si c’est une déformation professionnelle, mais je vois de l’optimisation et de la rationalisation. Il y à peine 24 ans, on devait supporter ce cérémonial pour tous les pays de l’Union avant l’introduction de l’espace Schengen.

J’arrive une heure avant le départ du bac. Il y a une traversée toutes les deux heures. Une heure d’attente sur le parking en plein soleil par 34°C, c’est long ! Je cherche un peu d’ombre. Je profite de ce moment pour décider de ma halte du soir. J’irai jusqu’à à Râmnicu Vâlcea qui se situe presque au début de la Transfăgărășan. La Transfăgărășan est une route souvent répertoriée parmi les plus belles d’Europe. Je ferai donc ce monument de route demain matin par des conditions météo favorables et une température clémente. Une fois à Sibiu, j’aviserai de la suite des opérations. Si j’enchaîne une seconde boucle ou si je reste pour visiter la ville qui est réputée pour être parmi les plus belles de Transylvanie.

Depuis le 8 juin, j’ai quitté l’alphabet latin pour passer à des alphabets qui peuvent s’écrire avec des spaghettis et des coquillettes ! Même si je dois le reconnaître, beaucoup de choses sont translitérées en Grèce et en Bulgarie. De retour en Roumanie, je retrouve l’alphabet latin ce qui me facilite la lecture.

Le premier contact avec la Roumanie est le tarmac. Le côté roumain est moins sautillant que celui bulgare, ce qui procure un plus grand confort. Jusqu’à l’hôtel c’est un enchainement de lignes droites bordées de champs et la traversés de villages ruraux. L’immersion dans cette ruralité roumaine offre des scènes touchantes. J’ai trouvé pleine de tendresse l’image du cigogneau qui sort la tête du nid ou se met debout sous la vigilance attentive des parents. Le début de l’apprentissage du vol afin d’être prêt à entreprendre ces inlassables va-et-vient migratoires entre le nord et le sud.

Après cette journée, je suis heureux d’arriver à l’hôtel pour me reposer. Micmac de chambres à l’accueil, mais tout rentre rapidement dans l’ordre. Je me repose un instant avant de rejoindre le restaurant de l’hôtel, situé sur le toit. Le restaurant est une belle surprise gastronomique. Le restaurant est peuplé de couples, de dames toutes bien pomponnées et parées de belles tenues. En face de moi une bonbonnière ! Une concentration de sept belles femmes. Elles parlent fort, c’est un véritable « poulailler ». Elles enfilent les bouteilles, d’un vin pétillant, les unes derrière les autres et picorent de temps à autre. Je ne sais pas ce qu’elles fêtent, mais elles rient et sont heureuses.

Moi, je rédige, je profite du coucher de soleil et de la vue sur les montagnes. Devant moi se dresse le dessert que je vais déguster demain. C’est comme les cadeaux sous le sapin de Noël. Ils sont là! Il suffit, juste d'attendre l’heure, pour mettre de la lumière dans les yeux. J’imagine la Transfăgărășan comme un Saint-Honoré à la crème finement parfumée à la gousse de vanille, mes papilles en tressaillent de joie. Ce soir, c’est mon réveillon. Demain c’est noël.

30) 23.06.2019 - Râmnicu Vâlcea - Sibiu - 344Km

Aujourd’hui c’est Noël, mon Saint-Honoré est prêt. Je vais attaquer la Transfăgărășan. Le départ est contrariant. J’ai mal fermé ma sacoche de réservoir et mon téléphone glisse et s’offre une séance de surf sur environ 50 mètres sur le tarmac. L’écran de protection a fait son travail. En revanche, le téléphone a l’air souffrant, son comportement est très erratique. Sans téléphone, il n’y a pas de photos, pas de réservation d’hôtel, pas de visualisation des cartes et pas de communication. C’est assez fâcheux. Il faut être philosophe. Les choses étant ce qu’elles sont, il convient d'avancer. Après avoir admiré, sur la route qui me conduit au col, le vol gracieux des cigognes tournoyantes dans le ciel et apprécié les différents marchands qui vendent une large gamme de produits qui vont des tomates aux cerises en passant par les champignons, j’entre rapidement dans le vif du sujet.

En ce jour dominical, il y a un peu de trafic. Chacun y va de son barbecue, de sa séance piquenique, de la séance photo devant les cascades ou des névés, les scènes traditionnelles dans les cols de montagne. C’est un plaisir de conduire et d’admirer ce paysage brut.

Sur un bout de ligne droite, une voiture est arrêtée les warnings allumés. Je ralentis et cherche du regard l’obstacle à éviter. Plus je me rapproche et je remarque que le conducteur a les mains sur le volant et n’en mène pas large. Ma surprise fut assez grande quand je vois un ours sauvage bondir de derrière la voiture. Petit coup de gaz, coup d’œil dans le rétroviseur pour savoir comment essorer la poignée de gaz, le cas échéant. Il semble vouloir rester près de la voiture. Je m’arrête peu après. Je regarde la scène en laissant une vitesse engagée. Je tiens à garder l’initiative surtout en cas d’idées loufoques de la bête. Certes, ce n’est pas un grizzli de 500Kg mais, quand tu vois le bestiaux qui doit faire dans ses 120-150 kilos, et surtout quand tu as vu la taille des pattes et des griffes, la prudence te rappelle rapidos à l’ordre. En voiture, c’est peut-être une situation stressante, mais tu as une carrosserie. En moto entre lui et toi, il n’y a rien ! Un ours en captivité est plutôt sympathique et sous contrôle. Ici, je ne connais pas ses intentions. Est-il stressé? Affamé? Autant de question sans réponses. Je décide de sortir mon téléphone, qui agonise, et de tenter la photo. Main droite sur le téléphone et main gauche embrayée. Au moindre mouvement hostile, je lâche le téléphone et je dégaine « gaz ». Photo par-dessus l’épaule et ciao. Ami lecteur derrière ton écran ça peut paraître cocasse, tu peux railler l’aventurier, mais quand tu vis la scène sur ta moto, tu es très vigilant.

Comme la petite bête, je monte, je monte, je monte. Un panneau indique 3km avant le « Lacul Bâlea », le sommet, qui indique la bascule vers la vallée de Sibiu. De plus en plus de voitures sont garées sur le bas-côté. Je me faufile, j’avance et … le tunnel est fermé, demi-tour obligatoire. Des Anglais en moto devant moi sont dépités.

Je n’ai pas d’amertume, je suis déçu. C’est comme si tu arrives à la pâtisserie pour prendre ton Saint-Honoré et il est trop tard, c’est fermé! Je pense à l’indigo et au bleu cristallin de la mer libyenne, au turquoise du Péloponnèse, je souffle. J’ai horreur de faire et défaire. Le demi-tour c’est exactement 244 kilomètres, plus les kilomètres pour rejoindre Sibiu. J’aurai roulé plus de 4 heures sur des routes de montagne exigeantes pour revenir exactement à mon point de départ. J’ai de la compassion pour les 3 cyclotouristes qui me précèdent et pense à leur plan de route qui vient d’être sérieusement chamboulé.

L’aspect positif : c’est beau! Et la descente m’offrira une autre perspective. En revanche, je suis heureux de n’avoir aucune obligation. Le même scénario avec des obligations d’hôtel, la balade passe de la belle journée au cauchemar.

Je suis certain qu’il n’y a pas de panneau qui indique que le col est fermé. Lors d’une pose improvisée, un roumain en voiture, qui montait, m’a demandé, d’abord en Roumain, puis en anglais si la route était ouverte. Enfin en descendant, j’ai scruté tout ce qui ressemblait à un panneau et rien nada. C’est la vie, l’aventure, il faut prendre ces instants avec philosophie et peut-être qu’un jour, au fin fond du Kirghizstan, le demi-tour nécessitera plus de kilomètres sur des pistes pour rejoindre le Kazakhstan. Cela n'est peut-être qu’un entraînement pour le futur.

Je souffle un moment à la station à Râmnicu Vâlcea pour évacuer ma déception et réviser mes plans. Je décide de faire un maximum de route et d’aller dormir à Timisoara par l’autoroute. Journée perdue, pour journée perdue, autant se faire du mal jusqu’au bout et s’achever avec 300 kilomètres d’autoroute. La route nécessite de passer par Sibiu avant d’engager l’autoroute pour Timisoara.

La route qui mène à Sibiu serpente le long de la rivière. Elle est plaisante malgré le trafic du retour de week-end. L’architecture, l’ambiance changent en approchant de Sibiu. L'athmosphère est moins rurale. Dans le défilé qui conduit à Sibiu, j’essuie une averse ! Je m’équipe et me dis que, là, la coupe est pleine. J’irai dormir dans le premier hôtel à Sibiu que me propose le GPS dans sa liste. J’ai de la chance c’est le « Continental Forum » à l’entrée du centre historique.

Mon avis est que cet orage fut une chance, car j’aurais manqué la visite de Sibiu. Cela fait bien des années que je n’avais pas visité une aussi belle ville. Je sais que j’ai des amis de Sibiu et mon avis est complètement indépendant de ce facteur.

Le réceptionniste, de l’hôtel, m’informe que ce soir c’est le dernier jour du festival. Il y a des spectacles en ville et un feu d’artifice sera tiré en face l’hôtel.

En entrant dans la vieille ville, j’entends un bagad jouer. Cette musique, à l’âme puissante, se marie à merveille avec l’architecture d’ici. De Quimper à Sibiu c’est exactement un moment de forte émotion qui m'a réconcilié avec cette journée spéciale. Quelques mots avec un batteur du bagad qui vient du Morbihan, on se serre la main et nous terminons par un « Kenavo ».

Le spectacle qui a provoqué mon hilarité, c’est la fanfare militaire italienne. Affublés de leurs chapeaux, surmontés de plumes d’autruche, ils entonnent de la musique militaire. En sachant que la musique militaire est à la musique ce que le fast-food est à la gastronomie, je frise le coma. Si, en plus, les emplumés entonnent de la musique latino, on bifurque dans le militaro-burlesque et cela pourrait virer à la revue de cabaret, les plumes pourraient riper… qui sait ! Sans parler de la « gaie » chorégraphie exécutée entre deux morceaux !

Je trouve que cette ville a un air baroque, par les couleurs pastel de ses maisons et, en même temps, un parfum germanique. L’architecture des différentes époques n’est pas une juxtaposition ou un bric-à-brac c’est l’harmonie qui domine. Je suis étonné de la qualité de préservation de la ville. Il y a une belle âme. Une très belle découverte. Impossible d’être déçu par un séjour à Sibiu. Demain, je vais essayer de faire réparer mon téléphone (pas de vidéo pour l’instant) ou en acheter un nouveau. Comme on dit en patois ariégeois, « Oui Kip Inn Teutche »

31) 24.06.2019 - Sibiu - Baja (Hongrie) - 538Km

Avant de quitter Sibiu, je fais décabosser le châssis du téléphone et remplacer la batterie. Il semble revivre. Je pourrai, à nouveau, faire les photos de mon périple dans des conditions moins épiques. J’ai dégoté une échoppe située dans une arrière-cour qui effectuera le travail. L’endroit est une agora qui collecte les petits tracas technologiques du monde. Pour y avoir patienté quelques minutes, le lieu est un poème. Tous les âges toutes les strates de la population s’y retrouvent. Sans comprendre un mot de roumain, l’expression des visages et le « body language » des différents acteurs est une merveilleuse tranche de vie. Du père accompagné de son jeune fils, affublé de leurs grands chapeaux, au look très vacher qui recherchent une batterie; un jeune avec un téléphone qui fait « ding-dong » sans arrêt; une personne plus mature qui semble très confuse avec l’usage du téléphone … des dizaines de clients et chaque fois c’est une scène à écrire. J’ai adoré ce moment humain et très connecté à notre temps entre le « moi » et la technologie. Cette petite escapade me permet d’apprécier, au matin, une dernière fois le centre historique, c’est toujours aussi beau !

J’emprunte l’autoroute pour rejoindre Timisoara. Ce nom « Timisoara » est chargé de sens pour moi. Lors du soulèvement populaire de 1989, le drame qui s’était joué ici avait été abondamment couvert par les médias et ce nom est resté encré en moi avec son empreinte historique. Ce fut aussi mon premier éveil au monde de l’Est, en dehors de notre très formaté et orienté cours d’histoire.

Quitter Sibiu se fait par une autoroute à la « française ». Le tarmac est parfait, un vrai billard qui rend la conduite reposante. Le paysage est superbe. Entourée des montagnes au loin, la plaine est parsemée de champs. Plus j’avance vers l’Ouest plus le contraste avec le sud de la Transylvanie est évident. Quand je vois les champs inondés de part et d’autre et les grandes flaques d'eau autour, je pense qu'il a plu abondamment hier soir ici. L'arrêt sur Sibiu fut donc une double bénédiction. L’autoroute s’achève et ces quelques kilomètres par une nationale, ce qui rompt la monotonie avant de rattraper une autre section qui me conduira à Timisoara. Je remarque que j’ai développé un sens, une « intuition » pour faire le plein de carburant, en temps, qui s’avère très utile.

J’avais décidé de faire une incursion en Serbie par curiosité et pour l'ajouter à la liste de mes pays. Je n’avais aucune idée à quoi m’attendre. J’étais juste animé par la curiosité. L’entrée au poste-frontière est sereine. En revanche, vu la file de camions (1,5Km), l’entrée ou la sortie, cela semble administrativement plus compliquée. Le petit écusson que j’ai apposé sur ma manche avec mon nom, ma nationalité et groupe sanguin est parfois utile. La discussion s’engage avec le douanier, qui a un air de Djokovic, sur la France et mon périple. Mon passeport est tamponné fermement et me voilà en Serbie. L’ambiance est radicalement différente et c’est le dépaysement qui prime.

L’architecture est composée essentiellement de maisons de plain-pied, assez basses, carrées, avec des toits à deux pentes. Elles ont un air de maison vendéenne. Ce côté de la Serbie est plat. Les gens s’y déplacent visiblement beaucoup à vélo. Il y a un esprit « Pays-Bas », la densité urbaine en moins. Le paysage est agricole. L’ingénieur urbaniste n’avait qu’une règle et une équerre pour dessiner les routes, des routes coupées à la « Serbe » quoi ! Ce qui m’a semblé évident, c’est l’ambiance tranquille, reposante et calme.

Je décide de passer, par un petit poste-frontière, plus à l’Ouest et de m’arrêter à « Baja » en Hongrie. J’ai juste choisi l’endroit car ça sonnait Mexicain et que, dans le contexte actuel de murs et grillages, cela était un petit pied de nez à nos amis hongrois. Avant la frontière serbo-hongroise, des dizaines de lièvres sautent par-dessus la route. Des envies de civets me traversent l’esprit. Le passage Serbe est très tranquille, la fin du service était proche, tamponnage et en route pour le check point hongrois. Dans la zone neutre, il y a un portail et dessus sont indiquées les heures d’ouverture du poste frontière hongrois, il ferme à 19h ! J’ai de la chance j’ai une heure d’avance de ma nouvelle heure ! Ceci est une bonne expérience pour le futur : vérifier l’heure de passage aux frontières. Je sais, par exemple, qu’il existe des restrictions saisonnières et que certains passages sont interdits aux étrangers sur la route de la soie.

Le Macédonien du nord est pointilleux mais le Hongrois ne déroge pas à la réputation du douanier. Nous le savons : le douanier est un gendarme qui a raté le concours d’entrée dans la gendarmerie. Il me demande d’ouvrir mes valises latérales et de sortir mes bagages. La fouille est sommaire vu le cubage que j’ai ! Et puis vient la question planétaire, celle où ton self-control est nécessaire « transportez-vous de la viande ? ». J’avais envie de répondre « les kilos superflus ça compte ? », mais je me suis ravisé, car il est armé et pas moi ! J’ai répondu non ! Il me semble que sur une moto, cacher un quartier de bœuf, c’est assez compliqué ! Il me demande où je vais. Pour illustrer que le douanier est mono tâche, je lui explique que je viens du Luxembourg et que je suis allé en Crète. Il se satisfait de la réponse et me souhaite bonne route. C’est là la différence entre le douanier et le gendarme. Le gendarme n’aurait pas oublié la première question : où je vais ?

J’arrive à mon hacienda à Baja. Ici pas de désert. Une petite ville bien propre avec sa place principale et ses gros pavés, ses maisons néobaroques, sa rue piétonne, la vie simple et tranquille. En ce jour finissant, les joggeurs, marcheurs, kayakistes vont le long de l’arc que forme la rivière. C’est un spectacle et une ambiance apaisants. Retour à 20h05 au restaurant de l’hôtel qui esy désert. Enfin un truc désert à Baja! Le serveur m’informe que le restaurant est fermé depuis 5 minutes. Il ne manque qu’un message sonore en arrière-plan « en raison de mouvement social, l’hôtel n’est pas en mesure d’assurer les services escomptés, nous nous excusons de la gêne occasionnée, …. ». Je me rabats sur le restaurant à côté, sous l’œil et le dard aiguisé des moustiques.

32) 25.06.2019 - Baja - Maribor - 466Km

Je n’ai certes pas l’étoffe d’un Moitessier, ce seigneur des mers, mais sur mon modeste océan de goudron, ça fait exactement un mois que je navigue et ai sillonné plus de 4000 miles nautiques. Je savoure ce moment et repasse en mémoire les instants qui m’ont nourri de bonheur.

Je regarde bienheureusement Baja qui s’ébroue de sa nuit. Je prends mon petit-déjeuner sur la terrasse avec la vue sur ce bras de Danube qui, tel un coude, vient s’échouer comme une caresse sur la rive. Marcheurs et joggeurs profitent de l’air frais du matin. C’est un grand calme qui demeure. Je rédige mon blog de la veille et profite simplement de cette atmosphère apaisante.

Je rejoindrai le nord du lac Balaton et je prendrai le ferry. Cela fait longtemps que je n’ai pas été sur l’eau ! La route qui descend le lac sur la rive droite semble plus prometteuse.

Mon GPS est un cabot ! Il est parfait pour sortir d’une agglomération ou trouver une adresse précise. En revanche pour naviguer, ce n’est pas un aigle, mais un infirme de la comprenette ! Malgré un paramétrage étudié, il s’échine à passer par les centres-villes, couper par une rue pour gagner 20 mètres pour ne pas aller jusqu’à la prochaine intersection, sans parler de la soit-disante mise à jour où il s’invente des autoroutes et des routes carrossables. C’est globalement un bel outil, très utile pour les grands axes, mais assez perfectible pour faire du tourisme à vue.

À ce petit jeu, mon guide me fait bifurquer sur une petite route. Elle semble au début orthodoxe et de bonne famille, mais sur sa moitié elle décide de se montrer plus rebelle pour se montrer fortement dévergondée par la suite. Je ne roule pas vite, mais il y a un peu de rythme. Devant moi surgit une saignée d’environ un mètre de large et 30 cm de profondeur. De KTM à KLM, il n’y a qu’une seule lettre et j’ordonne à Ermeline de s’envoler. Elle s’envole et atterrit avec force. Cette moto ne cesse pas de m’étonner, elle est magique. Un peu plus d’un kilomètre plus loin, je regagne une portion de terre plus roulante. Je trouve l’équilibre de la moto légèrement différent. Ma valise latérale gauche n’est plus là, envolée !

Sous le choc, elle a dû se décrocher et aller valser dans le champ. Je fais demi-tour fissa, car j’ai tous mes vêtements et mon Mac dedans. Je croise un gars en mobylette, en galère sur ce chemin défoncé, que j’avais doublé au début. Il m’explique, en hongrois, que vraisemblablement, j’ai perdu quelque chose. Je fais un signe de la main en signe de reconnaissance et file à la fatale saignée. La valise gît là sur son flanc. Des traces de terre comme stigmate de sa cascade, le couvercle ouvert comme une huître agonisante, l’air souffreteuse. L’animal est blessé, mais vit encore. Une patte de fixation a visiblement cédé sous le choc.

Il fait 34°C et je suis en plein soleil au milieu de nulle part. Évidemment, le noyer qui pourrait me faire de l’ombre est planté du mauvais côté du champ. Je dégouline. Je prends des bouts de cordes de ma trousse à outils et fait une réparation de fortune. Je m’assimile aux frères Mareaux dans les premiers Dakar, au milieu du désert, le nez dans le capot de la 4L en train de régler un problème mécanique. L’aventure commence maintenant.

Après cette aventure, les routes pour rejoindre le lac Balaton sont très plaisantes. La couleur de l’eau du lac est d’un vert laiteux surprenant. D’un éclat merveilleux, ce paysage fascine. Tout est gracieux. Les voiliers qui s’inclinent nonchalamment sur les eaux étincelantes, les cigognes qui déchirent l’azur du ciel de leur vol majestueux. Il suffit de se laisser remplir par la beauté de l’endroit.

Le dernier producteur d’huile d’olive sur ma route de retour est la Slovénie. L’Olive Tour 2019 s’achève donc ce soir à Maribor. Pour célébrer, je m’offre le repas gastronomique au restaurant sur le toit de l’hôtel. Un excellent moment. Demain, je gagnerai l’Autriche mère partie d’Ermeline. Elle passera devant la maternité où de brillants ingénieurs lui ont donné vie.

33) 26.06.2019 - Maribor - Attersee - 418Km

De Maribor à Attersee, ce fut une journée de pure jubilation. La fête à la sérotonine, le bonheur continu, la joie à en rire tout seul dans son casque. S’enivrer de courbes et se saouler de la beauté des paysages tel fut le programme. Ermeline, sentant le paddock fut très en jambe, étincelante et admirable comme chaque jour. Devant autant de panache, je me sens comme l’humble serviteur de ce pur-sang racé.

Adorable Slovénie, sublime Autriche, vos monts sont de douces lignes sur l’horizon, vos paysages d’admirables camaïeux de verts. Majestueuses montagnes qui s’élèvent vers les cieux, sublimes lacs blottis au creux des vallées. Même sous une chaleur accablante, à laquelle je me suis habitué, j’apprécie ce privilège de savourer ces plaisirs.

Aujourd’hui, devant tant de beauté et dans un moment de grâce, le péché d’orgueil m’a envahi. Anakin Skywalker a traversé mon esprit. Le côté obscur de la force j’ai exploré. Devant moi, je vois 4 motos filer bon train. Je reviens sur le groupe. Deux roadsters et deux GS. Les pilotes de GS sont en combinaison de cuir. Je trouve ce groupe trop bien endimanché ! J’observe dans cette descente de col virevoltante mes lascars. D’un coup de mon sabre laser, les deux mariachis en roadster sont hors-jeu. Visiblement, les deux GS décident d’allonger l’allure. J’observe, j’engrène, je harcèle. Sur un coup d’estoc, le deuxième combattant rend les armes. Ermeline piaffe et demande d’en finir avec les enfantillages. Le sabre laser aiguisé, comme à l'échafaud, la décapitation du dernier combattant sera une démonstration triomphante - déconcertante facilité. Maître Yoda faisant la moue devant cette incartade, la paix revient en moi. J’ai le sentiment que je viens de refermer le portail du lycée derrière moi, une dernière fois, en sachant qu’un pan d’histoire vient de s’achever. Je n’ai rien à prouver.

L’hôtel sur l’Attersee, les pieds dans l’eau, offre une vue admirable sur le lac et les montagnes. La frénésie du jour s’estompe, la clarté s’assied dans son sommeil. J’inspire cette vibration et jouis de l’instant. Lamartine, mon ami, toi virtuose de la poésie, romantique transi, tes célèbres verts du lac auraient dû venir s’échouer ici. Les chaudes couleurs pastel d’un soir d’été auraient réchauffé ton âme, l’éther et la magie des lieux auraient pansé ton spleen.

34) 27.06.2019 - Attersee - Luxembourg - 724Km

Avant d’achever le dernier acte de ce périple, je visite le musée KTM, à Mattighofen, tout fraîchement inauguré. L’architecture est moderne, faite de courbes, d’acier et de ciment, c’est très réussi. La taille humaine du bâtiment rend la visite agréable. La salle des pilotes qui ont fait la légende de la marque est saisissante. Il y a un mannequin à l’échelle 1 du pilote à côté de sa moto. Le nombre de titres de champion du monde dans les différentes catégories où la marque s’est engagée est impressionnant. Peu d’autres marques peuvent s’enorgueillir d'un aussi beau palmarès multidisciplinaire. Ici, c’est l’expression de l’Europe qui gagne, le triomphe de la technologie et celle d’une pépinière de pilotes talentueux incubés par la marque: éblouissant !

Mes pneumatiques étaient ma préoccupation pour cette fin de séjour. Je pensais devoir les changer durant mon voyage. Il semble que je vais pouvoir les mener jusqu’à la fin. Je ne consommerai donc pas ma journée de « sécurité » que je m’étais allouée pour un repos complémentaire ou une séance mécanique. Mon périple fera donc 34 jours.

J’emmanche l’autoroute à l’est de Munich pour rentrer sur le Luxembourg en passant par Stuttgart, Karlsruhe, Pirmasens et enfin Luxembourg. Cette route sera jalonnée des interminables bouchons à l’approche des grandes villes, les ralentissements, les travaux, tout ceci dans un trafic assez dense et une température de 33°C—36°C, comme tous les jours depuis 3 semaines. J’adopte une vitesse de croisière constante comme un coureur de fond afin de trouver le bon compromis entre vitesse, fatigue et consommation. Le temps m’a démontré que c’était l’équation gagnante.

Le régulateur de vitesse calé, je vais droit devant. Le seul spectacle offert par la route, dans ce monotone ronron, est celui des bolides qui lâchent leurs chevaux. Toutes les marques de luxe sont à la fête de Bentley à Aston Martin en passant par Porsche ou Ferrari, tel fut mon plaisir. Il manquait les sublimes McLaren à ce tableau. Côté « old-timer », j’ai été gâté : deux 300SL roadster (58), l’une sur la route et l’autre sur un plateau, et une Porsche 356c speedster. Que du beau monde !

Le passage à la frontière luxembourgeoise me donne un sentiment de grande plénitude. La satisfaction d’avoir accompli une épopée peu ordinaire. Le retour à la maison me donne l’impression que ma chambre d’hôtel est plus grande que d’habitude !


Aspects physiques

Dans le bilan du voyage de l’an dernier, j’avais souligné mon manque de préparation physique. J’étais revenu avec un début de tendinite au bras droit et globalement fatigué. La préparation physique entreprise cette année depuis février a porté ses fruits. Je n’ai pas accumulé de fatigue et je ne ressens aucune douleur articulaire ou musculaire même deux semaines après mon retour. J’ai remarqué que j’ai même gagné en tonus dans le dos et en force dans les mains.

Organisation

Le choix de la période a été un élément crucial afin de profiter pleinement de ce voyage. Deux critères ont été déterminants. Premièrement, être en avant saison pour éviter le tourisme de masse. Deuxièmement, bénéficier de longues journées afin d’accommoder les heures de roulage à ma guise. Le mois de juin semblait la période idéale pour ce voyage. Le compromis à accepter est que certains cols dans les Alpes ou en Transylvanie sont encore fermés en juin. Il faut faire un arbitrage entre un plaisir ponctuel et l’objectif global.

La Sardaigne est une destination très prisée. C’est à mon sens est une destination supérieure à la Corse, même si la Corse reste superbe. Je pense qu’en Sardaigne, le plaisir de conduire s’atténue en haute saison avec un trafic plus dense. En plus, les tarifs en haute saison s’envolent. Pour ces raisons, la période de juin était aussi un atout.

Il est compliqué en Crète de rayonner à partir d’un point central du fait de la topographie et du réseau routier. De plus les moyennes horaires sont moins élevées que sur le continent. Je pense que l’exploration de l’île doit être divisée en 3 zones. Je scinderais la Crète en trois zones « La Cannée », « Heraklion » et « Sita ». Huit, neuf jours semblent être une valeur pivot raisonnable pour bien profiter de l’île. Personnellement, si j’y retourne, je concentrerais plus de temps sur la côte sud.

Le rythme, rouler, photographier, écrire et mettre à jour mon webjournal instaure un rituel, positif, dans la journée. Ce rituel ne crée pas de temps mort. Il y a toujours quelque chose à faire. Cela évite de tourner en rond pendant les moments creux. J’ai remarqué que ce rituel, surtout à la fin du voyage, représentait ma colonne vertébrale et n’altérait pas la dynamique positive dans laquelle je m’étais inscrit. Un autre avantage de faire quotidiennement son journal est de synthétiser les aspects factuels et émotionnels accumulés dans la journée. En relisant mes notes, je remarque une multitude de petits détails qui avec le temps échappent à ma mémoire et qu’il est bon de faire rejaillir.

J’ai vécu ce voyage à mon propre rythme en fonction de mes envies, je suis parti à l’heure qui me seyait et j’ai arrêté de rouler quand je le désirais. J’ai fait autant de demi-tours que j’ai souhaité pour faire des photos. Ce format de voyage sans canevas prédéfini offre un confort idéal, mais reste difficilement applicable en groupe.

Comme déjà évoqué l’an dernier, la prise de photos en moto reste un écueil sur deux points. Premièrement, il y a les demi-tours express à faire plusieurs fois dans la journée, dans toutes les situations et surtout les plus scabreuses, afin de trouver la bonne prise de vue et jouir d’une bonne lumière. Deuxièmement, le type d’appareil, son stockage et la prise de vue sont des aspects compliqués sur une moto. Certes, les photos au smartphone sont pratiques et acceptables comme « consommable » ou souvenir. En revanche, un beau cliché ne peut pas être exploité par la suite pour un grand tirage ou une exposition et la composition de ce dernier est assez fluctuante. Enfin, le temps de la prise de vue sur la moto ne peut pas être indéfini, car les endroits ou les situations sont parfois ardus. Ce domaine de la prise de vue en moto reste un domaine à explorer.

Souvenirs en vracs

Le Péloponnèse et la Crète ont la particularité d’avoir une densité de pick-up impressionnante. Le pick-up ici sert à tout. Dans son environnement rural, c’est avant tout un véhicule utilitaire. Il y en a de tous les âges, des années 70 jusqu’à nos jours, de toutes les couleurs, de toutes les marques et dans des états très variés. Si une étude historique sur le pick-up doit être faite, c’est bien ici qu’il faut venir faire des fouilles industrielles. Il est fréquent de croiser des modèles qui arborent une calandre Datsun, qui est devenue Nissan en 1983, et le même modèle, de 1984, avec une calandre Nissan.

Tout au long de mon périple, c’est un vrai bestiaire que j’ai croisé. Aux traditionnelles vaches, ânes, moutons et chèvres vacants à leur occupation sur la route se sont ajoutés cette année, les serpents, les renards, peut-être un loup confondu avec un renard, les écureuils, belettes, hérissons et l’ours ! À ce palmarès terrien, s’ajoute tout ce qui vole comme les milliers de papillons multicolores, la mouette joueuse qui caresse de ses plumes la visière, la buse qui s’envole devant toi et qui reste dans ta ligne de mire, l’aigle qui dessine des arabesques dans le ciel, les cigognes volant majestueusement ou une centaine picorant dans un champ. Sans oublier les dauphins toujours aussi gracieux.

Ce type de « road trip » permet d’acquérir un bagage pratique qui pourrait s’avérer utile dans de prochaines aventures. Le passage des frontières est un évènement oublié depuis l’instauration de l’espace Schengen. Certaines frontières ferment pendant certaines heures ou saisons. Les renseignements doivent être pris avant le départ afin d’éviter de fâcheux détours. De même, les horaires d’ouverture peuvent être différents sur une même frontière sans oublier qu’il peut y avoir un décalage horaire sur la frontière ce qui ajoute un peu de piment.

Nous avons tous pris l’habitude de faire nous-mêmes le plein de carburant. J’ai été surpris en Italie que le service à la pompe offrît deux prix différents en fonction que tu fasses le plein toi-même ou que tu te fasses servir. Je trouve ça discriminant pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. En revanche en Grèce tu es systématiquement servi gratuitement.

En Campanie et dans les Pouilles, j’ai été étonné par le nombre de bâtisses inachevées, seule la structure en béton était érigée, le reste étant en « plan ». J’ai été effondré par notre frénésie de consommation compulsive, en Italie, en dénombrant plus de 30 chaînes de téléachat. J’ai observé, avec tristesse, la désolation provoquée par les sinistres industriels comme la fermeture d’une briqueterie à Iglesias (Sardaigne). Attristé par l’abandon du réseau ferré secondaire sarde et voir cette infrastructure qui se meurt. La Crète m’a surprise avec l’abondant placardage d’affiches du parti communiste extérieur. Il existe encore des bastions qui, vents debout, soutiennent encore une idéologie que certains jugent désuète. J’ai retrouvé la ruralité, qui existait jadis au temps de mon enfance, en Grèce, Bulgarie et Roumanie. Les marchands ambulants, les petits commerces ou l’amour ou la promotion des produits locaux. Dans un monde où tout se consomme avec frénésie, ce retour aux sources a l’avantage de faire savourer une vie qui va un peu moins vite et donne le temps d’observer le monde, avec sérénité.

J’ai trouvé en Suisse que le nom des supérettes « Migrolino » était mignon. Par la suite, en Crète, le nom de l’hôtel était « Megaron » ce qui était un beau clin d’œil d’humour à mes rondeurs. J’en ai déduit que Migrolino était chez Megaron. Cette pitrerie qui m’a amusé la moitié de mon séjour.

Histoire de motard

Le dilemme du motard est d’être équipé pour un large spectre de températures de l’hiver à l’été, et pour des météos allant du sec au pluvieux. Roulant toute l’année dans toutes les conditions, j’ai pu tester de nombreux équipements afin de trouver le meilleur compromis. Le but de ce chapitre est de partager mon acquit dans ce domaine.

La moto est un plaisir sensoriel. Le contact avec l’air, la perception des senteurs, le toucher de la route, la sensation physique, sentir la dynamique du châssis de la moto sont autant d’éléments captés par le corps. Mon objectif est de ne rien perdre en ce qui concerne le confort et les sensations afin de focaliser ma concentration sur la conduite en toute sécurité.

J’ai vu, en milieu médical, un motard qui avait chuté en tee-shirt, short et chaussures de tennis et qui sortait de la salle de dé-gravillonnage. C’est une image qui te guérit à vie sur la question être équipé ou pas. J’ai le frisson dès que je vois un motard en short, tee-shirt et tongs. Quitte à paraître « rigide », ce contact immédiat avec l’environnement m’a conduit, à n’avoir aucun compromis avec les notions de sécurité et de confort. Je suis tombé plusieurs fois durant mon expérience de motard. Je n’ai jamais eu de blessure. Quand je vois les stigmates sur mes équipements, sans ces derniers, mon corps aurait été durement meurtri.

Par temps de pluie, j’ai essayé plusieurs combinaisons intégrales, c’est un système qui semble bien de prime abord. En réalité, ce système s’avère peu pratique à l’usage, il est non respirant, difficile à enlever et perce au bout de quelques heures.

J’ai cherché le domaine où les professionnels devaient se protéger de l’eau, tout en assurant un bon confort. Je me suis naturellement orienté vers les marins-pêcheurs. Puis mon choix s’est orienté vers les salopettes de quart utilisées en voile sportive. Personnellement, pour le bas du corps, j’ai opté pour une salopette « Ocean» d’Helly Hansen, que j’enfile par-dessus mon pantalon de moto et sous ma veste. Cette solution après des années d’usage me donne entière satisfaction. Ces salopettes offrent un renfort aux fessiers et aux genoux. Parfois, elles disposent de manchons au pied ou d’un système de serrage efficace au niveau de la botte qui étanchéifie la jointure botte-pantalon. L’autre avantage est que la longueur de jambe est calculée pour une position assise. Certes, l’investissement est important, mais le confort et l’étanchéité sont assurés même dans des conditions extrêmes. De plus, le système de la salopette permet de bien couvrir le ventre et évite les remontées d’air ou d’eau entre la veste et le pantalon. Pour les hommes, la manipulation reste très pratique pour se déshabiller et pour satisfaire des besoins naturels.

Pour le haut du corps, j’ai roulé souvent sur la pluie avec une veste de quart marine assortie à ma salopette que j’enfilais par-dessus ma veste de moto. Ce type de veste, certes très efficace, reste assez épaisse et nuit à la mobilité des épaules. J’ai opté finalement pour une veste « Gortex » en 25,000mm de chez « Wolfskin » qui me donne toute satisfaction. Pour assurer une parfaite étanchéité au niveau du cou, j’enfile la capuche et après mon casque. Ainsi j’évite les intrusions d’eau par capillarité ou pénétration au niveau du cou. Sur mon modèle, la capuche est assez large à la nuque pour assurer une excellente mobilité de ma tête.

Pour la protection des mains sous la pluie, je n’avais pas encore trouvé de solution optimale. Les gants en cuir même avec membranes pèsent une tonne une fois gorgés d’eau et sont longs au séchage sans compter qu’une fois enlevés, l’enfilage reste compliqué. Le choix de rouler mains mouillées, dans des gants synthétiques, est une solution viable uniquement pour une très courte période.

J’ai expérimenté pendant ce voyage les gants de plongée en néoprène de 6mm dans des conditions de pluie très exigeantes. La tenue du guidon est bonne. Le néoprène donne une sensation de spongiosité au freinage, mais le contrôle est satisfaisant. L’étanchéité est parfaite et l’effet velum permet de bien garder les mains au chaud et au sec. L’enfilage et le désenfilage sont étonnamment faciles et le séchage express. Je vais approfondir ce point, dans un magasin spécialisé en plongée sous-marine, pour des gants légèrement plus fins et enfin trouver un optimum sur ce sujet.

Pour l’été, j’utilise un équipement en tissus synthétique de type « rally ». En fonction des températures j’ajoute la veste de pluie pour couper le vent ou le froid. En revanche passé 34°C, même toutes les aérations ouvertes, la sensation de chaleur sur les jambes est désagréable. Pour l’hiver, j’ai une veste épaisse. J’ajoute la salopette de pluie sur mon pantalon en fonction des conditions météorologiques.

En principe, pour rouler, j’utilise quotidiennement des lentilles de contact, jetables. J’ai remarqué qu’à partir de 35°C, mon œil se dessèche et les lentilles tournent. Dans ces circonstances, la correction de la vision n’est plus optimale. Dans ce cas, je reviens aux lunettes de vue solaire.

Le Camel bag est devenu l’accessoire indispensable à mes voyages ou balades. Durant ce voyage, j’ai roulé la majorité du temps par des températures supérieures à 30°C et fréquemment par plus de 36°C. J’ai noté que si je ne m’hydratais pas suffisamment mon endurance diminuait drastiquement et sans avoir une sensation de soif. L’hydratation est un gage de sécurité. J’ai personnellement trouvé un équilibre en coupant une boisson du type « Gatorade ou Aquarius » avec 1/3 d’eau afin de diminuer la densité de sucre. Un résultat équivalent peut être obtenu avec de l’eau minérale, du jus de citron, un peu de miel et une pincée de sel. Cette mixture, efficace est certes économique, mais pas pratique à confectionner en voyage. Par grande chaleur (température supérieure à 33°C) les fruits secs comme les noisettes ou les amandes sont un apport énergétique suffisant dans la journée.

Pour le graissage de ma chaîne, j’ai opté pour un système « scottoiler » . Ce système est très pratique en voyage et évite le salissant cérémonial du graissage de la chaîne. Ce système approche le confort d’une moto à cardan. Pour l’anecdote, j’avais souhaité ajouter du graissage à la chaîne par ces grandes chaleurs. Par inattention, je ripe sur le bouton de réglage et le mets sur maximum. Lors d’un arrêt photo, je trouve qu’il y a une petite odeur de barbecue, puis je vois de la fumée qui monte du bas du moteur. Avec un moteur chaud et une température caniculaire, je me dis que je ne voudrais pas dépasser le point d’inflammation du liquide. Mon idée fut d’aller dans le premier chemin de terre, pour faire de la poussière, et noyer les projections l’huile. Ma bévue m’a fait vider en moins de 50 kilomètres mon réservoir !

Pour les pneumatiques sur deux motos différentes j’ai pu rouler avec un train de pneus de Pierrelli Scorpio et des Continental TKC70. Que ce soit sur une BMW 1200 Adventure (modèle 2018) ou une KTM Adventure 1290 S (modèle 2018), le TKC70 est singulièrement supérieur sur route par son adhérence. Sous la pluie, la confiance procurée par le TKC70 est stupéfiante et sans comparaison avec le Pirelli. À cette constatation factuelle s’ajoutent les capacités du TKC70 en « trail » qui sont excellentes sur terrain sec. En revanche, le pneu se gave rapidement sur terrain gras. Le dernier point est son impressionnante longévité, j’aurais fait plus de 10.000 kilomètres en les usants de bord à bord. Le pneu perd un peu de sa superbe dans son extrême fin de vie. Même des Z6 sur mes RT arrivaient difficilement à atteindre ce kilométrage.

Conclusion


Un roadtrip offre le privilège, d’expérimenter l’immersion avec toi-même, abandonner la surface des choses, les conventions, les apparences, se désintoxiquer du quotidien pour être le spectateur humaniste d’un environnement. Ces heures de route m’ont fait mûrir les réflexions suivantes :

Mon blog n’est pas une fanfaronnade ou une quelconque démonstration. C’est avant tout le plaisir de partager. Il ne faut en retenir que de la bienveillance. Je reviens avec le sentiment d’être en Amour. El Hierro, l’an dernier, m’avait bouleversé de bonheur. Cette année, ce fut un feu d’artifice de saveurs, de senteurs et de couleurs. Je retiens la plénitude d’avoir piloté une Ermeline d’exception et m'être irradié de la beauté de la nature. Je crois que c’est en Sardaigne, que j’ai croisé la sagesse. J’ai suivi un biker à l’âge canonique. Il « cruisait » comme un sénateur. Il respirait l’amour, le vent était la plus belle caresse qu’il pouvait recevoir, l’homme avait atteint la plénitude absolue, la maturité pure, il était osmose et plaisir. J’ai encore soif de découverte et un jour je serai aussi ce « cruiser », libre, qui boit l’amour de la nature.

Vidéos


Les routes immanquables


En Suisse

Sardaigne

En Sardaigne tout est bon! Donc je n'évoque que l'excellence

Pouilles

Campania

Péloponnèse

Crète

Remontada

Téléchargement - Fichiers GPX du voyage

Budget


Le poste budgétaire le plus important est le logement. Ce budget est très volatil en fonction du type d’accommodation (hôtel, camping ...) et du standing. Personnellement, la phase de récupération et de sommeil est particulièrement importante et j’accorde une importance particulière à ce poste.

Le poste « nourriture » couvre à la fois les collations, les rafraîchissements (les grosses chaleurs m’ont fait consommer environ 42 litres de liquides uniquement pour mon « Camel bag » ), les repas et les piqueniques. J’ai remarqué, sans se mettre en danger, que ce poste est relativement peu compressible.

Concernant le carburant (SP95), la moyenne par litre sur l’ensemble du séjour fut de 1,49€. Toutefois, les fluctuations sont importantes en fonction des pays. En Roumanie et Bulgarie, le carburant est compris dans une fourchette entre 1,15€ et 1,17€ par litre. En revanche en Italie et Grèce le prix au litre est compris entre 1,61€ et 1,69€. Avec une proportion de 12% dans le budget global, le carburant devient presque un poste marginal.

La rubrique « Ferry » est un cas spécifique à ce type de voyage. Néanmoins, le ferry de nuit fait économiser une nuit d’hôtel et permet de parcourir de nombreux kilomètres. Ce fut 5 fois le cas pour ce voyage. Le ferry est plus économique que le même trajet par la route avec moins de fatigue. C’est une option qu’il faut envisager pour les voyages dans le sud de l’Italie, la Grèce ou l'Ecosse par exemple.

Le poste « divers » vise les transports complémentaires (taxi, bus), les visites culturelles et les petites dépenses.

Les bonnes adresses


"Summer PlayList 2019"


Interprète Titre Lien
Sara Bareilles She Used To Be Mine
Pedro Capó Calma
Lewis Capaldi Someone You Loved
Savoy Brown Hellbound Train
Rare Earth Get Ready
Lady Gaga Always Remember Us This Way
Barrington Pheloung Inspector Morse Theme
Luciano Pavarotti Nessun Dorma
Nigel Stanford Automatica
Hans Zimmer Chevaliers de Sangreal - Royal Philharmonic Orchestra
Bill Withers Ain't No Sunshine
Chris Stapleton Tennessee Whiskey
Don Henley The Boys Of Summer
Zwei The Last Game
Mis-Teeq Scandalous
Demi Lovato Warrior
Placebo Too Many Friends
A Fine Frenzy Almost Lover
Hoobastank The Reason
2pac California Love
Wolfgang Amadeus Mozart Requiem in D minor, K. 626
Van Zant Red White & Blue
Mark Ronson ft. Bruno Mars Uptown Funk
Lloyd Dedication To My Ex
Wolfgang Amadeus Mozart Clarinet Concerto In A Major, K 622, Adagio
David Guetta Feat Kelly Rowland When Love Takes Over Official Video
Amy Winehouse Back To Black
Blackstreet ft. Dr. Dre No Diggity
The Cinematic Orchestra To Build A Home
Valentina Lisitsa Beethoven "Moonlight" Sonata, III "Presto Agitato"

Les classiques des Pink Floyd, AC/DC, Aerosimth, Queen, ... sont aussi dans la "playlist".

Crédits


Mes périples à moto ne seraient pas possibles sans avoir été inspirés par les personnes suivantes que je souhaite remercier sincèrement: Philippe W., Serge P., Gauthier CdG, Pierre-Yves M., Eric B., Clément D. et Jacques M. derrière qui j'ai passé des milliers de kilomètres afin d'essayer de comprendre l'art du pilotage. Merci à vous, pour votre amitié et patience, vous avez été mes fondations, mes murs porteurs. Grâce à vous, aujourd'hui, je vole de mes propres ailes afin de pouvoir jouir sereinement des saveurs des voyages à moto. Merci à Pascal B. pour son support et son travail de relecture.

Commentaires & Avis


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Tableau de bord


Date Kilomètres Consommation Temps de roulage
25.05.2019 453.9 5.4 l/100Km 5h25
26.05.2019 463.5 5.9 l/100Km 5h28
27.05.2019 310.7 6.4 l/100Km 4h47
28.05.2019 268.5 6.6 l/100Km 4h31
29.05.2019 411.7 6.2 l/100Km 5h51
30.05.2019 - - -
31.05.2019 301.3 6.5 l/100Km 4h38
01.06.2019 271 6.4 l/100Km 3h50
02.06.2019 181 6.7 l/100Km 3h14
03.06.2019 - - -
04.06.2019 311.3 6.2 l/100Km 4h10
05.06.2019 357.8 6.5 l/100Km 5h01
06.06.2019 184 6.7 l/100Km 3h40
07.06.2019 47 6.8 l/100Km 0h45
08.06.2019 295 5.9 l/100Km 3h50
09.06.2019 164 6.8 l/100Km 2h25
10.06.2019 214 6.2 l/100Km 3h08
11.06.2019 - - -
12.06.2019 254 6.6 l/100Km 4h06
13.06.2019 271.2 6.4 l/100Km 3h43
14.06.2019 143.7 6.5 l/100Km 2h13
15.06.2019 - - -
16.06.2019 262.3 6.3 l/100Km 4h10
17.06.2019 - - -
18.06.2019 227.8 6.5 l/100Km 4h01
19.06.2019 6.8 - 0h17
20.06.2019 658.6 5.9 l/100Km 7h18
21.06.2019 251.8 6.2 l/100Km 4h04
22.06.2019 493.2 6.0 l/100Km 6h19
23.06.2019 344.3 6.1 l/100Km 5h08
24.06.2019 537.6 5.8 l/100Km 5h55
25.06.2019 465.6 5.8 l/100Km 5h28
26.06.2019 418.4 5.8 l/100Km 5h25
27.06.2019 723.8 5.7 l/100Km 7h28

Annexe


Check-List - Aide mémoire afin de balayer les différents points à vérifier avant le départ.