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Iceland Tour 2020

Un grand tour dans le nord

(*) En rose sur la carte, les routes parcourues durant le voyage

Introduction


Journal de voyage de "l'Iceland Tour 2020".

Après le tour, en moto, des îles Canaries en 2018 et le tour de l'Europe du sud en 2019, le projet de visiter de l'Islande est revenu sur le devant de la scène. Ma gourmandise d'off-road et la traversée de nombreux gués, en solo, m'a amené à réviser mon plan faute de support logistique, notamment en cas de cascades ou cabrioles. Le Kazakhstan ou le Maroc me traversèrent aussi l'esprit.

L'an passé, je vous avais compté les périples d'Ermeline, ma petite rouquine autrichienne à l'allure élégante, svelte et racée, sportive et athlétique à la fois. Son caractère fougueux, son panache fait d'équilibre et d'agilité m'ont rempli d'une immense joie. Cette pure beauté couchée dans son écrin de plaisir ne se meut pas, elle émeut! Ermeline voyage en dessinant d'élégantes arabesques, c'est la ballerine de mon coeur! Cette année, c'est Justine qui sera de la partie. Justine et moi est une histoire naissante. C’est au premier jour du confinement, au débotté, que nous nous apprivoisâmes. Petite, mignonne, infatigable, charmante, c’est inlassablement qu’elle me fait découvrir le plaisir de grimper aux arbres. Justine c’est mon nouveau 4x4 !

Résumé


Choisir l’Islande comme destination c’est en priorité vouloir s’émerveiller d’une nature en grand format et du silence. Choisir l’Islande pour le shopping, dégotter les dernières nippes tendance, lézarder au soleil ou encore faire la fête dans d’enivrés « Beach parties », risque de beaucoup décevoir.

La nature est l’atout majeur du pays. Elle y est majestueuse et préservée. Le plus déroutant est le manque de référence pour qualifier les paysages. Parfois, un paysage ressemble à l’Europe, puis vire au Sud marocain, pour plus tard offrir un aspect norvégien ou un air des plaines du Wyoming, ou d’Arizona, puis le paysage devient lunaire ou martien – c’est un grand pêle-mêle ébouriffant. L’autre aspect marquant est la faune et notamment les oiseaux qu’on peut observer à l’état sauvage. C’est un must pour toute personne intéressée par l’ornithologie ou passionnée par la photographie animalière. L’Islande est aussi un parfait terrain de perfectionnement pour s’aguerrir à d’autres aventures plus exotiques.

Des glaciers aux cascades, en passant par la géothermie ou l’observation de la faune, tout est accessible simplement. La période du Covid a été, malgré tout, une bénédiction, car les sites touristiques étaient quasi déserts. L’accès aux paysages les plus exclusifs nécessite d’emprunter des F-roads et impose un peu de préparation ou d’attention (cf. chapitre-conseil à la fin du document). Pour mémoire, les F-Roads sont des routes accessibles seulement aux 4x4 authentiques. La partie nord et le centre de l’île semblent être des espaces de liberté plus préservés et authentiques que la partie sud.

La notion de ville, village ou ruralité et très différente de celle que nous connaissons en Europe occidentale. Avec une densité moyenne de 4 habitants au kilomètre carré, il y a beaucoup d’espace entre des points de vie. Souvent, en regardant une carte, ce qui est dénommé comme une ville s’apparenterait plus un petit village ou à un hameau. Il n’est pas rare de rouler plusieurs heures sans croiser personne, surtout dans la partie centrale de l’île ou les F-roads.

La meilleure période, pour profiter de l’Islande, est probablement de fin juin à mi-août ; bien qu’il faille savoir composer avec une luminosité quasi constante. En principe, à partir de la fin juillet, toutes les routes sont ouvertes, dont les F-roads. Le plus déroutant est la variation de température en une journée. Il n’est pas exceptionnel de passer, en été, d’une température confortable de 18° à 3° avec beaucoup de vent et d’affronter 4 saisons dans la même journée.

Trois semaines me paraissent la bonne durée pour découvrir le pays. L’alternance hôtel/camping, diminue les coûts et offre une bonne flexibilité afin d’ajuster son exploration en fonction de la météo. Dans la section les « immanquables », vous trouverez la trentaine de sites spectaculaires et la vingtaine de routes merveilleuses.

Enfin, en auto ou en moto, l’Islande offre une variété de difficultés de roulage qui conviendra à tous les niveaux, de l’expert au novice.

Des chiffres


La préparation


La préparation de ce voyage sera rattrapée par la crise du COVID-19.

Pendant cette période de crise, il m’a toujours semblé qu’il fallait avancer. Je suis resté obstinément optimiste sur la faisabilité du voyage. Toutes les choses ont été réalisées ou débloquées en dernière minute. La voiture a été reçue le premier jour du confinement alors que les règles étaient encore flottantes. Début juin, la compagnie de ferry a annulé le ferry prévu le 23 juin, pour l’avancer au 20 juin. Le stage de conduite 4x4, prévu depuis longtemps, mais reporté de décisions en décisions en fonction de la potentielle ouverture des frontières et des hôtels, a été possible 5 jours avant le départ. L’acquisition de la tente de toit et la préparation de la voiture ont été réalisées 6 jours avant le départ.

Pour l’ouverture des frontières, le 4 juin, je décide d’écrire aux ministères des Affaires étrangères du Danemark, d’Islande et du Luxembourg, concernant l’anomalie faisant que le transit touristique est interdit au Danemark. L’argument principal est que la fermeture de la frontière danoise interdit, de facto, l’accès au seul point d’accès maritime en Europe pour l’Islande et prive les Islandais de ressources touristiques. L’ambassade d’Islande a semblé sensible à l’argumentaire et m’a répondu que ma requête avait été transmise par voie officielle aux autorités danoises. Le 8 juin, la réunion des ministres des Affaires étrangères statue sur l’ouverture des frontières dans l’espace Schengen et introduit le principe du transit touristique pour le Danemark à partir du 15 juin. Je n’ai pas la prétention d’avoir influencé, mais d’avoir certainement tapé dans la fourmilière.

Le Voyage


1) 19.06.2020 - Luxembourg - Flensburg (Allemagne) - 780Km

Le programme du jour est assez simple : atteindre la frontière germano-danoise et dormir à Flensburg. Le passage de la frontière ne peut se faire que le lendemain car le transit touristique pour atteindre le port d’Hirtshals où j’embarquerai demain doit se faire sans délai. Crise de COVID-19 oblige, les Danois ne souhaitent pas que d’infâmes touristes musardent sur le territoire et contaminent le viking. Moi qui ai toujours imaginé les Vikings comme le jambon Bayard, c’est-à-dire sans beurre et sans reproche, je suis un « tartinet » déçu ! En moto ou en voiture, mes départs sont toujours pareils : il est nécessaire de prendre l’autoroute pour rejoindre un ferry ou le lieu de villégiature. Plus le temps passe et plus l’autoroute me saoule. J’aime rouler, mais pas dans ces conditions. Je n’y vois aucun épanouissement. L’aspect pratique est indéniable, mais la monotonie de ce grand ruban noir m’ennuie terriblement. Le bonheur d’un lendemain chatoyant me donne le courage d’avancer. L’Autobahn est peut-être dans l’imaginaire un défouloir sans limite, mais la réalité est bien plus mesurée. Entre travaux et les zones limitées à 60, 80, 100 ou 120, les endroits « no limit » restent rares. Dans tous les cas, pour moi, c’est 120 kilomètres à l’heure au maximum. Les délais courts m’interdisent des escapades pour égayer cette journée. Conclusion : après 722 kilomètres sans saveur, j’arrive à Flensburg. Justine est formidable, confortable. Certes, elle n’est pas une foudre de guerre, mais elle est vaillante et me mène à bon port. « You may go fast, I go anywhere ».

Pour minimiser les expériences exotiques, je m’oriente vers le camping de Jarplund, au sud de Flensburg . C’est un camping très confortable, colonisé par les Danois et des Allemands.Mon idée de geek de la soirée est de commander des pizzas et de me les faire livrer au camping. Ce n’est pas une glorieuse idée, loin de l’idée du camping que l’on peut se faire, mais aujourd’hui, le pragmatisme prévaut. Si tu pensais que j’allais poursuivre le lièvre qui vient de traverser devant moi, le faire mijoter au feu de bois tout en chantant de la country affublé d’une toque en peau de castor façon David «Croquette », tu te fourvoies … Les jours meilleurs sont à l’horizon.

Je monte mon campement. La voiture est chargée comme un baudet. Tout doit être déménagé pour accéder à ce qui est nécessaire. Le rangement va s’optimiser au fil du temps et chaque jour qui passe améliorera le processus. La tente de toit se déplie en quelques secondes. L’auvent est superbe. Évidemment, je n’ai pas monté l’auvent avant (pas le comme le moulin), mais ces choses réservent toujours des surprises. Quatre piquets, 6 trous, 6 cordes et pas de documentation. Le dilemme: il manque 2 piquets ou deux trous dans l’auvent ne nécessitent pas de piquet, mais lesquels ? Tout rentre dans l’ordre après réflexion et consultation YouTube. Je suis particulièrement fier de la dalle lumineuse à LED que j’ai réalisée. Outre la consommation électrique qui est digne d’un appétit de colibri, l’éclairage est puissant et confortable, et les couleurs ajustables. Pour la petite histoire, après quelques recherches, je suis passé d’une consommation maximale de 1,34 ampère heure à 1,01 : les amateurs apprécieront, le profane peut toujours revoir le film Apollo XIII. Sur ces considérations techniques, il est temps de plonger dans les bras de Morphée.

2) 20.06.2020 - Flensburg (Allemagne) - Hirtshals (Danemark) - 380Km

20 juin, je suis au début de mon voyage mais, paradoxalement, la clef de voute de l’édifice se pose aujourd’hui. Après des mois de préparation et le spectre du COVID-19 qui pouvait tout faire capoter, atteindre le ferry est impératif. C’est comme dans un planning, le concept du chemin critique, le moindre pépin et tout l’édifice prend l’eau. C’est assez étonnant, mais, malgré les circonstances, je n’ai jamais douté de la faisabilité de ce voyage. Quand je réserve, je ne me pose pas la question sur d’éventuels obstacles. Je me projette et anime mes énergies positives pour atteindre ce but et mon pragmatisme domine.

Le passage de la frontière germano-danoise était fermé jusqu’en mai, puis ouvert aux allemands, islandais et norvégiens et enfin ouvert au transit touristique depuis le 15 juin. Les instructions pour justifier le transit touristique semblaient encore confuses et surtout la notion de « transiter sans délai » semblait arbitraire et relever du bon vouloir de la police. Le passage de la frontière ressemblait donc à une épreuve. De plus, la police se réserve le droit d’effectuer des tests COVID à sa discrétion, ce qui rallonge les délais. Donc, le temps de passage de cette frontière était une équation à plusieurs inconnues.

A 7h le café est coulé, la popote nettoyée, le campement plié et départ à 9h. Un kilomètre avant la frontière, le trafic est arrêté et la progression se fait en accordéon. 20 minutes plus tard, j’arrive au poste frontière. Je suis dérouté par le douanier vers la station de filtrage car je ne suis ni allemand ni danois. Le stand COVID est esquivé et deux militaires procèdent aux vérifications. J’arbore mon plus beau sourire et lance un « good morning officer » que Robin Williams n’aurait pas boudé dans le film « Good morning Vietnam ». Quand les tâches sont confiées aux militaires, c’est un peu comme confier la révision du BAC de français de ton enfant à Ribery. Il est probable que le chaos soit plus grand après qu’avant ! La résolution d’un problème par un militaire, ça relève de la logique du Shadock. Si tu n’es pas Shadock toi-même, il est compliqué d’en comprendre les ressorts de la réflexion. Si, par malheur, tu penses que c’est simple alors le militaire comme le Shadock va t’expliquer que c’est plus difficile que complexe et inversement. Sur ces tergiversations, le préposé lit mon passeport : oui les militaires savent lire, même les officiers ! Il consulte mon ticket d’embarquement, connecte les deux neurones artificiels de faction et là, miracle, tel Moïse fendant les eaux, la frontière s’ouvre ! Des mois d’élucubrations, de lecture, de recherche et d’influence pour régler un problème de frontière en 2 minutes !

L’autoroute est toujours aussi pratique que monotone. En revanche, la campagne danoise et ses paysages agréables et apaisants égayent la route. De mes passages au Danemark, j’en ai toujours gardé une agréable sensation. Outre sa savoureuse capitale, la campagne et les bords de mer sont splendides. Si vous ne connaissez pas le Danemark, n’hésitez surtout pas.

Le repas de midi sera composé d’un sandwich coquin pas plus grand que la paume de ma main. Le sandwich coquin, c’est un sandwich au haddock assorti de son pain aux céréales et d’une description rédigée dans une langue où tu barres, entre autres, les ‘o’ par coquetterie et fleuris les ‘a’ d’un petit rond. Dans la description, il devrait être indiqué que des trolls s’y cachent. Le tour de magie des trolls c’est qu’après 3 bouchées tu es rassasié. Un pouvoir étonnant, petit, bon et costaud. Le finir sera une prouesse.

Il y a quelques années, j’avais embarqué ici à Hirtshals pour un beau road-trip en Norvège. Je ne reconnais plus les lieux. Ici, pour une zone portuaire, c’est cliniquement propre, ordonné et bien signalé. Cela tranche avec le folklore que j’avais expérimenté l’an dernier dans le sud ! Je dois remplir une attestation sur l’honneur pour la compagnie maritime pour affirmer que je n’ai pas les symptômes du COVID et remplir en ligne une déclaration pour le ministère de la santé Islandais.

Pour ceux qui ont voyagé ou qui se sont exposés aux différences des autres, il existe de grandes inégalités qui rendent notre monde un peu insensé. Sans entrer dans des thèses « complotistes », sans smartphone et connexion internet, beaucoup de services ne sont pas accessibles. Jadis, le savoir, l’accès à l’enseignement créa le clivage entre l’élite et le peuple. Aujourd’hui la fracture numérique crée une scission entre le monde des connectés et les autres. Quand tu es du bon côté du manche, les choses apparaissent comme un progrès. La frustration qui en découle est qu’il est merveilleux de sans cesse en savoir plus, mais cette connaissance est mal partagée et ne nous rend pas plus humaniste ou raisonnable. Je vous invite à regarder le reportage de Lolo Cochet, sur YouTube, qui réalise, en moto pour la fondation transplantation cardiaque, le trajet du Cap Nord au Cap de bonne espérance (Norvège, Afrique-du-Sud).

Les démarches achevées, je regagne la cabine, sirote sur le pont un délicieux cidre des Ïles Féroé. Au départ, des centaines de mouettes suivent le sillage du bateau. Je me suis toujours demandé pourquoi la mouette suit le bateau, mais comme dit Cantona « la mouette, elle, le sait ! ». Alors, sur cette haute réflexion philosophique, je me restaure et regagne mon lit pour un repos mérité.

3) 21-23.06.2020 - Hirtshals (Danemark) - Seydisfjördur (Islande) - 1550Km

21 Juin : la nuit fut calme et reposante. La cabine est très confortable. Ce navire glisse avec aisance sur l’eau à un peu plus de 20 nœuds nautiques de moyenne. Les plateformes pétrolières parsèment le paysage et quelques unités de pêche croisent de-ci de-là.

Le temps, en ce jour de solstice, est merveilleux. Par 60° nord, il fait bon de rédiger mon journal assis sur le pont sous un ciel azur et un beau soleil. Le bateau n’est pas bondé et il est facile de trouver sa place. Les gens lézardent, d’autres lisent, ça tricote, lit et scrute l’horizon d’une mer aux reflets turquoise. Les retardataires révisent leurs guides sur l’Islande et plongent le nez dans leurs cartes. Les enfants font leurs devoirs et d’autres jouent. L’ambiance est estivale mais c’est surtout une grande zénitude et un grand silence qui domine. J’ai l’impression que les gens se préparent à une grande apnée avant d’inonder leurs yeux dans la beauté brute de la nature islandaise.

Cela fait 3 années de suite où le ferry a un rôle capital. Le ferry a la magie du rythme lent. La frénésie du tout, tout de suite, doit s’arracher de l’esprit pour enfin respirer et s’immerger au rythme de la nature. Nous sommes poussés au « speed » et cela m’exaspère de plus en plus. Par exemple, le point d’orgue des jeux olympiques c’est la finale du 100m ; en 9 secondes c’est expédié et c’est ça qui plaît. Mais la finale du 50km marche qui s’en préoccupe ? L’athlète qui brille dans cette épreuve a droit aussi à autant de reconnaissance.

Le temps s’écoule, je savoure ces moments dans une grande félicité. Le méridien de Greenwich est franchi dans l’après-midi. Nous faisons cap direct vers les iles Shetlands que nous atteindrons en fin d’après-midi. Le temps se couvre quand nous doublons la pointe nord des Shetlands. La soirée passe vite, flânerie sur le pont, repas et couchage. Le navire fait cap direct sur les Féroé qui seront atteintes demain matin.

22 Juin : réveil au son du haut-parleur de la cabine qui indique que nous sommes aux Féroé. La nuit fut bonne et paisible. On est loin des voix suaves des hôtesses de l’air, on va dire que c’est du fonctionnel. Les annonces en anglais sont parfois compréhensibles … L’arrêt au Port de Tórshavn permet probablement au navire de résoudre un problème technique de fosse septique. Disons qu’il flotte dans l’air une odeur agricole qui couvre largement la fragrance maritime. Éole aura la délicatesse de dissiper ces effluves. Le départ est prévu vers 12h, pour atteindre demain Seydisfjördur.

12h le navire reprend la route pour son étape finale. La sortie des Féroés est majestueuse. Nous nous engageons dans un détroit fait de hautes falaises. Les crêtes sont découpées comme de la dentelle. Les pentes sont tapissées d’herbes au vert vif et les assauts incessants des éléments ont formé de profondes ravines. La lumière se joue des nuages pour offrir des teintes tamisées et dégradées de couleurs variées. L’esprit d’Amundsen allant conquérir un pôle improbable flotte dans l’atmosphère. L’esprit du nord vient draper l’instant de sa poésie.

Le repas du soir est pris au restaurant gastronomique, le tout arrosé d’un merveilleux vin espagnol, Rioja « Dominio del Aguila - 2014 ». Ce fut un excellent moment. En début de repas le temps avait viré au gris et pluvieux. Un air d’automne semblait s’être perdu dans cette mer isolée et frappait à notre porte pour briser son ennui. Puis notre visiteur automnal s’en est allé, pour laisser place à la chaude lumière du soir qui caresse cette mer indigo. Le vent jouait avec les vagues et faisait jaillir des panaches aériens d’écume. Un beau spectacle anonyme perdu au milieu de la mer où seuls quelques oiseaux peuvent en profiter.

23 Juin : dernière ligne droite. La nuit fut bonne et le speaker annonce que nous arrivons dans 2 heures. Par le hublot, j’aperçois la terre islandaise. Le petit-déjeuner avalé et nous entamons une entrée majestueuse dans le fjord de Seydisfjördur. La météo nous gratifie d’un soleil éclatant. La faune multicolore des passagers se presse sur le pont pour admirer un paysage de toute beauté. Le fjord n’est pas très encaissé et donne une impression d’espace. Les pentes des monts aux alentours viennent s’évanouir dans la mer et n’écrasent pas le paysage. Les bleus et les verts se confondent. Les cascades à foison se jettent dans la mer, l’azur du ciel et la neige immaculée se conjuguent ; c’est un feu d’artifice, une entrée triomphale en Islande digne d’un péplum.

Nous arrivons à quai. Pour entrer en Islande, un test de COVID est obligatoire. Jusqu’au 1er juillet, il est gratuit. Les informations seront communiquées par SMS si elles sont bonnes, sinon c’est un médecin qui prend rendez-vous pour un diagnostic plus approfondi. Nous sommes casernés dans nos cabines et appelés pont par pont pour passer devant la brigade de dépistage. Le test consiste en un frottis de la gorge et du nez. Pour la gorge, ma préleveuse s’y donne à cœur joie. Ce n’est pas agréable, mais supportable. Pour le prélèvement nasal, au vu de mon appendice, l’idée saugrenue a dû lui traverser l’esprit qu’elle pouvait y jardiner avec bonheur. J’ai cru qu’elle profitait pour y ajouter au test une ponction du cerveau et même une biopsie de la prostate tellement sa sonde s’enfonçait profondément dans mon corps. Ce fut un ramonage en règle, fort désagréable. Je lui dis juste que je la haïssais. L’accueil islandais est particulier ! Une fois ces joyeusetés effectuées, un policier me donne un papier tamponné et signé. Précieux sésame qui donne droit à quitter le navire.

Comme sur tout ferry, récupérer sa voiture est un peu un jeu de puzzle. Une voiture sur un des flancs doit partir et celle de devant ou de derrière doit manœuvrer pour partir à son tour. Ici tout se fait dans le calme, j’ai connu des débarquements plus colorés.

4) 23.06.2020 - Seydisfjördur - Eskifjördur - 137km

Le passage en douane est expédié promptement. Une formalité sans encombre. J’engage le col pour quitter Seydisfjördur et regagner la vallée. La pente du col est bien raide. Les cascades parsèment la montagne par dizaines. Sur le plateau, en haut du col, un lac dégèle ; la neige, l’eau et la glace se mêlent et offrent un spectacle grandiose. Je profite de cette demi-journée de mise en route pour faire un rapide petit tour. Près d’une centrale hydroélectrique, le lit de la rivière a été détourné et crée un rapide à la violence inouïe. L’eau rebondit sur les rochers en faisant d’énormes vagues. Je n’ai jamais vu une eau aussi impétueuse. Les routes que j’emprunte sont des pistes de terre et de graviers damés comme on en trouve dans les pays nordiques. La voiture se comporte admirablement bien sur ces terrains. Les nouvelles suspensions œuvrent à merveille et offrent un confort royal. Je suis heureux.

La nature environnante est de toute beauté. Il est difficile de trouver une ressemblance, peut-être un petit air d’Alaska ou de Sibérie. C’est un environnement unique, je n’ai pas de référence pour comparer. Je me laisse chavirer dans ce merveilleux dépaysement.

J’arrive à l’hôtel à Eskifjördur en fin d’après-midi où je passerai la nuit. L’hôtel semble simple d’apparence, mais la chambre est superbe. Une partie de l’hôtel est construit sur une ancienne banque. La salle des coffres a été transformée en cave à vin. Vu l’épaisseur des murs et le blindage, les bouteilles sont en sécurité ! Pendant 94 ans c’était la seule banque de la région avec une chambre forte. Déroutant et impressionnant.

Le repas sur soir est pris au bord du fjord au restaurant Randulffshouse. Le repas est très bon, c’est une bonne adresse. La décoration est constituée d’antiquités sur le monde de la pêche des années 20-30. L’étage est un petit musée qui retrace la vie des marins dans la région. Ce témoignage montre la rudesse du travail, l’hostilité de l’environnement et la rusticité de la vie. Retour à l’hôtel pour une bonne nuit de sommeil.

5) 24.06.2020 - Eskifjördur - Höfn - 214Km

La bonne nouvelle du matin est que j’ai reçu mon SMS qui indique que je suis « COVID-free ». Je n’en doutais pas mais une bonne nouvelle fait toujours plaisir. Le temps s’est dégradé dans la nuit. L’ambiance est venteuse et fort humide. Les sommets environnants sont enrobés d’une ouate nuageuse. Je prends la route pour le sud pour atteindre Höfn. A Höfn, de fin juin à début juillet, c’est le festival de la langoustine. Dénommé ici « hümar ». C’est un mobile suffisant pour rendre délicieux les 250 kilomètres qui me séparent de Höfn.

Les paysages de la route côtière sont fort diversifiés. La route signe les virages de la montagne de douces arabesques. Moutons et volatiles de tout genre bordent la route. Mon niveau d’ornithologie est nul. Le seul distinguo que j’arrive à faire entre les volatiles est ceux qui se mangent et les autres. Aujourd’hui, je n’ai vu que les autres sauf un banc de canards et des oies barbotant sur le rivage.

Ici le trafic n’est pas traumatisant : parfois, je croise une voiture. Aujourd’hui, j’ai doublé deux caravanes ! La route est ponctuée d’arrêts photos. Au hasard sur la route, un panneau indique un café. L’endroit ressemble plus à un baraquement adossé à une ferme qu’à un café. Une fois la porte poussée, l’endroit est très « chill ». La décoration « cosy ». Le café est haut de plafond, les murs sont bardés de bois, c’est chaleureux. La partie arrière est surélevée et sert aussi de scène. C’est un grand contraste entre l’impression extérieure et l’ambiance intérieure. Le café et le gâteau au chocolat fait maison sont très bons.

L’arrivée sur Höfn tranche avec les paysages précédents. D‘abord, la rivière Jökulsà forme un grand delta qui se déverse dans la mer. Visuellement, cela forme une vaste plaine. Une fois passée la pointe de ce delta, mon regard se porte sur une longue langue de terre qui s’échoue jusqu’au grau situé à une encablure de la ville Höfn qui mouille le long de cette lagune.

Le repas du soir sera pris au Pakkùs Veitingar : soupe de langoustines, suivie de langoustines grillées et d’un brownie au chocolat. Le tout arrosé d’un Chablis. Rien à dire, tout est de bonne facture. Une bonne récompense pour cette journée. Le jour s’achève sous un pâle soleil. Retour au camping pour déplier la tente de toit et continuer demain vers de nouvelles aventures.

6) 25.06.2020 - Höfn - Egilsstadir (Svartiskogur) - 247km

La nuit fut confortable. Cette tente de toit me plaît de plus en plus. Je trouve ce type camping agréable. Place aux ablutions matinales, j’injecte mon jeton de douche dans la machine et rien ! Une bonne claque sur le monnayeur et c’est parti pour 3 minutes chrono ! Ma couenne briquée, mon visage débarbouillé, je regarde mon café couler doucement. Je m’ébroue doucement et profite de l’instant du matin.

Le temps a viré au beau. La route prise hier sera remontée dans l’autre sens pour moitié. Sous ce soleil, tout semble différent. A une jonction, je bifurque sur ma première « F road ». Les « F roads » sont des pistes réservées aux 4x4. Cette F-Road, 980, est un cul-de-sac et s’enfonce jusqu’à la fin de la vallée où coule la Jökulsà. Pour l’emprunter, il faut, par deux fois, ouvrir puis soigneusement refermer la barrière qui sépare les pâtures. La pente est parfois raide. Je dois utiliser les vitesses courtes pour gravir les côtes et pour que la conduite soit sûre et confortable. Je traverse mes premiers gués. Le paysage change par rapport à la route côtière. La vallée que j’engage est énorme, le paysage grandiose. Le lit de la rivière fait plusieurs kilomètres de large. C’est étourdissant de beauté. Grandeur et pureté dominent. Le silence règne en maître. Les moutons gardent soigneusement la route et détalent prestement à mon arrivée. Je note que les brebis ont toujours des portées de deux agneaux.

Plus la journée passe, plus les paysages défilent et les qualificatifs viennent à me manquer. Je pense que le plus grand accident répertorié en Islande est la fracture de la rétine, tellement les paysages sont beaux. Personnellement, je m’en greffe chaque soir deux nouvelles pour m’émerveiller de cette nature puissante, majestueuse et envoûtante. Au hasard des titres joués depuis mon iPhone, la musique s’accorde à merveille au paysage. Hier, le Tannhäuser se mariait à merveille avec la météo et le paysage brumeux. Aujourd’hui, Haendel ajoutait une touche de noblesse à la majesté des lieux.

La flore est aussi de la partie. Arsène, ce coquin, a parsemé la route de beaux lupins en fleur. Ces touches violettes contrastent avec les verts et ajoutent de la superbe à l’environnement.

Si les repas de midi sont sommaires, les repas du soir frisent la bonne gastronomie. Ce soir encore, la table est très bonne. La nuit sera passée à la « guest house Svartiskògur » située à 32km au nord d’Egilsstadir. L’endroit est retiré de tout. La vue sur les montagnes encore enneigées au loin est de toute beauté. Je baigne dans la sérénité des lieux ; le sommeil sera à l’image de la journée : délicieux.

7) 26.06.2020 - Egilsstadir (Svartiskogur) - Porhöfn - 283km

En guise de chambre, l’hôtel m’a alloué un bungalow. Il y a une petite chambre, une kitchenette, une salle de bain et un coin couchage. J’ai dormi comme un bienheureux dans un lit bien moelleux. L’endroit est si reculé que rien ne peut te déranger. La vue sur la chaîne de montagnes au loin est superbe. Hier soir, le soleil y signait un léger trait rose du plus bel effet.

La propriétaire est très heureuse, pour le petit déjeuner, de mettre un CD de musique traditionnelle islandaise jouée à l’accordéon. Ne pas bien entendre a parfois ses avantages. Le pâté d’agneau ne se refuse pas même au petit déjeuner. La confiture de myrtilles faite maison assortie de ses gaufres est un vrai délice.

Sur les 283 kilomètres effectués dans la journée, 250 seront effectués sur des pistes. La journée débute par le franchissement du col de Hàlsakot sur la 917. La pente varie entre 12% et 14%. Autant ne pas essayer de se jeter dedans en caravane par exemple. L’ambiance montagneuse est très imprégnée des restes de l’hiver ; les névés sont encore nombreux et c’est très beau. À 700m d’altitude, l’air est tonifiant. Les prises photos sont rondement menées.

Vers midi, je fais arrêt au café Kaupvangskaffi à Vopnafjördur. Pause gâteau et café. La serveuse est à la hauteur des paysages islandais. Un délicieux plaisir pour les yeux, surtout pour un hétéro, caucasien et omnivore comme moi. J’ai l’impression maintenant d’être un vieux mâle qui appartient à une espèce en voie de disparition. Une peu plus loin que le café, l’usine de conditionnement de poissons distille une odeur qui ramone les naseaux.

La carte indiquait la présence de bains chauds. En fait, il s’agissait d’une piscine, perdue au milieu de nulle part. Je ne suis pas inspiré et rebrousse mon chemin. Sur la route me vient l’idée de photographier un bélier. En principe, les ovins du coin détalent quand on approche. Celui-là me fixe. Comme je me mets à son niveau pour faire un portait, je note dans le viseur de l’appareil photo un duel visuel digne d’un western. Qui va dégainer le premier ? Je me pose la question : il charge et j’esquive ou je provoque et il détale ? Je prends ma photo et nous optons pour le statu quo. Je poursuis ma route vers Porhöfn.

Les 4x4 islandais sont généralement montés avec de gros pneus. Quand je dis de gros pneus, ce sont des gros pneus. Je discute avec un jeune qui a l’ancienne génération de mon 4x4. Il a mis dessus des pneus de 35’’ sur des jantes de 15’’, la roue fait presque 1 mètre de haut. Comme l’empattement est court, cela fait petit « big foot ». Inutile d’essayer de passer au contrôle technique affublé de ces accessoires, mais l’effet est garanti.

Porhöfn est situé à l’entrée d’une pointe de terre. Je décide d’aller tout au bout de cette pointe qui fait une quarantaine de kilomètres de long. Un troupeau de chevaux barre la route et s’écarte doucement. Un cheval, plus téméraire que les autres, vient à la fenêtre pour mendier une friandise. Comme je n’ai rien, je le repousse délicatement et referme la fenêtre. Ce bougre se met devant la voiture et mâchouille mon capot. L’idiot va laisser deux petites griffes avec ces incisives. Je n’imagine pas expliquer à mon assureur, bien adoré, la situation pour remplir un constat et réparer les stigmates. Grand coup de marche arrière avant qu’il essaye d’essuyer ses sabots sur ma carrosserie et marche avant pour passer avec autorité. La satisfaction, c’est que le soir au restaurant il y aura du steak de cheval à la carte. Tôt ou tard, on n’échappe pas à son Karma.

La terre s’étire vers l’horizon et cette piste n’en finit pas. En principe, le long des grèves ou des plages, on trouve quelques bois flottés. Ici, ce sont des centaines et des centaines de morceaux de tailles diverses enchevêtrés. Les tempêtes, ici, doivent être puissantes, car des grumes sont charriées au-delà la grève, dans les champs en contrebas, sur des centaines de mètres. Parfois, le dénivelé est de plus de 10 mètres et donne une idée de la hauteur des vagues.

Après le bout du bout de la piste, où, comme dans le sketch de Raymond Devos, tu commences sérieusement à te poser la question si quelqu’un n’a pas coupé le bout de la piste, j’arrive aux ruines du village de pêcheurs de Skalar. Ici, dans les années 30, vivaient 119 personnes et le village avait son café où musique et représentations de théâtre étaient jouées. Maintenant, ce ne sont plus que quelques murs abandonnés au temps et aux vents. La chanson de Nino Ferrer, « Le Sud », qui passe à la radio semble complètement décalée. À 11 minutes près, j’étais à la hauteur du cercle polaire.

En islandais, les macareux sont appelés des « lundi ». J’ai donc un grave problème de distorsion temporelle. Comment est-il possible de faire un vendredi des photos d’un lundi ? En dehors de ce problème temporel, c’est la première fois que j’en vois dans leur environnement naturel. Je rampe dans l’herbe, au bord de la falaise (55m), pour ne pas les effrayer et m’en approcher le plus près possible. Avec un peu de patience et mon nouveau 110mm, j’arrive à faire une belle prise. Je suis quelque part touché, ému de cet instant.

Le retour se fera par la même piste. Sans chômer, il me faudra plus d'une heure pour en venir à bout. Je vais directement au seul restaurant du village. Chaque soir, le repas est une belle surprise gustative. Aujourd’hui, l’entrée est composée d’un assortiment de spécialités du coin. Deux planchettes sont apportées à table. Une première avec du cabillaud séché et un magret d’agneau posé sur une galette fumée. La deuxième ressemble à un morceau de thon rouge sur du wakamé. Je demande confirmation au serveur. Il me dit que c’est un sashimi de baleine. C’était aussi politiquement incorrect que délicieux. L’agneau qui suit est délicieux. Le tout arrosé d’un blanc croate aussi bon qu’inattendu. Une belle fin de soirée.

Déballage de la tente au camping pour une belle nuit.

8) 27.06.2020 - Porhöfn - Raufarhöfn - 174km

Démarrage dans la brume qui ne se lèvera guère de la journée. La moisson de photos sera modeste. L’objectif de la journée est d’aller à la pointe la plus septentrionale de l’île. Au vu des conditions matinales, je me dis que mon café sera pris au restaurant d’hier soir. Mauvaise idée, il n’ouvrait qu’à 12h. Je fais deux tentatives pour trouver un café dans des endroits improbables qui m’ont conduit dans des impasses. La troisième tentative fut la bonne - quoique ! Je suis les panneaux « café – guesthouse » et tombe sur trois personnes, un président et deux assesseurs : c’est le bureau de vote. Aujourd’hui, c’est élection présidentielle en Islande. Vu l’endroit, je pense que le bureau de vote doit collecter au moins 10 bulletins avec 100% de participations, sauf si les moutons votent – on ne sait jamais ! Le café est situé dans la maison d’à côté qui fait aussi office de musée du mouton islandais. Je rédige mon journal de la veille en attendant que le temps se dégage. J’achète des babioles sur le thème du mouton et sirote mon café. En route pour le nord. J’espère toucher le cercle polaire qui se situe cette année à 66°33’. La position maximale de la journée fut 66°31.4971, c’est presque le cercle mais je ne l’atteindrai pas. L’éphéméride du GPS m’indique qu’aujourd’hui à cette latitude j’aurai 1h17 de nuit !

Arrêt dans une épicerie où je dégotte un bloc de saumon que je débiterai en tranches pour m’en faire des sandwichs. Je quitte la route pour trouver une grève qui m’accueillera pour le piquenique de midi. Assis sur un tronc, je regarde la mer et son ciel bas. C’est un moment contemplatif. Petite trempette des pieds dans l’eau : elle est froide !

Je pousse jusqu’à la pointe nord de l’île qui accueille une réserve d’oiseaux. Les oiseaux par centaines nichent au sol. Les petits sont encore au sol. Ravitaillés par les parents, ils se gavent de petits poissons. Les petits sont tout mignons dans leur duvet et se blottissent sous les ailes de la mère pour se mettre à l’abri. D’autres jeunes ont le vol peu assuré et s’entraînent en piaillant. Les parents veillent au grain, car si tu t’approches un peu trop près du bord de la route, ils n’hésitent pas à te charger. C’est surtout de l’intimidation, mais c’est un simple rappel à l’ordre.

Le campement est monté au camping de Raufarhöfn. C’est le camping situé le plus au nord de l’Islande. Ce soir c’est couscous lyophilisé et Gigondas. Au moins une des deux choses sera bonne. J’ai la bonne idée de monter l’auvent qui m’offre un espace assez confortable malgré l’environnement brumeux et humide.

9) 28.06.2020 - Raufarhöfn - Reykjahlid (lac Myvatn) - 185km

Au matin, le ciel est bas et le soleil ne perce pas. Le vent se lève et amène un épais brouillard sur la lande depuis la mer. Les choses se gâtent de plus en plus. Voilà l’Islande drapée de timidité qui ne souhaite pas dévoiler ses charmes. La journée risque d’être écourtée.

Une lueur d’espoir renaît, vers la côte aux abords de Köpsaker, sur la route 85, que je redescends pour regagner Myvatn. Une petite cascade qui se jette dans la mer a son petit effet. Je plonge vers le sud.

Arrêt à la triplette de cascades, Selfoss, Dettifoss et Hafragilsfoss qui descendent un canyon. Les deux premières se visitent à pied et l’accueil se fait par un grand parking. Il y a au moins 15 voitures. Ça fait une semaine que je n’en ai pas vu autant d’un coup. Je trouve qu’il y a du monde. En pleine saison, ça doit être une cohue sans nom qui doit faire perde de sa magie au site. Dettifoss est la plus spectaculaire des trois cascades. Elle est large et le débit est impressionnant. Une grosse machine à laver qui fait un boucan d’enfer. Sur la plateforme d’observation, la brumisation est gratuite. Le temps vire au franchement beau et c’est trois fois la température du matin ! Je m’effeuille pour finir en tee-shirt ; 21° au plus chaud de la journée, c’était inespéré. La plus intéressante est Hafragilsfoss. Pour l’atteindre, il faut emprunter 3 kilomètres de piste. Cerise sur le gâteau, il n’y a personne. Hafragilsfoss offre une vue spectaculaire sur le canyon et la structure géologique des lieux.

Je coupe par la F862. Sous ce grand soleil, c’est le clou du spectacle de la journée. La piste traverse un vaste plateau entouré de montagnes. C’est vert, puissant et stupéfiant de beauté. La voiture laisse échapper un long panache de poussière derrière elle sur cette piste terreuse. Comme dans un western, j’ai l’impression de foncer à bride abattue avec ma diligence à travers le Far West. Je suis transporté dans une autre dimension. Je suis pilote de diligence. Chapeau vissé sur la tête, houppelande flottant au vent, une bride dans une main, la winchester dans l’autre, j’harangue mes chevaux avec des « hiiipiiie » et des « ya» ; mon fouet claque l’air, je suis Lucky Luke et le poney express réunis à moi tout seul. Rien ne m’arrête. Cette nature est à moi, je suis steppe, je suis rocher, terre, air et feu, l’éther c’est moi ! Je crois que je vais faire une petite pause pour laisser tomber la tension.

La sublime chevauchée est terminée. Un site géothermal se trouve à côté de la route. Des cheminées crachent des volutes de fumée à l’odeur sulfurée, des marmites de boue bouillonnent, le magma sous mes pieds se manifeste avec fracas comme des pets de Belzébuth.

Arrivée à l’hôtel pour les deux prochains jours et explorer les activités autour du lac de Myvatn. La chambre est spacieuse avec vue sur le lac.

9) 29.06.2020 - Tour du lac de Myvatn - 52km

Matinée de repos dédiée au traitement des photos et au calibrage du planning pour la semaine à venir. L’après-midi sera consacré au tour du lac de Myvatn.

Les rives du lac se perdent parfois dans des méandres volcaniques torturés. Au loin, la plaine est soulevée par le socle volcanique. Le plancher de la lande est défoncé par les roches qui se dressent à travers la terre telles des dents acérées. Le spectacle s’apparente à un univers cosmogonique. Arrêt café au musée ornithologique « Fluglasafn Sigurgeirs ». C’est un univers qui me dépasse. J’associe l’ornithologie à la philatélie, un monde réservé à des passionnés avec une nomenclature et des codes bien à eux. C’était intéressant, mais toujours assez hermétique pour moi.

Retour à l’hôtel avant de se rendre au restaurant Vogafjos situé à 5km de l’hôtel. Comme souvent, les abords du restaurant ne connotent pas l’ambiance intérieure. Les produits de la ferme y sont mis à l’honneur. Le repas est tout simplement un délice.

Le résumé de la journée étant bref, je profite de l’occasion pour revenir sur trois aspects qui demeurent constants depuis le début du voyage. Premièrement, certaines routes ou certains sites nécessitent une prudence de raison et du bon sens. Il n’y a pas d’endroit barricadés. La responsabilité individuelle est mise en avant. Dans un monde de plus en plus légiféré, le retour du poids du bon sens fait plaisir. Deuxièmement, rouler sur des pistes génère une grande quantité de poussière. La plus fine, qui est comme de la farine ou du fech-fech, a le don de s’introduire dans les moindres interstices et recoins. Le nettoyage de la voiture au retour sera long. Troisièmement, je pense lancer une pétition, pour décerner le prix Nobel de l’utilité à l’inventeur des « Crocs ». Pendant des années, j’ai trouvé ringard de porter des Crocs. C’était une grave erreur. Car le Croc est chaud, pratique et s’accommode de tous les temps. Il reste encore une limite que je n’ai pas franchie, c’est le port des chaussettes avec des Crocs. Comme dit l’adage, ne jamais dire « fontaine je ne boirai pas de ton eau ».

Les routes de montagne, les « F-road », semblent rouvrir les unes après les autres. Demain sera donc une grosse journée à traîner dans la montagne sur des pistes exigeantes.

10) 30.06.2020 - Myvatn - Askja - Myvatn (F88, 910, 902, 903, 905) - 357km

L’escapade du jour vise à faire une boucle par des « F-road » vers Askja. Le temps est magnifique et l’air cristallin. La visibilité va au-delà de 100 kilomètres. Cette virée est une double jubilation. La première, le plaisir de conduire sur ces pistes aux profils et revêtements variés. La seconde, un régal pour les yeux.

Tout au long de la journée, les paysages se déclinent de lunaire à désertique et de volcanique austère à montagneux enneigé. Il est difficile d’étalonner ces paysages tellement ils sont hors normes et sans repère. Parfois, cela pourrait être la route vers Danang ou le sud de l’Atlas marocain. Parfois, il y a des airs de déserts. C’est un sentiment visuel déroutant. Ce qui prime avant tout, c’est l’espace. Il faut s’imaginer que la vallée est issue d’une vague de lave qui s’est écoulée jusqu’à l’océan, soit une superficie d’environ 50 kilomètres de large sur 150 kilomètres de long. Le jour où le volcan s’est déchaîné, les forces déployées furent inimaginables. La force de la nature est omniprésente. Dans la montagne, les refuges, des chalets de deux étages, sont arrimés depuis les toits par quatre haubans d’acier au sol. Des échelles permettent d’accéder au refuge directement par le premier étage si le rez-de-chaussée est entravé par la neige. Tout est surdimensionné, surpuissant. Le sentiment de solitude et de petitesse face à cette nature prime.

Toute la journée, ce fut un feu d’artifice, tout a été somptueux. Mais la F902, c’est l’estocade, la baston finale, une étreinte, l’uppercut, le KO assuré. Si auparavant tout est fait pour étourdir de beauté le touriste de base, avec la F902 c’est Trifouillis-Les-Oies qui joue en ligue des champions, c’est un tour sur la piste aux étoiles, une intrusion dans le domaine des cadors, un flirt dans l’hoirie des Dieux. C’est comme rentrer sur le ring pour se frotter à Tyson et McGregor en même temps. La nature te force ici à revêtir des habits d’homme humble ; elle te rappelle juste ta condition d’humain éphémère, que tu n’es qu’une poussière dans le cosmos et une misère dans le champ des étoiles. Tu ne maîtrises rien, c’est la nature qui t’invite ici.

Il y a deux jours, au hasard d’une discussion avec un Islandais, je lui disais que si la météo n’était pas extraordinaire, on ne pouvait rien y faire, il fallait la subir. Il m’a répondu « Le temps (météo) c’est Dieu ». Aujourd’hui, les Dieux étaient cléments, l’azur était uni, l’astre céleste au zénith, ils m’offraient un tapis d’affection pour m’autoriser à flâner sur ce bout de terre. J’étais un invité, en paix, de passage dans cet empyrée.

Le retour à l’hôtel est semblable à un éveil après un beau rêve. Tout ce qui a été vu semblait confus. Une sorte d’ivresse du beau. Les photos ne restituent pas la grâce perçue. Cette beauté n’est certainement visible que par le cœur dans l’instant vécu.

11) 01.07.2020 - Myvatn – Akureyri - 205km

Chaque jour offre son lot de dépaysements. Hier la force était blottie dans son écrin de beauté. La conduite était plaisante avec ses passages de gués, plus ou moins profonds. L’étape était longue et technique. J’ai dû jouer du jerrycan pour faire l’appoint d’essence car il n'y avait pas une station à 170km à la ronde.

Aujourd’hui, la journée débute avec le site géothermique de Krafla. Deux choses y sont pittoresques : la caldera noyée par un lac à l’eau turquoise et l’usine qui apprivoise les borborygmes de Belzebuth pour les transformer en fée électricité. Ma route se poursuit par les pistes pour atteindre Akureyri.

Passage par la cascade de Godafoss. Elle est surprenante car c’est un triptyque. La première partie est une chute un peu plus basse que les deux autres. La partie centrale éjecte l’eau entre deux colonnes de roche. Le dernier volet est une cassure qui va jusqu’à la berge. Pour atteindre Akureyri, il y a deux solutions : le tunnel ou l’ancienne route. C’est 15 kilomètres de différence. Ce tunnel, à péage, de 7,5km se glisse sous la montagne. J’attends le péage pour m’acquitter de la redevance et il n’y a rien, ni au début, ni à l’arrivée. En arrivant à la station, je vois, par accident, un panneau indiquant que pour emprunter le tunnel, il faut soit avoir une vignette, soit un badge ou s’acquitter de son dû endéans 3 heures après le franchissement. Je fais le règlement en ligne. Je suis convaincu que si tu ne t’affranchis pas de la taxe, la douane ou la police, à l’embarquement, saura se rappeler à toi.

Akureyri est mon premier contact avec une grande ville depuis mon départ. Ici tout semble comme avant : pas de masque, tout est ouvert, même si les distributeurs de gel hydro-alcoolique ont fleuri partout. Le trafic me surprend mais rien d’effrayant.

Aujourd’hui, toutes les vallées que j’emprunte sont vertes et vouées à l’agriculture. C’est la saison de l’andainage et du bottelage. Les fermiers s’activent à faire leur fourrage sous ce beau soleil.

En fin de soirée, je vais m’échouer au bout de la F829 qui est fermée. Je camperai là, au fond de cette vallée, bercé par un ruisseau et baigné par la chaude lumière apaisante du soir. Un copieux plat de pâtes me rassasie et je bâtis un cairn à la mémoire de Valentine. Demain, petite journée pour rejoindre Dalvik.

12) 02.07.2020 - Akureyri – Dalvik - 122km

Au réveil, du haut de ma tente de toit, la vue sur la vallée baignée par le soleil du matin est un délice pour débuter la journée. Le ciel me gratifie aussi de son plus bel azur, ce qui ajoute une touche de bonheur. La redescente vers Akureyri est ponctuée par de nombreux arrêts photos. Je trouve le paysage aux accents autrichiens. Les chevaux me semblent plus nombreux que les moutons, ce qui est atypique jusqu’à présent. Arrêt déjeuner à Akureyri, au restaurant Strikid. Le restaurant est sur le toit d’un immeuble. La terrasse surplombe la ville. Le repas sera pris à l’extérieur. Tout est très bon.

La route qui va vers Dalvik longe le fjord. Les montagnes encore un peu enneigées accompagnent la route. Au gré du vent, la mer fait danser de ravissants camaïeux absinthe, indigo ou aigue-marine.

Détour par Hjalteyri, qui, jusque dans les années 50, était la plus importante conserverie de harengs en Europe. La structure en béton de l’édifice est encore assez imposante. Il y a sur place une espèce de musée d’art expérimental avant-gardiste et une école de plongée. Un couple vit encore là au milieu de bric et de broc. La plus ancienne bâtisse est datée de 1882. C’est aujourd’hui un petit port de pêche entouré des quelques anciennes maisons d’antan. La vue sur le fjord est imprenable.

Arrivée au camping de Dalvik, ce qui me change de la quiétude d’hier soir ; surtout depuis qu’un minibus de teutons a investi l’espace et décidé de s’installer à 10 mètres de moi, alors qu’il y a un espace libre grand comme un terrain de foot derrière moi ! Je vais faire ma popote et aller me coucher rapidement car demain, je prends le bateau pour l’île de Grimsey.

13) 03.07.2020 - Dalvik – Grimsey – Cercle polaire – Siglufjordur - 35Km + Ferry

Réveil un peu plus matinal, afin de prendre mon billet pour me rendre sur l’île de Grimsey. L’île est le seul point, en Islande, dont une partie se trouve au-delà du cercle polaire arctique.

Le bureau de vente de la compagnie Samskip qui assure la traversée ouvre à 8h, et le départ est prévu à 9h pour une traversée de 3 heures. La procédure de réservation en ligne que j’avais trouvée, mélangeait l’islandais et l’anglais et me remplissait de confusion. Je préfère aller au bureau de vente à 8h plutôt que de me lancer dans une galère linguistico-numérique. 7h50 : le préposé ouvre les locaux. C’est assez rare, pour le noter, les bureaux qui ouvrent en avance. L’employé me montre l’ordinateur qui trône sur le comptoir. Il m’informe que la procédure s’effectue exclusivement en ligne. Évidemment, je bute sur les mêmes difficultés que précédemment. Le préposé me montre comment arriver à la page des réservations en islandais pour changer en anglais par la suite. Déjà, là, c’est un exploit de trouver la bonne page. Les bonnes choses se méritent, je persévère. Je réserve un aller-retour et avance dans la procédure sous l’œil bienveillant de mon moniteur. Il se manifeste et m’informe que le ticket aller-retour ne débute pas à Dalvik ! Il est assez surpris, car l’étape précédente semblait correcte. Il met ses gros doigts sur le clavier, passe en islandais et rétablit la situation. Au moment d’effectuer le règlement, il m’arrête à nouveau et m’indique que le billet retour ne figure pas dans le paiement. Bis repetita, je recommence tout à zéro en islandais sous la houlette de mon mentor. Quinze minutes plus tard, les billets sont pris, que je recevrai par email, si mon iPhone retrouve de la batterie.

Face au bureau de la compagnie, un énorme navire décharge sa cargaison de pêche. C’est un balai bien organisé de Clarks entre le navire, la pesée, le contrôle et l’entreposage. Cette unité fait plus de 50 mètres de long et est haute comme un immeuble de 4 étages. Sa proue est originale. Normalement, la proue forme une ligne vers la ligne flottaison en direction de la poupe du navire. Celle-ci est inversée, elle se projette vers l’avant comme un bec de macareux. Cette unité est clairement bâtie pour transpercer les vagues et faire face à des conditions de mer extrêmes.

La polyvalence semble être une seconde nature ; 45 minutes plus tard, mon mentor ès tickets est au volant d’un « Clark » pour charger les caisses de poissons vides pour les pêcheurs de Grimsey.

La fenêtre météo est exceptionnelle et semble stable pour toute la journée. Je pense qu’il n’y a pas plus de 10 jours comme ça dans l’année. Cela fait penser aux reportages qui vous font voyager dans des endroits exceptionnels et qui bénéficient de conditions exceptionnelles. D’autant plus que, quand vous y allez, les conditions idylliques ne sont pas pour vous ! Aujourd’hui, je suis verni !

La température est de 9°, et de 5° ressentie, avec ce petit vent du nord à 30km/h. Mais sous ce beau soleil, les conditions semblent estivales. Néanmoins, chaussures et pantalon de randonnée sont de mise et la polaire chaude de rigueur.

Pour atteindre le cercle polaire, il faut marcher 8km (aller-retour). Avant d’entamer la randonnée, un morceau de cabillaud est avalé au seul restaurant de l’île. C’est simple et bon. Les sessions photo étirent le temps. La vue panoramique sur la côte nord de l’Islande sur 190km de large, est spectaculaire. Les cimes des monts enneigés signent l’horizon d’un trait gracieux. Le panorama est unique et édénique.

Les macareux accrochés à la falaise occupent majoritairement les lieux. D’autres oiseaux ont pris possession de l’île. Un merveilleux spot pour tout amateur d’ornithologie. Je m’essaye modestement à la photo animalière avec les moyens du bord.

Au bout du sentier se dresse une énorme boule, perdue dans une pâture au ras de la falaise. Elle donne l’impression d’avoir dévalé la pente et de s’être arrêtée là au hasard. Il n’en est rien. Elle marque le cercle polaire en 2015. D’autres panneaux indiquent le niveau du cercle à différentes années. Comme le cercle polaire arctique se déplace chaque année d’environ 12 mètres, dans 20-30 ans, l’Islande ne fera plus partie du club des 7 pays qui auront un territoire au nord du cercle polaire. Une recherche sur internet m’indique qu’aujourd’hui le cercle est situé à la latitude de 66°33’48.421. Latitude que je trouve grâce à mon GPS à 3m près. J’apprends, par la même occasion, que la précision de la circonférence du cercle polaire est de 15 nanomètres ! J’en suis resté coi !

Achat de souvenirs à la boutique de l’île et embarquement. Restauration rapide à Dalvik. Il faut encore faire 38km de route pour rejoindre Siglufjordur, dont 15km de tunnel. Sur ces 15km, un tunnel a la particularité de n’avoir qu’une seule bande de circulation et pas de feux de régulation, mais des échappatoires latérales où le conducteur doit se garer en fonction du trafic à contresens. Après une journée bien remplie, cet exercice aurait pu m’être épargné. Le standing de l’hôtel Siglo tranche avec mes nuits en camping. C’est un hôtel aligné aux standards chics du vieux continent. Je ne résiste pas au plaisir de sauter dans les bains chauds à l’extérieur pour me relaxer avant de plonger dans un sommeil réparateur. La chambre est spacieuse. Le plancher en bois est superbe et donne du caractère. La vue sur la montagne et un bras du port sont une invitation à la rêverie

14) 04.07.2020 - Siglufjordur

Journée de relaxation à Siglufjordur. La petite ville est un très bon spot photographique. Je flâne dans les rues autour du port pour « claquer » quelques photos. Le repas de midi sera fait autour d’un plat islandais internationalement reconnu : la « Pizza ». Chose étonnante, elle est très bonne. Dégustée au bord du port, sous ce beau soleil, accompagnée de la bière de la brasserie locale, la « 67 » - c’est un agréable moment.

L’après-midi est plus culturel. Je visite le musée de la photographie et le musée de la pêche au hareng à Siglufjordur.

Je débute mon éveil culturel par le musée de la photographie. Dans une maison cossue dans la zone industrielle, une pièce fait office de musée. Les armoires adossées aux murs contiennent pléthore d’appareils photo, dont des raretés qui me font saliver. Trône au centre de la pièce une énorme chambre photographique, d’origine suédoise, à deux objectifs (un pour la mise au point et l’autre la prise de vue). C’était le reflex avant l’heure. Le système de parallélogrammes pour synchroniser les deux lentilles est fort astucieux. Différentes photos sur l’activité de la ville autour du hareng, complètent le musée. Je note un procédé particulier, qui est mis en avant : la photo noir et blanc colorisée (repeinte) à la main pour en faire une photo en couleur. Certaines sont un peu « brutales » dans leur exécution, mais pour d’autres l’effet est bluffant, notamment les verts dans les herbes.

L’histoire de l’activité du hareng à Siglufjordur est présentée dans 5 maisons en enfilade sur le front du fjord. Des locaux montrent comment le hareng est découpé et mis en caques. Ils poussent aussi la chansonnette au son de l’accordéon. Quand on assemble les différentes étapes du processus - des pêcheurs, aux tonneliers, aux mécaniciens pour entretenir les machines, aux manutentionnaires et au transport - tout cela représente un microcosme sidérant. Les murs des ateliers sont ponctués de photographies d’époque. On distingue clairement les montagnes de caques de harengs sur plus de 15 niveaux (7m). J’imagine l’activité dans ces 43 maisons qui traitaient du hareng. Anecdote étonnante, l’Islande et la Norvège se sont entendues dès 1909 pour réguler la ressource du hareng et c’est en 1938 que le système a été standardisé. L’Union n’a pas vraiment innové, mais surtout hérité de bonnes pratiques.

À la réflexion, les photos et les éléments présentés idéalisent l’activité. Je ne peux m’empêcher d’imaginer la rudesse du travail. Le travail dans le froid et la nuit polaire. Les femmes, les mains plongées pendant des heures dans le sel et l’eau, à découper et empiler les harengs. Les pêcheurs, dans des habits de misère, brutalisés par la mer hostile. Les manutentionnaires s’éreintant le corps à charrier des caques. Siglufjordur était dénommée « le Klondike du Nord », je pense surtout qu’il y a l’étoffe d’un Germinal dans cette histoire.

Si vous pensez passer un samedi soir à Siglufjordur, n’oubliez pas de réserver! Toutes les bonnes tables sont prises d’assaut. Comme le plat national était bon à midi, j’y retourne. Demain, je m’enfoncerai dans le ventre de l’île, à l’aventure, pour trois jours d’immersion dans la pampa !

15) 05.07.2020 – Siglufjordur – Hveravellir - 228km

Je quitte Siglufjordur qui me laisse un très bon souvenir. Je décide d’emprunter le col plutôt que la route côtière pour rejoindre l’autre versant de la montagne. Tout commence par une gentille route et une piste de bonne famille. Cette route monte, normalement, au pied de la station de ski de Siglufjordur. Puis tout devient sérieusement défoncé ou déglingué. Continuer pour continuer, j’emprunte la route qui s’apparente à une piste bleue, puis bifurque sur la piste rouge. Je monte et monte. Je monte encore et me trouve bloqué par une congère. Demi-tour forcé. Finalement, j’emprunte la route côtière qui ondule entre montagne et mer. Évidemment, côté mer, le col est indiqué en bon anglais « impassable » ! Un grand lumineux avait probablement oublié de mettre le panneau de l’autre côté.

J’ai une admiration pour les cyclotouristes qui empruntent cette route côtière. Sur cette piste de terre balayée par un vent frais et violent, ils guerroient contre ce vent face. Avant-hier, sur une F-road, je voyais les traces zigzagantes des pneus de vélos. Témoins d’une bataille incessante, pour préserver leur équilibre, sur cette piste de terre et de sable meubles. Pour moi, les vrais héros du tourisme sont là.

Petit détour par Varmahlid avant de pénétrer dans le cœur de l’Islande. J’y effectue le plein d’essence et remplit mon jerrican de 10 litres. Il n’y a pas de station sur les routes que je vais emprunter sur les 400 prochains kilomètres. Même si Justine a un petit appétit, son réservoir est très limité. Je suis aussi très pointilleux sur l’aspect autonomie de carburant - l’expérience !

J’entame ma descente par la F756. C’est une splendide vallée verte, bien esseulée. La route se faufile entre deux montagnes pour atteindre une passe étroite. La descente jusqu’à la prochaine jonction est bien pentue et nécessite un peu d’application. La route s’enfonce sur un plateau herbeux, puis rocailleux. Les kilomètres n’en finissent pas. J’ai l’impression qu’il y a une promotion spéciale : pour 3 kilomètres parcourus, le 4ème est gratuit et le 5ème offert. Sur cette piste de terre, la voiture soulève une abondante poussière qui pénètre partout. Ce n’est pas « Iceland », c’est « Dustland » ! Je ruine l’intérieur de la voiture ; il y a de la poussière ultrafine partout, un désastre !

La fin de la F734 pour rejoindre la 35 est un moment de bravoure. Parfois, la piste se confond avec le paysage. Il est très difficile de déterminer si on a dévié de la piste ou pas. Par temps de brouillard ou de nuit, cette piste doit être un cauchemar. Même un GPS affûté ne vous indiquera pas les cailloux ! Les passages de gués sont aussi intéressants, car il est difficile de déterminer la sortie sur l’autre berge. Il faut faire une halte sur un îlot central, et, à l’estime apprécier la meilleure sortie en fonction des traces précédentes visibles ou pas. Une fois ces joyeusetés avalées, il reste à affronter l’état de la piste sur les derniers kilomètres. Cela nécessite de piocher dans votre pilotage le plus onctueux et précis pour éviter trous, pierres, saignées ...

Je passe la nuit au camping de Hveravellir qui est calé entre deux glaciers. Le Langjokull, situé à l’ouest et le Hofsjokull, à l’est. Sur ce plateau, un vent frais et violent s’est levé. Je décide de manger un morceau au refuge. Je n’ai pas le courage de sortir la popote ce soir. L’album photo de l’hôtel démontre que le vent, ici, peut être violent. Il a renversé, un tracteur cabine de taille moyenne, utilisé par le site.

Le lieu est singulier. Sur un versant qui borde le camping se trouvent des marmites bouillonnantes à 80°; des pustules fumantes, en forme de petits volcans, des roches calcifiées – c’est visuel, sonore et olfactif. La géothermie fait son show!

L’option barbotage dans le « hotspot » sous ce vent frisquet n’est pas à mon menu de ce soir. Retour à ma tente de toit où le vent a encore forci. De nouveaux campeurs ou exploreurs ont rejoint l’endroit et certains se sont largement lâchés sur la préparation des véhicules.

16) 06.07.2020 – Hveravellir – Reykholt – 233 km

Le matin est frais et le vent toujours bien présent sur ce plateau montagneux. Le café sera pris au refuge avec une petite gaufre. L’idée d’aller faire trempette dans les sources chaudes est abandonnée. Je m’enfonce dans le sud pour contourner la pointe du glacier et remonter vers le nord.

Quelques voitures empruntent la 35. J’en double une et me trouve derrière une voiture de police qui patrouillait au milieu de nulle part. La rencontre est assez cocasse. Je m’arrête pour faire des photos, et les laisser prendre un peu le large. Ils pourraient avoir des idées de contrôler une voiture luxembourgeoise pour égayer leur matinée. Évidemment, le policier lambine et fait comme le touriste : il profite du spectacle. Je reviens dans leurs traces, mais remarque qu’ils semblent s’être arrêtés. Une mission urgente doit sûrement être exécutée. Je retiens mon souffle, le suspense est insoutenable. Le conducteur jaillit de la voiture avec sa dotation réglementaire complète : gilet par balle, veste fluo, menottes, 9mm à la ceinture. Le nœud de l’action va se dénouer devant moi. Il va redresser un panneau qui était un peu de guingois. J’ignorais que les panneaux de signalisation, au milieu d’un désert de cailloux, pouvaient être dangereux. Moi, j’aurais mis en joue le panneau avant de le redresser ou de lui adresser des sommations d’usage au minimum. On n’est jamais assez prudent !

Arrêt aux chutes de Gullfoss qui sont impressionnantes par leur débit. Toutes ces chutes d’eau ont chacune leur personnalité. Ce n’est pas simplement de l’eau qui dévale le long d’une dépression. Il y a quelque chose en plus, une âme particulière qui les distingue toutes.

Sur le parking de Gullfoss est garée la cousine de Justine, même modèle et même couleur. C’est la première fois que j’en vois une en bleu comme la mienne. Le propriétaire, islandais, vient engager la conversation. Il est amusé par la situation. Deux voitures fabriquées dans la même usine, de la même couleur, aux destins différents, se retrouvent là en Islande. C’est étonnant. Nous échangeons sur les routes que j’ai parcourues et leur état. Nous parlons profondeur des gués dans l’ouest, poussière et beauté des paysages. La discussion est bon enfant. Nous sommes tous les deux assez fiers de nos montures.Et comme on disait dans la cavalerie : « A nos femmes, à nos chevaux et ceux qui les montent ».

J’emprunte la F338 qui vient juste d’ouvrir. Elle évite un détour par le sud et c’est une F-road. La piste a la particularité de suivre la ligne haute tension ou l’inverse. Le glacier situé au nord abandonne son eau de couleur turquoise légèrement laiteuse. Ce turquoise offre une touche surréaliste et explose comme un bijou dans cet univers caillouteux. Plus loin, l’univers est lunaire. Les bancs de sable noir alternent avec les passages terreux. Une fois la pierraille franchie, c’est un sol martien qui m’accueille. Le paysage est très déroutant.

La F550 se termine dans une vallée traversée par une immense coulée de lave. Je devrais y trouver une station et mon camping pour la nuit. Une station-service devrait se situer à 2km. Vu qu’il n’y a rien autour de moi, je suis frappé d’un gros doute. Je viens de faire 420km hors route avec mon plein et il ne me reste plus que mon jerrican comme réserve. La situation peut devenir rapidement tendue.

Cachée derrière une haie, se trouve une pompe. Le camping n’est pas loin. Je cherche une place, et note qu’il y a beaucoup de mouchettes. J’essaye un autre endroit et c’est pire. Ces mouchettes ne piquent pas, sont inoffensives, mais très agaçantes. Elles restent sur la peau et ne déguerpissent pas quand on s’agite. Ce n’est pas un caprice de citadin heurté dans son confort aseptisé, mais c’est inconfortable de rester dehors. Je n’ai pas d’envie de me laisser taquiner par ces bestioles et souhaite prendre mon repas installé confortablement au calme. Comme je n’ai pas de voilette pour me protéger, je lève le camp.

Ma quête pour trouver un autre camping est sans succès. Le camping sauvage risque d’apporter les mêmes inconvénients. Je me rabats vers un hôtel dans les environs. L’hôtel est situé dans une zone géothermale et je profiterai des bains chauds situés dans le jardin. Ce qui a été esquivé le matin a été fait le soir, la boucle et bouclée.

17) 07.07.2020 – Reykholt – Illugastadir – 180km

La nuit fut évidemment bonne. Les serveuses dans cet hôtel sont superbes. La fille qui s'affaire au jardin, a l’anatomie athlétique, pas athlétique comme les filles du fitness, athlétique comme dans l'art : svelte, les muscles secs et la puissance gracieuse. Il y aussi une top-modèle toute fine qui s’occupe du petit-déjeuner, qui ferait un beau sujet de shooting en studio. Donc cette journée démarre sous les plus beaux auspices.

Je débute par la visite des cascades de Hraunfoss et Barnafoss. Comme je le disais précédemment, toutes ces cascades ont de la splendeur, différentes et sublimes. Une autre attraction à proximité est une grotte naturelle, avec ses stalactites de glace, qui se trouve sous l’immense coulée de lave qui recouvre la vallée. La visite a lieu toutes les deux heures et dure 90 minutes, ce qui va me faire arriver tard à destination. Je décide de continuer mon chemin.

Cela fait deux jours que je vois des saleuses épandre du sel ou un produit sur la route. Je trouve cela étrange par ces belles journées. Aujourd’hui, le même scénario se répète. Je m’arrête pour dénouer ce mystère et ramasse un des cristaux épandus par le camion. Cela ressemble à des cristaux de sel brut. Je goûte c’est bien du sel ! Soit, ils épandent du sel pour absorber l’humidité avant de re-surfacer la chaussée, soit il y a un vieux stock dont il faut se débarrasser avant l’hiver.

Je vais passer toute la journée sur la F578, qui me conduira sur la côte nord. Sur cette F-road, il est possible de visiter, par soi-même, des cavités et des affaissements de cette dalle de lave. J’effectue des kilomètres sur cette piste caillouteuse dans des paysages où tout semble démesuré.

Le pique-nique est avalé dans la voiture, car, au moindre arrêt, une nuée de mouchettes entoure la voiture. Je poursuis ma route sur ce plateau volcanique tartiné de lacs. Le sable de la piste est parfois rosé. Plus je me rapproche de l’océan et plus la vallée verdit et devient agricole.

Je décide de faire le tour d’une péninsule et arrêterai ma journée dans le camping qui me paraîtra le mieux. Je trouve un camping dans une ferme, où la pâture, a une vue imprenable sur la mer. J’installe mon campement. En regardant droit devant, il n’y a rien entre le pôle nord et moi. L’air que je respire a peut-être caressé le sommet de notre terre.

Non loin de la ferme réside un banc de phoques. Ils sont allongés sur un bout de terre dégagé par la marée et un peu éloigné du rivage. Deux phoques, barbotent bruyamment, dans le chenal formé entre cet îlot central et la rive. Le va-et-vient incessant des sternes, le bec chargé de petits poissons pour nourrir la nichée, est fascinant à regarder.

Le repas prévu ce soir est « Poulet riz curry » lyophilisé. C’est un désastre. Autant le couscous dans cette série était correct, autant là c’est immonde ! Le meilleur dans ce plat était le poivre que j’ai ajouté. Heureusement que la salade de tomates et pois chiches a relevé le niveau. Demain sera un autre jour, aujourd’hui pour la gastronomie c’est un zéro pointé.

Je rédige mon journal au soleil couchant. Il est 20h30 et le soleil est haut comme à 4 heures de l’après-midi chez nous. Le fermier vient me rendre visite pour régler mon camping. Il a le bras dans un énorme bandage. On discute de la beauté, des lieux, de la faune, du microclimat autour de sa ferme qui est peu enneigée l’hiver. Un moment simple et vrai.

18) 08.07.2020 – Illugastadir – Djupavik – 281km

Après une excellente nuit, je savoure mon café en admirant la mer. Je décide de retourner sur la grève. A marée haute, la mer offre une autre perspective. Peut-être que les phoques seront plus proches ce matin. Il n’y a pas un souffle de vent ; calme et sérénité dominent. Seuls les oiseaux brisent le silence des lieux. Même sous un ciel gris et une bonne visibilité, nul n’échappe au règne du zen qui s’est posé ici en ce matin.

Les phoques sont toujours sur leur îlot central. C’est un peu loin du rivage pour profiter de leur spectacle. Le spectacle est assez simple. Ils sont vautrés sur les galets, sur le dos ou le flanc. Parfois, ils se retournent de manière pataude et attendent que les heures s’égrènent. La vie du phoque est différente de celle du morse, car il met un point d’honneur à mettre des traits entre des points.

J’achève le tour de la péninsule, que j’avais entamé hier. Sur ma route, un panneau indique une pente à 18%. Pour résumer, le service des ponts et chaussées islandais fait dans l’efficace – droit dans la pente et éventuellement une légère courbe pour alléger l’effort. Les pentes entre 12% et 14% sont très courantes. Vive le vélo en Islande - si c’est pas pentu, c’est « ventu »!

La route qui mène à Djupavik suit les contours de la côte. Elle s’enroule nonchalamment entre mer et montagne. Plus je vais vers le nord, plus le bleu et le soleil se font présents. Chaque pointe ou fin de fjord offre son spectacle – beau se décline et se conjugue à toutes ses formes.

Djupavik m’accueille avec une imposante épave de navire échouée à l’entrée du hameau. Tout le charme de Djupavik réside dans son exclusivité. Être ici, dans cet écrin maritime, blotti au fond de ce fjord, est un privilège. Le temps ici ne passe pas, il se savoure. Le rien, la nature nue révèle ici sa pure beauté ; une forme de candeur s’offre à moi.

La nuit et le repas se feront au seul hôtel du hameau. L’hôtel a le charme de ces vieux cottages anglais. Le plafond est bas, le sol est fait de plancher et la décoration faite avec un peu de tout. C’est simple. L’atmosphère fait se sentir bien. La particularité de l’hôtel est que les serviettes de bain sont moelleuses comme des râpes à fromage. Les sanitaires sont partagés parmi les 8 chambres situées à l’étage du cottage. Tous les petits défauts donnent aussi du charme. J’aime ces différences entre hôtels confortables, camping et des endroits plus simple. J’y attrape ce qu’ils me donnent.

Je profite du soir pour glaner quelques photos autour du village. Une cascade se détache de la falaise et se jette au-dessus du hameau. En cette saison, les sternes nichent et s’affairent à nourrir les petits. Quand on approche un peu trop du chemin, elles se montrent particulièrement vindicatives.

Le repas du soir sera savouré autour d’un plat de saumon fumé et d’agneau. C’est absolument succulent.

19) 09.07.2020 – Djupavik – Flateyri – 384km

Journée de transition pour traverser la presqu’île située au grand nord-ouest de l’Islande. Avant d’effectuer la traversée, je pousse une pointe vers le nord pour passer une dernière fois au cours du voyage le 66° parallèle et voir la piscine d’eau chaude naturelle de Krossneslaug. La vue sur la mer est imprenable. Même la piscine sur le port de Monaco ne joue pas dans la même catégorie – distancée !

La route 60 suit le contour des fjords sur des kilomètres. Cela devient presque ennuyeux. Le spectacle de neige et mer reste beau, mais, par rapport à ce que j’ai vu, mon niveau d’exigence a monté. L'islandais est arrivé à creuser un tunnel sous la montagne avec une bifurcation à l'intérieur, du jamais vu même en Suisse - ils sont très forts ces islandais!

Arrivée à la Guesthouse à Flateyri où je passe la nuit. Je suis le seul occupant. Je me hâte de relire mes notes avant de les publier. Cela fait 4 jours que mes fidèles lecteurs ont été sevrés de nouvelles. La propriétaire de la guesthouse me suggère de prendre mon repas dans une ferme, située à 5km. La proposition me paraît intéressante. Après explication où me rendre, me voilà en route. De l’extérieur, il n’est pas évident de savoir si une table se cache là. Je deviens maintenant habitué à la situation et je suis peu surpris. Une dame m’ouvre la porte et m’accueille dans une véranda. La table est déjà dressée sur une toile cirée. La vue donne directement sur le fjord. J’ai l’impression d’être invité chez quelqu’un. Mon étonnement est que je ne connais ni la composition du repas qui me sera servi, ni les tarifs. Cela relèvera de l’effet de surprise. Le plat unique sera composé d’une brandade de morue. C’est très bon. Trois morceaux de mangue donneront une touche d’exotisme. La compote de rhubarbe maison fera office de dessert. Je trouve que c’est frugal, mais c’est très bon. L’affaire est pliée en moins d’une heure. J’ai l’impression d’avoir passé mon repas dans un Epahd. Retour un soupçon frustré à l’hôtel car j’avais une faim de loup à calmer.

20) 10.07.2020 – Flateyri – Brjanslaekur - 327km

Après une excellente nuit, la propriétaire s’affaire à composer un petit déjeuner sur-mesure, très complet et très bon. Les confitures maison égayent la table et me régalent.

La route se décomposera en deux volets. La première partie est très semblable à celle d'hier. J’enroule les fjords, les uns derrière les autres. Le paysage est agréable mais répétitif. La lumière est plate. Comme hier, la moisson de photos est pauvre. Il manque une touche de bleu, une lumière plus chaude, plus de contraste – quelque chose s’est évaporé.

Pour la deuxième partie, à partir de Phingeyri, tout devient différent. La magie opère à nouveau. Le premier arrêt se fera à Dynjandifoss. Magistrale cascade de 100 mètres de haut et de 30 à 60 mètres de large. C’est simplement impressionnant et photogénique. Plus loin, à la jonction de la 617 et de la 63, se trouve un bateau échoué qui est un bon candidat pour saisir quelques photos originales.

Je poursuis ma route vers la pointe de Bjargtangar qui serait le point le plus à l’ouest de d’Europe. La route à flanc de falaise, sans rempart, domine une eau d’une transparence cristalline aux reflets verts-turquoises dignes des caraïbes. Sur cette piste de terre, la conduite nécessite application et modestie, car une simple erreur de pilotage aurait de fâcheuses conséquences. J’atteins la longitude de 24°32’ ouest. Seules les Açores sont plus à l’ouest, mais la définition de zone Europe est abstraite. Outre que le point est occidental, c’est une réserve d’oiseaux. Sur des falaises de plus de 120 mètres de haut, des milliers d’oiseaux nichent là sur la paroi. Les macareux et les jeunes goélands forment la majorité des troupes. L’endroit permet de faire de la photo animalière facilement, car les oiseaux ne semblent pas trop effrayés par les badauds.

La route du retour, qui me conduit de la pointe de Bjargtangar jusqu’au camping, abandonne un univers rocailleux pour laisser la place à des plages de sable clair. C’est un paysage singulier pour l'Islande.

Demain, je prendrai le ferry pour traverser un morceau de la mer du Groenland entre Brjanslaekur et Stykkisholmur. Ceci évite un grand détour par la route pour atteindre la péninsule de Snaefellsnes.

21) 11.07.2020 – Brjanslaekur – Hellissandur – 98km (+ferry)

La nuit aurait pu être très paisible, pas un souffle de vent et une douce température extérieure de 12°. Tout était en place pour un repos réparateur. En revanche, j’ai garé la voiture en pente. J’ai mal dormi, sans cesse poussé dans le sens de la pente. Je me réveille fatigué.

La possibilité de prendre le ferry pour Stykkisholmur a été le petit feuilleton qui m’a occupé depuis lundi dernier. La liaison était interrompue. Le navire qui effectue la liaison avait subi une avarie mécanique. La pièce devait arriver du Danemark le 9 juillet. Le 10, le site de la compagnie annonçait que des essais techniques devaient être effectués. Les liaisons pourraient éventuellement reprendre dans la soirée. Ce qui était amusant, c’est qu’à chaque nouvel évènement l’armateur publiait l’information sur son site web. Puis plus rien, ce qui ne présageait rien de bon. Toutefois les réservations étaient à nouveau ouvertes depuis hier soir.

Sans nouvelles informations, je décide de me diriger vers l’embarcadère situé à 8 km du camping. L’embarcadère se trouve planté au bord de la route, sur un bout de côte désert. Je suis là à 11h et le départ est prévu à 12h. Je ne vois pas de bateau, ni à quai ni à l’horizon. Un Allemand qui trainait là me demande si je pensais prendre le ferry. Je lui rétorque que, s’il est possible de prendre les billets, alors la liaison devrait être ouverte. Nous regardons l’horizon et nous faisons une moue dubitative. Finalement, le ferry arrive. Il débarque sa volée de voitures. J’embarque. A peine le temps de me trouver une place à bord, nous sommes déjà repartis pour 3 heures de navigation sur la mer du Groenland.

Une dame, qui n’a apparemment pas la lumière à tous les étages, surtout le dernier étage qui semble câblé aléatoirement, parle toute seule et très fort. Il y a visiblement une vie intérieure très intense. J’imagine un conflit de voisinage dans sa tête, entre les locataires du 3ème et du 4ème étage. Comme l’islandais est une belle langue, surtout pour être comprise par temps de brouillard ou par jour de grand vent, tout le monde en profite.

Je tire parti de cette traversée pour rédiger mon journal de la veille. La traversée est calme avec une halte à l’île de Flatey. Une fois les problèmes de voisinage terminés, je pionce un peu.

Arrivé à Stykkisholmur, bourgade colorée et sympathique, j’emprunte la route 54, qui va vers le parc naturel situé à la pointe de la presqu’ile de Snaefellness. Je bifurque sur la F575 qui me conduira au pied du glacier Snaelfelljökull. Le contraste entre la côte et ce glacier qui culmine à 1446m d’altitude est étonnant. Les capacités de Justine pour se hisser sur ces chemins tortueux sont stupéfiantes.

Je m’installe au camping d’Hellissandur. Cette fois, je gare cette la voiture bien à plat. Le vent est soutenu. Il commence maintenant à pleuvoir. Je m’abrite et suis protégé du vent par la voiture et de la pluie par le rabat de la tente, qui me sert de toit. Mes pâtes au thon sauce tomate seront prises emmitouflé dans ma couverture. J’observe le temps qui se dégrade. Je me trouve très privilégié surtout si je me compare au cyclotouriste qui vient d’installer sa tente.

Le vent forcit de plus en plus. Les bourrasques sont maintenant fréquentes et tempétueuses. J’entends la pluie qui se fracasse avec force contre la coque de la tente. Je suis bien protégé dans mon petit cocon que je trouve de plus en plus confortable. De plus, la voiture est bien lestée, elle ne risque pas de s’envoler. Le lest, c’est moi : je dors sur le toit !

22) 12.07.2020 – Hellissandur – Langaholt – 111km

Dimanche, la météo indique un vent fort de sud-ouest, établi à 32 kilomètres par heure et des pointes à 47. Le ciel est bas. Le crachin bat la lande. Une merveilleuse journée de novembre s’offre à moi pour aller vadrouiller sur ces chemins bretons. Il fait déjà 11°, quelle aubaine ! Mon calendrier indique mi-juillet et je ne suis pas en Bretagne – ça alors ! Il y a de l’entourloupe dans l’air !

Je vais m’aérer et me brumiser à la pointe de cette terre. Je glane quelques photos entre phares orange pétants, falaises torturées, vestiges vikings et douces plages.

La pointe, qui fait la séparation entre la mer du Groenland et l’océan atlantique, délimite deux mondes. Les nuages semblent y mener des batailles féériques. Le temps plus clair, parfois tâché de bleu épars, et une brume sombre se fondent. Le glacier semble être l’arbitre de ces puissances ouraniennes en action. La roche volcanique renforce ce spectacle de nature austère. Des roches acérées se soulèvent vers les cieux ; elles font penser à des œuvres jaillies des ténèbres, dessinées par de vils Klingons.

Au hasard, je m’arrête à Hellnavegur pour me restaurer. Une ancienne maison de pêcheurs est reconditionnée en café. Pas plus de 6 petites tables y prennent place. L’ambiance respire le bien-être et connote une atmosphère chaleureuse. La vue est merveilleuse. Elle se conjugue entre l’ancienne jetée et la falaise où nichent des dizaines d’oiseaux. La quiche aux légumes, le gâteau au chocolat sont fait maison et sont sublimes. La crème servie avec le gâteau est une tuerie. J’en recommande une deuxième portion. Un moment particulier arraché au temps.

J’arrive à l’hôtel qui sera mon havre de paix pour les deux prochaines nuitées. La chambre en angle offre vue sur la mer, la montagne et le golf.

23) 13.07.2020 – Langaholt – Repos

Journée de repos. Le matin, je profite de la quiétude de l’hôtel. La plage est superbe et vaste, 10 km à droite, 14 km à gauche. Aucun dilemme de promiscuité à part les 3 moutons plagistes qui bronzent. Je retourne au petit café où je m’étais arrêté hier. Je mange, en terrasse, une gaufre avec de la chantilly et bois un bon chocolat chaud.

Au retour, je m’immerge dans un moment érotique. Je visite un canyon. C’est une faille étroite qui déchire la montagne. Cette ouverture est comme deux grandes lèvres verticales. Ses bords sont élégamment décorés de mousse. C’est un temple. On n’y rentre pas, ne s’y faufile pas, on s’y introduit avec doigté. Je m’y glisse et m’y engage pour une délicate exploration. Le passage est étroit au début. Un petit ruisseau rend humide l’endroit et on s’y engage aisément. Les bords sont doux au toucher. J’entends les mouettes couiner de joie quand on caresse la paroi. Une fois le col passé, cette quête aboutit dans un sas. Un puits de lumière inonde le lieu comme une décharge de cent mille volts giclant d’un pylône. J’abandonne mon esprit, ma substance de joie est transportée par l’instant. Des Coréens qui me suivaient ont été plus coquins, ils y sont rentrés après moi, à plusieurs et je ne les ai pas vus en ressortir.

Je regarde ma production de photos de ces derniers jours. Elle est inégale et je suis un peu déçu. Ma consolation viendra au repas composé d’une délicieuse soupe de poisson, d’agneau et d’un bon Chablis. Le glacier qui domine la baie est un grand timide ; il aime normalement à se draper de nuages. Dans la soirée, il abandonne sa pudeur et laisse admirer sa splendeur.

24) 14.07.2020 – Langaholt – Selfoss – 218km

L’objectif de la journée est de se rapprocher de Reykjavik et de visiter la faille de Thingvellir. Cette faille délimite les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine.

Jusqu’à Borganes, la route suit le bord de mer. J’en profite pour y faire un arrêt et organiser mon piquenique et mon repas du soir. Je tente en vain de trouver un coiffeur. Aucune disponibilité pour couper mes tifs. Ma tignasse attendra encore un peu avant de se faire ratiboiser. Comme lot de consolation, je dégotte une bouteille numérotée de single malt islandais de 3 ans d’âge. Le goût de prune boisée est distingué et assez dominant. L’arôme est plaisant et long en bouche. Ce petit nectar m’a conquis.

Pour me rendre à Thingvellir, la carte offre deux solutions. Je choisis la route sud et j’emprunte la 508. La route suit un lac étroit. J’ai l’impression de suivre un loch en Écosse. La végétation a changé radicalement. C’est la première fois du voyage que je vois une forêt avec des essences de bois différentes. Des maisons de vacances assez cossues se fondent dans cette végétation pour se mirer dans ce loch. Ce lieu de villégiature semble très exclusif et réservé à quelques privilégiés. La piste se poursuit en F-road. Plus loin, une belle cascade se trouve en contrebas. Elle n’est pas référencée sur la carte. Je la baptise « Brunofoss ». Plus j’avance, plus le chemin devient cahoteux et technique. Les capacités et le talent de Justine sont à l’œuvre. Quelques gués ponctuent mon trajet. Ce bout de route est tout simplement magnifique.

Plus je me dirige vers le sud, plus l’aspect volcanique est remplacé par le vert. La végétation, la mousse ou une espèce de garrigue arctique a poussé sur la roche. L’aspect austère de la roche sombre est adouci. Le paysage revêt un aspect plus champêtre.

Le site de Thingvellir est géologiquement spectaculaire. Ce site est calibré pour accueillir un tourisme de masse. Par chance, en ce milieu d’après-midi, il n’y a pas plus de cinquante personnes sur la totalité du domaine. Sans enlever le caractère unique à l’endroit, je trouve qu’il est très formaté, balisé et cadenassé. Cela me change de la grande liberté, flexibilité et responsabilité qui est accordée aux touristes dans le nord sur les sites naturels.

Ma journée s’achève par la descente sur Selfoss. J’y établirai mon campement pour la nuit.

25) 15.07.2020 Selfoss – Reykjavik – Vik - 408km

La nuit fut pluvieuse. Petit café à l’abri pour se réveiller en souplesse. Au moment de démonter mon campement, la pluie tombe dru. Plier l’auvent dans le vent et la pluie est un exercice matinal dont je me serais bien dispensé. Le ciel est gris, c’est moche. Je me dirige vers Reykjavik. J’emprunte, pour la première fois, une route à 4 voies en Islande. La route est monotone. C’est triste sous ce gris déprimant. La seule satisfaction est de voir d’énormes engins de chantier s’affairer à la construction d’une nouvelle route. Ces monstres, lourdement chargés, foncent sur la piste et font des éclaboussures géantes. C’est puissant et beau. C’est un peu l’enfance qui remonte, comme sauter à pieds joints dans les flaques pour éclabousser le plus loin. Un petit côté madeleine de Proust quoi !

Je profite de ma boucle à Reykjavik pour passer chez un disquaire de vinyles. J’essaye de dégoter, pour un ami, l’album des SuggarCubes qui contient le titre « Deus ». Pour les profanes, les SuggarCubes est le premier groupe de la chanteuse islandaise Bjork. À côté du disquaire se trouve une galerie. J’y trouve une reproduction du tableau naïf Aurora Borealis, peint par Haraldur Bilson, qui me plaît beaucoup. Ô miracle ! Dans la salle d’à côté se trouve l’original, hélas déjà vendu. Pour les tarifs, cela relève de l’art, de la passion.

Je n’ai aucune envie de visiter des musées ou de battre le pavé sous la pluie de Reykjavik. Je décide d’aller manger chez Rok. Un excellent restaurant qui se trouve en face de la cathédrale de Reykjavik, et, que je recommande chaudement. Je passe au magasin de la marque 66°Nord. Je trouve leur collection outdoor excellente. La qualité des matériaux est excellente, les finitions irréprochables, les coutures soignées et, surtout, les vêtements sont fonctionnels et très bien étudiés pour se protéger du frimas local. La météo ne s’arrange pas. Après des jours d’immersion dans une nature forte et puissante, la ville me fatigue. Je décide d’entamer le tour de la péninsule de Reykjavik.

La route qui mène vers Keflavik, où se situe l’aéroport international, est banale. Je n’y trouve rien d’intéressant. De toute manière, la visibilité figure au registre des abonnées absentes. Je me fais violence pour aller jusqu’au phare de Gardur, situé à la pointe de ladite péninsule. J’arrive à faire trois photos – un exploit ! Je continue mon tour par la route sud. Mon idée d’aller au « Blue Lagoon », haut lieu touristique islandais, se transforme en chimère. Le temps se dégrade sérieusement ; les qualificatifs sont passés de mauvais, à infects, puis maintenant exécrables.

Arrêt à la faille produite par la séparation des plaques tectoniques. La suite de celle que j’ai visitée la veille. Le qualificatif exécrable vient de se muer en épouvantable. Il m’est difficile de marcher face au vent. Les bourrasques de pluie giflent mon ciré, mon pantalon est trempé en moins de dix secondes. Je fais le tour au pas de course et essaye de faire des photos à la volée. Je rentre à la voiture, trempé comme un canard. Plus loin sur la route se trouve un grand site géothermique avec d’énormes marmites bouillonnantes. Sortir de la voiture est une tâche épique. Je jette un rapide coup d’œil et, au pas de course, rentre me protéger à la voiture.

Les conditions deviennent dantesques. Les oiseaux restent scotchés au sol. Je croise quelques rares voitures. Des barres de vagues énormes sont visibles sur la mer à quelques encablures du rivage. Bien que la voiture soit très sûre, il est difficile de garder une trajectoire propre. J’ai parfois l’impression de rouler en crabe.

Après une journée horrible et inutile, je retourne à Selfoss. Je dois prendre les décisions les plus judicieuses, eu égard à la situation météorologique. Mon analyse météo conclut qu’un système dépressionnaire est situé sur le sud-ouest (Reykjavik) et un autre se situe sur le nord-est. Entre les deux se forme un « talweg ». Je pense que ce corridor devrait m’ouvrir une fenêtre météo convenable. Je décide de poursuivre ma route pour me rapprocher de la ville de Vik. Je contournerai la dépression de Rekjavik par le nord, entre les massifs du « Friðland að Fjallabakiet » et du « Vatnajökull ».

Après le dîner, je remonte sur Vik dans des conditions pénibles (le qualificatif « pénible » peut être remplacé par d’autres à connotations scatologiques sans faire offense à ce texte). A l’approche de Vik, d’énormes cascades, comme celle de Skogarfoss, se jettent du haut d’immenses falaises dans le vide. Ça dégouline de partout. Le spectacle, dans ces conditions, est dément. Parfois, le vent est si puissant que, pour certaines cascades, le flot d’eau est vaporisé avant d’atteindre le sol.

L’option camping, qui était au programme, est maintenant une solution déraisonnable. Je décide de dormir à l’hôtel. Demain est un autre jour et j’espère que mon analyse météo aura été judicieuse.

26) 16.07.2020 – Vik – Gullfoss – 271km

Après la journée épuisante et sinistre d’hier, j’ai dormi comme un loir. En ce petit matin, la pluie frappe la vitre de ma chambre. Le vent est encore tempétueux. La journée s’annonce encore épique sur des f-roads qui devraient être musclées.

Avec toute la pluie qui est tombée, la question sur la possibilité de franchir les gués se pose. Cependant, comme je vais en amont des rivières et que les précipitations sur ma route ont été plus faibles, cela devrait être franchissable. Le site de monitoring des routes m’informe qu’elles sont encore ouvertes.

Le petit-déjeuner est avalé. Dans des conditions tempétueuses, mais acceptables par rapport à hier soir, je décide de prendre la route. Ma stratégie de contournement météo est, sur le papier, juste, mais cela ne semble pas évident de prime abord.

Après 50km de route, bingo ! Le vent est tombé et la visibilité devient bonne. Il y a même des culottes de St Joseph dans le ciel (taches de ciel bleu). Mon analyse était bonne. Je suis fier de moi, d’avoir mis en pratique mon petit bagage météorologique. Je suis remonté comme une pendule !

À l’entrée de la F208, je suis accueilli par une femme ranger qui est devant un gué. Je ne sais pas si c’est pour me dire que la route est fermée, que mon véhicule n’a pas la taille requise pour franchir le gué, ou tout autre chose. Je l’accueille avec mon plus beau sourire et un irrésistible « hello » charmeur à la George Clooney. Elle m’informe que je vais rentrer dans un parc national et que je ne dois pas faire de off-road. Les choses sont tellement évidentes dans cette belle nature que tout tombe sous le sens. Nous papotons et d’un geste auguste elle me fait signe de passer. Mon suave « goodbye and thank you » est une sérénade qui bercera ses prochaines nuits.

L’essentiel de la journée se fera sur les F208 & F225. Le spectacle est merveilleux. Les couleurs, les roches, la topologie, tout est démesuré et beau. Le vert domine. Les mousses verts fluo sont étonnantes. Elles donnent l’impression qu’un rayon de soleil les éclaire. Finalement, les verts cèdent la place à la rocaille, puis aux sables volcaniques, clairs ou noirs. Les rivières, la neige, les lacs, tout est stupéfiant. Je ne compte pas le nombre de « Wahou » que je me suis lancé. Ce qui est remarquable, ce n’est pas la verticalité impressionnante comme dans les Andes ou l’Himalaya, c’est surtout l’aspect vaste qui domine. Ce morceau d’Islande est un présent. Il se refermera l’hiver venu, pour mieux se lover dans sa beauté et rouler son âme dans mes souvenirs.

Sur la piste, de nombreux gués doivent être franchis. Depuis le début du voyage, j’ai eu le temps de peaufiner ma technique de franchissement des gués. Maintenant, je suis satisfait de ma technique du couler et du glisser « up stream/down stream ». Dans une passe, un ruisseau doit être franchi. Il vient de dessous la montagne et roule sous une plaque de neige. Je m’arrête. J’ouvre ma porte. L’eau arrive juste au niveau du bas de caisse. J’ai juste à tendre le bras pour remplir ma gourde. L’eau est fraîche, douce et diurétique. Pour un demi-litre bu, c’est 3 arrêts et 2 litres restitués. Mes canalisations sont bien rincées.

Le piquenique est pris à la jonction de la F255. Je croise quelques voitures. J’ai l’impression d’être à contresens. C’est toujours pareil dans des voyages moto ou auto. Je me fais rarement doubler. Je double modérément, mais je croise beaucoup de véhicules - un mystère !

Mon moment de respect arrivera dans l’après-midi. Je croise un cyclotouriste sur cette F255. Entre la piste, la pente, les gués et l’environnement, je suis admiratif. Je lui lance « Bravo ». Il me regarde et sourit. Ce qui m’épate, ce n’est pas tellement la performance physique, car bien entraîné c’est, certes, difficile, mais faisable. C’est surtout la solidité mentale qu’il faut pour ce type d’exploit. Il faudra coûte que coûte arriver au bivouac le soir, atteindre son but ou son objectif. Ce cyclotouriste est plus qu’un athlète, c’est un vrai guerrier qui mérite longanimité et admiration.

Puis vient l’instant bon Samaritain : par deux fois, je croise des âmes dans le doute.

Episode 1 : un jeune couple dans leur Ssangyong Tivoli sont arrêtés devant un gué. Le gué n’est pas spécialement impressionnant, mais avec leur véhicule, les choses peuvent être compliquées. Je double, fait signe de me suivre, mais ils restent sur la rive. Je fais demi-tour, repasse le gué et discutent avec eux. Ils n’osent pas passer, de peur de rester bloqués. Déjà, je ne sais pas comment ils sont arrivés jusque-là pour se mettre dans une telle galère. Je propose de les tracter pour les faire traverser. Toutefois, je ne sais pas, si sur le reste de la route, il y aura d’autres gués. Ils préfèrent faire demi-tour.

Episode 2: je roule cinq kilomètres. A la sortie d’une rigole d’eau, un motard anglais en Bmw GS 1250 est en perdition. Je m’arrête par solidarité. Il vient me dire qu’il vient de tomber stupidement à la sortie de cette rigole d’eau. Il vient juste de relever la moto, après avoir enlevé ses valises latérales. De mon expérience à moto, je n’ai jamais fait de chutes intelligentes. C’est terrible ce réflexe d’apposer un qualificatif à ses actes ! Pour faire passer la frustration, on discute GS et KTM, Michelin Anake Wild Vs TKC80. Un rapide contrôle visuel ne montre rien de tordu, et il a un discours cohérent et semble aller bien. Je l’informe que, dans 5km, là où mes jeunes étaient bloqués, il va avoir plus qu’une rigole à franchir. C’est un peu sérieux à traverser en moto. Je lui indique la bonne trajectoire et espère qu’il saura en faire bon usage. Cet épisode m’a conforté que j’ai bien fait de ne pas faire ce road trip en moto dans le format qui m’aurait plu.

Une fois les F-roads quittées, je file en direction du Gulfosshotel pour les trois prochaines nuitées. Les prochains jours permettront de visiter les sites aux alentours et d’étudier ma « remontada » par la F26 pour rejoindre le ferry.

27) 17.07.2020 – Gullfoss – Repos

Réveil en douceur. J’étire la matinée et rédige mon journal. J’apprécie ce temps calme. L’après-midi, je vais barboter au « secret lagoon » à Fludir. C’est une piscine d’eau chaude naturelle. Je m’y relaxe paisiblement. C’est un bon moment qui rend la journée agréable. Les vestiaires et les douches sont communs, à la scandinave, cela me rappelle l’après-sport à l’université.

Piquenique au bord de la rivière. Je traverse le gué au lieu de passer par le pont. C’est un exercice qui me plaît de plus en plus. Un local avec son gros 4x4 et ses gros pneus a montré la voie ; la trajectoire est simple – tout droit.

Au moment de quitter l’hôtel pour aller me restaurer, une moto BMW sur le parking de l’hôtel attire mon regard. Elle est bricolée avec un treuil à l’avant, de la bagagerie dépareillée et un schnorkel. La plaque arrière a été arrachée et refaite avec une planche à fromage. J’aime déjà le style du pilote. Le pilote enlève son casque et, oh surprise, c’est « Lolo Cochet » en personne. Pour ceux qui l’ignorent, Monsieur Cochet est un globe-trotteur à moto et une sommité dans le monde la moto en France. Outre son humanisme et son engagement dans de nobles causes, sa connaissance de la moto et son niveau de pilotage sont absolument stratosphériques. Chose incroyable, j’évoquais son périple du cap au cap, pour l’association « chirurgie cardiaque » au début de mon journal (cf. 20.06). Selfie de circonstance et nous passons la soirée au restaurant ensemble. Un merveilleux moment et un cadeau du ciel inespéré. J’ai rencontré une « rock star » - je suis trop heureux !

Je vais me coucher avec des étoiles dans les yeux et me répète en boucle « j’ai rencontré Lolo Cochet ! ».

28) 18.07.2020 – Gullfoss – Laki & F232/210 – Gullfoss – 640Km

Aujourd’hui est une journée particulière. Je me concocte un programme exceptionnel. Moment causette avec « Lolo » au petit-déjeuner. On parle un peu de tout, des voyages et des rencontres. Je trouve le moment bon et doux. Je trouve un écho aux valeurs et choses que j’aime. Les charmes de l’Islande se dévoilent avec parcimonie. Il faut profiter des fenêtres météo qui s’offrent à toi, car demain est peut-être incertain. J’avoue que jusqu’à présent, j’ai eu une chance insolente. Sauf ces 3 matinées chagrines, et la journée autour de Reykjavik que je préfère oublier.

En ce samedi, sur ces sites touristiques, je constate un frémissement de la fréquentation. Socialement, ça me va, c’est supportable ! Mais ça me surprend, car je suis souvent en dehors des sentiers battus. Deci delà, j’entends que la fréquentation a chuté entre 50% et 90%. C’est certain, le Covid aura frappé durement l’activité touristique.

J’entame la journée par la redescente sur Vik par la N1 pour voir les cascades de Seljalandsfoss et Skogafoss, qui avaient été zappées tard l’autre soir, faute de temps. La cascade de Seljalandsfoss est spectaculaire et amusante, car on peut y passer derrière. C’est Tintin dans le temple du soleil. Avec les fortes rafales, la cascade ne brumise plus, elle douche. Comme l’eau est glacée, c’est revigorant ; le port du ciré est obligatoire. C’est un endroit très photogénique.

L’arrêt suivant se fera à Skogafoss. La cascade semble être à la parade et poser pour les touristes. Le site est balisé et touristique. Il est difficile de trouver un angle original. La bonne idée est de me mettre dans le ruisseau qui coule depuis la cascade, pour m’ouvrir l’angle de prise de vue. Quelle bonne idée ! Au bout de 10 pas, mon angle de prise de vue me plaît. Pantalon remonté, crocs immergés, j’ai de l’eau jusqu’à mi-mollet (comme les œufs). Je fais mes ajustements et au moment de déclencher, je sens comme une morsure au niveau des pieds. L’eau n’est pas froide, elle est gelée. Il ne faut pas non plus être un prix Nobel pour comprendre ; elle coule du glacier qui est juste au-dessus. Je déclenche malgré tout et regagne la rive. Il paraît que la cryothérapie est bonne pour le corps. Mes pieds ne sont pas d’accord avec l’idée. J’espère que la photo est bonne – je n’en sais encore rien !

La vitre arrière de ma voiture est poussiéreuse. J’y écris dessus, avec mon doigt, « You can go faster – I go everywhere ». À la station, je vois une jeune fille qui me fait signe avec le pouce en l’air et un grand sourire. Mon charme irrésistible doit sans doute opérer, mais, raisonnablement, je ne comprends pas. Le conducteur descend tout aussi jovial. Il est amusé par mon « slongan ». J’ai au moins amusé deux personnes aujourd’hui. Surtout qu’il me dit « fast and everywhere », car je l’avais doublé un peu avant.

Je remonte pour attraper la boucle autour du lac Laki. Les lignes droites se succèdent. Elles n’en finissent pas. Elles sont “hypnotisantes”. Vivement la F-road pour enfin conduire. Depuis quelques kilomètres, je vois une grande barre d’une dizaine kilomètres de long qui ressemble à de la fumée ; elle va de la montagne jusqu’à la mer. Je pense à un incendie de broussaille, mais c'est peu probable, ou au sursaut d’une grosse marmite géothermique, ce qui n’est pas rassurant. Maintenant, je traverse ce mur de brouillard. C’est une immense tempête de sable et poussière qui s’est levée. Elle n’est pas très large, 3 à 4 kilomètres. Encore une nouvelle expérience islandaise.

J’entame la boucle Laki à un bon rythme. La journée est déjà bien avancée. Cette boucle combine un peu de tous les paysages islandais que j’ai vus. C’est beau, c’est immense, c’est fort !

Pour rentrer à l’hôtel, je décide de rentrer par la F-232 et la F-210. Deux monuments du voyage. Le début de la F-232 est cassante et le paysage n’est pas remarquable. Puis vient l’arrivée sur le plateau volcanique. L’oasis de verdure, perdue au milieu de ce désert de cendres noires, est un moment éblouissant. Jusqu’à la jonction avec F-210 c’est sublime, enivrant, extraordinaire. Je ne regrette pas d’avoir ajouté cette route au tableau de chasse, ne pas la faire aurait été une erreur.

Pause dîner, à la jonction, champagne et saumon au milieu de nulle part, il est 21h ! Je n’ai pas vu une âme depuis plus de 5h et là, une voiture passe. Un couple d’Allemands. Ils me demandent quelle route j’ai empruntée. Je leur dis que celle que je viens de faire est superbe, mais qu’il est tard et elle est longue pour rejoindre une grande route. Je leur propose une coupe de champagne, ils déclinent et préfèrent rester sobres pour faire la F-232 – bon courage. Ils ont tort, ce champagne millésimé 2008 est comme le paysage, divin !

Il me reste la F-210 à faire et 200km pour rejoindre l’hôtel. La F-210 est hallucinante. Je vais pouvoir étaler tous les superlatifs disponibles et même en inventer, car cela dépasse l’entendement. Pour accéder au cœur, à l’essence de la F-210, il faut la mériter et s’employer à distiller un pilotage propre. La récompense est à la hauteur de l’effort. Premièrement, la F-210 longe d’assez près un énorme glacier en forme de dôme très étalé. C’est la caractéristique du pays - l’espace. Puis vient la double jubilation - beauté des paysages, et plaisir de conduire : les gués aveugles où tu dois dénicher la sortie, rouler dans le lit de la rivière, plonger dans des gués profonds avec un fort courant, contourner les plaques de neige, rouler sur des langues de lave vitrifiée, franchir des marches, éviter les gros cailloux, rouler dans le sable, te poser 100 fois la question « Suis-je sur la piste ou pas ? ». Tout est extase, mais le plus fort, c’est de chavirer dans l’admirable spectacle que la nature offre.

La nature est sublimée, mais elle te rappelle que c’est elle qui dirige la partition. La température suit la même pente que le soleil, je pointe 2° au plus bas. Le tableau de bord de la voiture m’indique que je peux rencontrer des conditions hivernales ! Entre chien et loup, le crépuscule s’installe. La luminosité baisse, même s’il ne fait jamais nuit. J’avance, aidé par le faisceau des phares. Le jour se meurt.

J’ai croisé peu de personnes dans la journée, mais rouler la « nuit », c’est sobre et zen ! Il est minuit et demi et je rejoins finalement une route « normale », gravier et goudron. Micro pause pour réaliser tout ce que je me suis mis dans les mirettes. Il me reste 100 kilomètres. La plaque d’immatriculation avant décide de jouer les filles de l’air. Elle pendouille. Les gués et les vibrations auront eu raison du support de plaque. Démontage et je la pose sur le tableau de bord. Si je me fais contrôler, ce ne serait pas de veine. Je rentre à l’hôtel avec le lever du soleil. Il est 1h35 du mat et 640 kilomètres absolument vertigineux, c’était une journée d’exception pour un jour spécial. Une journée de timbré comme je les aime!

29) 19.07.2020 – Gullfoss – Askia – 346Km

Après une journée mémorable, j’entame la « remontada ». C’est-à-dire regagner le nord puis le ferry. Je vais donc emprunter la fameuse F-26 et la F-910 qui vient d’ouvrir. L’arrêt pour la nuit se fera dans la nature, je ne sais pas encore où. Cela va dépendre de mon état de fatigue, de la beauté d’un site ou d'une autre opportunité.

La route pour regagner la F26 n’apporte rien de palpitant. Je calcul mon autonomie de carburant, car il n’y a pas de station d’essence sur 350 kilomètres entre la dernière station située sur la 26 et la première à la fin de la F910, sur la N1. Dîner avalé, jerrican rempli et plein fait à ras bord, me voilà en route pour 200 kilomètres de plaisir. La F26 n’est pas palpitante, c’est roulant et le paysage, sans faire le blasé, a un air de déjà-vu – banal.

Je bifurque sur la F-910. À nouveau, l’Islande étale de sa superbe comme sur la F-210 de la veille. Nouveauté du jour, le passage de gué se fait sur le haut d’une cascade. Surtout, ne pas trembler ! Je croise une équipe de secours avec un « big-foot » énorme. Les pneus arrivent à hauteur de mes yeux. Ils me demandent si j’ai vu un marcheur errer. Je balance tout, même sur la mort de JFK et de 2PAC. D’autant plus que je ne sais rien !

Enième passage de gué, tout en souplesse comme à l’accoutumée. Je me relance après ce passage de gué, touche un peu les freins, et la pédale s’enfonce inexorablement. Je suis surpris. Je refais un test et même phénomène. Je trouve l’équilibre de la voiture aussi très différent. Je regarde sous la voiture et l’amortisseur arrière gauche est tombé de son support et a tapé la durite de frein. Je n’ai presque plus de frein et 3 amortisseurs. J’hésite entre démonter l’amortisseur ou l’attacher pour ne pas qu’il tombe. J’ai pris tout l’équipement pour faire de la mécanique : autant se faire plaisir. J’opte pour la solution de l’arrimer, par fainéantise et déception.

L’aspect positif de la situation : j’ai 3 jours de vivres, des vêtements chauds, un endroit confortable pour dormir et le bouton SOS en dernier ressort. Être préparé et équipé permet de gérer la situation en relative sérénité.

Maintenant que les choses sont en sécurité, vient le temps de la réflexion. Il n’y a pas de réseau depuis des kilomètres, donc l’option d’appeler l’assistance ou un ami est exclue. Je peux déclencher ma balise SOS du satellite et attendre les secours, mais je trouve que c’est disproportionné.

Je suis à 108km d’Askia et à mi-chemin de la piste. Avancer ou faire demi-tour représente le même effort. Je décide d’avancer. Comme je suis passé à Askia le 3 juillet, je sais qu’il y a un poste de secours, des rangers, un refuge et du réseau téléphonique. J’estime qu’il me faudra entre 5 et 6 heures pour rejoindre Askia au ralenti et sans frein. Avant de crier au fou, la voiture est équipée d’une boîte de réduction avec des vitesses lentes. C’est-à-dire qu’en première courte, je vais moins vite qu’à pied, même dans une grosse pente. J’ai le frein à main pour m’arrêter sur les derniers mètres en cas d’extrême urgence. C’est un grand classique des stages sur circuit : ne pas toucher les freins et rouler à vitesse constante. Tout est question d’anticipation et de doigté dans cet exercice. C’est comme passer les vitesses sans débrayer en moto, sans donner d’à coup. Du doigté, du doigté.

Je croise un ranger femme. Je lui explique la situation de mon amortisseur et mon plan. Elle me demande d’informer le poste du ranger demain quand je suis à Askia. J’ai un peu zappé l’histoire du frein. Ce n’est pas un mensonge, c’est une légère omission. Elle m’informe que la F-910 est une piste exigeante et la plus difficile d’Islande. Parfait, autant la faire avec un handicap, je pense aussi la faire avec la main gauche dans le dos !

Je suis agacé par la situation. J’ai consommé beaucoup d’énergie dans la gestion de la situation. Je mange un morceau, refais mon stock de sucre. La machine est à nouveau en route. Le moral est au beau fixe, plus que 50 km!

J’avais oublié : il faut ajouter, à toutes les difficultés que j’ai déjà énumérées, rouler pour éviter la neige, passer un gué dans des plaques de glace. Et j’oubliais les 10 kilomètres de sable profond à la fin. Si tu lâches les gaz, la voiture s’enfonce et tu restes planté là. Ici, c’est gaz dans les tours. Je fais mon Dakar à moi au fond de la Mauritanie. Sans assistance (à cause des freins), le pilotage devient subtil. J’ai consommé 4 fois plus sur cette portion de sable mou. Comme cela ne suffisait pas, les visuels pour trouver les repères sur cette F-910 sont parfois compliqués ! Heureusement qu’un Explorer (camion) était passé avant. Ses traces m’ont beaucoup aidé.

À 23h30 j’arrive à Askia, saint et sauf. Honnêtement, je pense qu’avec une voiture en parfait état de marche, je n’aurais mis qu'une heure de moins au grand maximum. Je suis content de ce que j’ai réalisé en toute sécurité avec du doigté et une bonne dose de sang-froid. Super Bruno ! Ami lecteur, si tu penses que je suis dans l’autosatisfaction, expérimente un jour le truc, partage et on en rediscute ! Demain est un autre jour pour réparer les bobos de la voiture.

30) 20.07.2020 – Askia

Il est huit heures. Je vais chez les rangers me signaler et les informer de ma situation. Le responsable du site monte le drapeau islandais au mat. L’instant est solennel. Je chante la marseillaise - il s’en fout ! Je me renseigne sur les modalités pour l’assistance en montagne. Il me dit que mon assistance peut tout gérer. Il n’y a pas de procédure particulière.

Analyse de la panne : l'axe supérieur de l’amortisseur a rompu ou s'est desserré avec le temps. En s’affaissant, il a percé la durite de frein.

Je téléphone au service d’Axa, mon assureur. La personne m’indique que l’Islande n’est pas couverte dans mon contrat d’assistance. Seules l’Union et la Norvège seraient couvertes. J’insiste un peu, car j’ai vérifié avant de partir auprès de mon courtier et ami assureur. 15 minutes plus tard, elle me confirme que l’Islande est comprise dans mon contrat. Heureusement que je n’étais pas en apnée pendant le temps d’attente.

L’assistance me rappelle. Elle ne trouve pas où je suis avec les coordonnées fournies. Je serais dans l’océan. Je confirme que je suis à terre. Palabre une deuxième fois avec le support pour trouver mon adresse et alléluia ! J’existe ! Les Islandais me rappellent et m’informent que l’assistance devrait être là vers 15-16h pour réparer. Je fais confiance au pragmatisme et à la débrouille islandais pour me dépanner.

Je suis positif et optimiste. Je me repose. Attendre à Askia, dans un refuge, au chaud, en rédigeant mon journal, je n’appelle pas ça un problème, mais une belle expérience. Tout va donc bien et est sous contrôle.

Il est 15 heures, le dépanneur débarque. Sa monture est composée d’un énorme Dodge Ram, complétée d’une remorque grande comme un porte-avions. Un Dodge Ram, c’est un pick up américain version XXL, avec d’énormes roues de 37 pouces. C’est un monstre. À l’intérieur, c’est grand comme une cathédrale et confortable. Notre sauveur polonais, Piotr, vient de faire 4 heures de pistes depuis Myvatn. Pause-café pour lui. La voiture est montée sur le plateau. Nous voilà en route pour Myvatn. Il y a 150 kilomètres à faire, dont 100 kilomètres de piste sur la F88.

Je suis heureux comme un gamin d’être dans ce gros pick up. Pour donner quelques spasmes hystériques à Greta, ça consomme 26 litres aux cent kilomètres et 32 avec la remorque chargée. Mais c’est tellement cool, costaud et puissant. C’est chill, j’adore !

Je me souviens assez bien de la piste F88. J’attends le moment de franchir le premier gué avec notre attelage. Piotr est un excellent pilote. Il a, certes, une monture qui est d’une redoutable efficacité, mais toutes les difficultés sont avalées avec souplesse. Tout semble hyper simple. Arrive le fameux gué. Plouf, on plonge, un filet de gaz, Piotr rase la corde qui indique la trajectoire au plus près. Avec presque 5 tonnes en mouvement, ça passe comme dans du beurre - hallucinant. En l’observant, j’améliore ma technique de franchissement de gué. Son anglais est un peu hésitant, mais nous arrivons à parler un peu de tout et à rigoler.

Pendant le trajet, l’assistance m’indique que je dormirai à la guesthouse Elda. C’est très modeste, mais après cette journée je suis bien content d’avoir un hébergement en dur avec toutes les commodités à portée de main. Cerise sur le gâteau, le petit-déjeuner est offert.

Je retourne au restaurant de l’hôtel Icelandair où je résidais il y a trois semaines. La serveuse me reconnaît. Je lui demande de refaire le délicieux cocktail à la rhubarbe qui n’est plus à la carte. Le temps de siroter ce nectar, le restaurant m’appelle pour me dire que ma table est prête. La serveuse slovène, qui parle un français impeccable, me reconnaît aussi. Ça fait bizarre de parler français au restaurant, j’ai l’impression d’être à la maison. Petit repas simple et arrosé d’un petit blanc italien très sympathique.

Retour chez Elda pour m’endormir du sommeil du juste.

31) 21.07.2020 – Myvatn

L’assistance me réveille à 8h pour me demander si tout va bien. Je suis ravi de cette délicatesse. Pendant le petit-déjeuner, le garagiste m’appelle pour me dire que la durite de frein n’est pas disponible. Je dois passer au garage pour aviser. Marcin, le chef mécanicien polonais, très cool, fait un topo assez simple. L’amortisseur va bien, mais la durite de frein est morte ; elle est percée. Néanmoins, il existe la même référence qui provient d’un autre modèle de voiture. À la bonne heure ! Tous les constructeurs automobiles ont des tonnes de pièces identiques. J’aime ce côté pratique. Il peut me prêter une voiture vers 12h30 pour aller à Akureyri chercher la pièce.

Il est 13 heures. Je saute dans un Dacia pour Akureyri. Marcin me donne une liste d’adresses où je pourrais trouver la pièce. Il me donne la durite originale afin de vérifier la compatibilité. Avant de partir, Marcin m’informe que le tableau de bord de la Dacia est un peu comme un sapin de Noël ! Mais tout va bien. En ce moment, je trouve qu’une voiture avec des freins c’est super bien. Je devrais bien arriver à faire assez rapidement les 200 kilomètres aller-retour jusqu’à Akureyri. En plus, grâce à une fortuite erreur de navigation, j’arrive à emprunter des routes que je n’avais pas encore faites. Je profite du paysage sous un bon 18° et un beau ciel bleu, c’est l’été – Youpi !

Je visite la zone industrielle d’Akureyri, ce qui est une forme originale de tourisme. La première adresse n’est pas correcte. Le préposé, très serviable, m’informe que la société a déménagé de l’autre côté du rond-point. C’est aussi une constante en Islande, les gens sont très serviables. 15 minutes plus tard, je ressors du magasin avec la pièce. L’affaire est maintenant close. Je rentre au garage, la voiture sera prête à 17h.

Plutôt que d’attendre presque 2 heures au garage, le temps de la réparation, je vais célébrer la fin de cet incident au « Blue Lagoon » de Myvatn. Aujourd’hui, c’est 50% discount sur l’accès au complexe : Youpi ! C’est une immense piscine naturelle d’eau chaude à la couleur turquoise légèrement laiteuse. Moment de décontraction et de relâchement. Il y a un peu de monde, mais c’est supportable. Le concept de barboter, avec accès au bar, et siroter des cocktails ou des bières, fait un peu trop cliché. Moi je barbote et admire la vue sur la vallée avec le lac en point de mire. C’est un bel endroit, mais, personnellement, le charme du « secret lagoon » à Fludir tient ma préférence.

17h, de retour au garage, j’aide Marcin à faire la purge des freins. Marcin me fait un prix très doux pour les travaux – re-Youpi ! C’est assez payant d’être cool et flexible. Je lui offre ma dernière bouteille de blanc en remerciement.

Je décide de passer la nuit à « la ferme » Vogafjos. L’endroit est baigné de calme. La vue sur le lac, les vaches en arrière-plan dans les pâtures, quelques arbustes brisant la ligne d’horizon, les nuages qui se reflètent dans l’eau du lac me font penser à un tableau de Vermeer. J’ai hâte de retourner au restaurant que j’avais trouvé très bon la dernière fois. La chambre dans cette ferme auberge est spacieuse et conformable. La nuit sera très bonne.

La voiture étant retapée, demain j’attaquerai les dernières F-roads prévues à mon programme avant la dernière nuit en terre islandaise.

32) 22.07.2020 – Myvatn — Egilsstadir – 398Km

Dernier jour de roulage. Je décide de faire la route sud pour regagner Egilsstadir. J’y dormirai avant de rejoindre le ferry demain matin. Cette boucle me permettra de faire mes dernières F-Roads. Je sais que je vais vers la fin de mon voyage. Je me dis, à chaque petit moment, que c’est mon dernier gué, ma dernière piste, ma dernière montée. J’essaye de savourer ces instants et d'oublier le retour à la routine. Carpe diem, me dis-je.

Ma route se poursuit dans les environnements volcaniques de l’Islande. J’emprunte le petit pont de fer au-dessus de la rivière Jokla. Il enjambe un petit canyon. Les parois sont formées d’une belle structure géologique et l’eau est d’un vert turquoise éclatant. C’est mignon. La fin de la F923, jusqu’à sa jonction à la F910, est ponctuée d’un franchissement de col taillé droit dans la pente. La piste est faite de caillasse. C’est bondissant, cahoteux et raide.

Mon pot d’échappement tape contre la carrosserie. Il est sorti de son support de silence bloc. Rien de grave, je le repositionne en une minute. Je remarque aussi que j’ai perdu une des vis qui fixe mon parechoc. J’arrive à Egilsstadir. Je passe par une carrosserie, où un ouvrier me donnera une vis pour mon parechoc. Bricolage d’une minute et voilà une Justine rafistolée.

En arrivant à Egilsstadir, le premier jour, j’avais hésité à pousser ma route jusqu’à Borgafjordur. C’est un petit port de pêche isolé, dans un cirque rocheux. La route est en réfection et, comme d’habitude, il faut cohabiter avec les engins de chantier qui sont à l’œuvre. Les camions viennent juste de déverser une profonde couche de caillasse, grosse comme le poing, qui n’est pas tassée. Dans ce col, bien pentu, et bien déglingué sur 4 kilomètres, je redouble avec un petite jubilation les voitures qui m’avaient dépassé avec arrogance sur la piste auparavant. Chacun son domaine !

Borgafjordur est un petit bonbon acidulé, coloré, au bord d’un large fjord. C’est frais et maritime. J’y prendrai un goûter autour d’un café et d’un gâteau tiède, chocolat, noix de pécan. Tiptop !

Sur le chemin du retour, une voiture roule au pas. Dans sa remorque, un gros renne, qui vient juste d’être chassé. De loin, je voyais de grands bois et trouvais ça cocasse, mais à l’approche le spectacle est assez cru.

Repas simple dans une brasserie et retour à l’hôtel, pour une dernière nuit islandaise.

33) 23.07.2020 – Egilsstadir — Seydifjordur – 28Km

Quitter l’Islande, c’est un adieu à un amour. Adieu - quelques lettres qui pincent ton cœur, un claquement de fouet qui rudoie ton âme. En ce matin, mes sentiments sont drapés par la mélancolie des jours d’automne. Par pudeur, elle voile son chagrin dans sa brume matinale. La pluie roule sur ses falaises comme des larmes sur une joue. J’entends ses vagues gémir à mes pieds. Je n’ai que quelques sanglots à offrir et des soleils de souvenirs à retenir. Ma main s’allonge une dernière fois pour caresser son rivage. Elle s’éloigne inexorablement. Je voudrais continuer de conjuguer aimer à toutes ses formes. Au gré d’un gué, ou d’un éclat de soleil, décliner encore des mots doux ; offrir une dernière étreinte, un dernier baiser d’adieu. Son vide masquera l’ombre du plaisir.

Avant de refermer un écrin d’amour, j’y dépose de merveilleux paysages qui sont ses soyeuses caresses. Son hallucinante beauté où j’ai baissé les yeux d’humilité. Les souvenirs de danses ébouriffantes, dans la fougue de son vent tempétueux. Ses coquines morsures de froid. Son infinie bienveillance. J’y ajoute cascades et eaux bouillonnantes, qui sonnent comme des éclats de rire. Ses chemins ardus où les chevaux ont souffert, et qui ouvrent la porte à d’exquises joies. Je suis venu les mains vides, j’ai tout reçu. Je n’ai modestement offert en retour que mon plus simple et authentique moi.

34) 23-25.07.2020 – Ferry – Hirtshals (Danemark) - Luxembourg – 1150Km

Le voyage en ferry a la délicatesse d’offrir un temps de suspension afin de se réacclimater après 30 jours puissants, immersifs et dépaysants. Le navire est un peu plus peuplé qu’à l’aller, mais ce n’est pas la grande foule. Les buffets des petits déjeuners sont magnifiques – un régal. Je sens que, depuis le 20 juin, les équipes sont au complet et mieux rodées.

Ces 48 heures de mer me permettront de me reposer, de peaufiner mon blog, et de retrouver « Lolo ». Nous partageons le premier soir un moment gastronomique très sympathique au restaurant du bateau. Le menu 5 services est de très bonne facture. Les moments causette avec « Lolo » ont toujours une saveur particulière. C’est la sagesse de ses propos qui crée la sérénité et entretient la rêverie.

25 juillet : Il est 13 heures, contact avec le vieux continent à Hirtshals au Danemark. Le chapitre islandais se referme. Dernières salutations avec « Lolo ». J’avale les 1150 kilomètres qui me séparent du Luxembourg d’une traite. Je redécouvre le trafic, l’agitation, le port du masque et la nuit. Il est 1h20, je suis au Luxembourg, le rideau tombe – « The End ». La « sainte » routine va à nouveau m’investir avant de rebondir pour de nouvelles aventures en 2021.

Guide, Conseils, Avis & Recommandations


Conseils


Les villes, les routes autour de Reykjavik, les grands axes et la N1 qui fait le tour du pays sont goudronnés. Les routes goudronnées représentent environ 30% du réseau routier. Le reste est majoritairement des pistes bien damées. Le reste du réseau sont des F-Roads, à savoir des routes accessibles uniquement au 4x4 (cela exclut les SUV et les tractions intégrales).

Personnellement, j’estime que le véhicule le plus adapté pour visiter l’Islande est un 4x4. Pour avoir discuté avec des Islandais, il était évident, pour eux, que s’aventurer en dehors du réseau asphalté impliquait l’utilisation d’un vrai 4x4, avec des vitesses courtes et des pneumatiques adaptés. En cas de location, il faut être particulièrement vigilant aux conditions du contrat, car les dégâts causés au châssis ne sont pas toujours couverts ou il n’est pas autorisé d’emprunter les F-Roads.

Si vous partez avec votre véhicule personnel, quatre aspects doivent faire l’objet d’une attention particulière :

En moto ou en auto, il est fréquent d’entendre, parmi les voyageurs, des problèmes mécaniques. Une pièce dévissée, une crevaison, un support qui a cédé, une casse … Souvent, il ne s’agit de rien de grave, mais il faut s’y préparer. Personnellement, j’ai cassé sur un véhicule neuf au départ : un axe de suspension que j’avais pourtant remplacé pour un modèle renforcé, un support de plaque mal monté, qui se détachait et une vis de fixation du pare-chocs arrière qui a décidé de rester en Islande ! La bonne pratique est de faire une vérification régulière du véhicule.

L’off-road est interdit et complétement prohibé dans les parcs nationaux - les rangers veillent. Les ardeurs d’off-road sont largement compensées par la fantaisie proposée par les pistes les plus tourmentées. Cela suffit pour apprécier les qualités de votre 4x4 et la finesse de votre pilotage.

L’Islande ne présente pas de difficulté de navigation. Il est impossible de se perdre mais un GPS avec une cartographie à jour est indispensable. Il faut néanmoins être vigilant, notamment au temps de roulage. Sur les F-Roads, il ne faut pas se faire surprendre par la nuit. En outre, en altitude, si le brouillard, la tempête de sable ou la poussière se lèvent, la perception du relief et du bord de piste vont sérieusement compliquer la tâche. Personnellement, avec des arrêts photographiques, j’ai observé une moyenne de 32km/h. C’est une valeur de référence raisonnable pour estimer son temps de parcours.

Je n’ai pas noté de difficulté particulière de conduite. Les bonnes pratiques permettent d’appréhender toutes les difficultés sans risque. La partie où il est difficile de s’entraîner au préalable est le franchissement des gués. Il faut aussi être raisonnable et ne pas surestimer ses capacités. Comme le dit l’adage, en pilotage, « En cas de doute, ne le faites pas !». À l’abord d’un gué, quand les panneaux indiquent qu’il faut longer des poteaux ou une corde, il faut effectivement les raser au plus près, car c’est la trajectoire optimale. Les premiers gués sont toujours un peu impressionnants, mais après un peu de pratique, c’est facile. J’ai trouvé que la technique du coulé en douceur, en première courte, et du « down-stream » et « up stream » est très efficace et rassurante surtout dans les cours d’eau les plus remuants.

Un autre aspect important est de respecter les consignes sur les F-Roads. Quand les panneaux indiquent « impassable », c’est bien exact. De même que si c’est indiqué interdit aux 2 roues, c’est aussi justifié. Cela évite de rouler longtemps et de devoir faire demi-tour. Le spectacle de touristes, embarqués avec des véhicules inadéquats, en panique devant un gué ou une piste cassante est récurent. De même, qu’un comportement téméraire dans les gués ou sur piste conduit chaque année à des drames – dixit les rangers.

Dans le centre, et sur les F-roads les plus retranchées, il faut s’y engager avec la certitude de pouvoir y bivouaquer en cas d’avarie. Il n’y a pas toujours de couverture téléphonique (GSM) et les patrouilles des rangers peuvent être espacées dans la journée. Pour cela, j’ai acquis un GPS avec une fonction de message de secours par satellite en cas de sérieux problème. Prévoir un équipement pour se protéger du froid et de la pluie, avoir à boire et à manger doivent être anticipés avant de prendre la route. Pour le pilote, seul ou en groupe, il faut apprécier la capacité de résilience des passagers en cas de problème. Si à la mise en sécurité et à la gestion d’un problème s’ajoute une gestion de crise, la situation peut devenir rapidement compliquée. L’expérience de mon problème d’amortisseur en est la parfaite illustration : être bien préparé permet de gérer sereinement ce type de situation.

Pour les motards gourmands, qui souhaitent faire des « f-roads », partez à deux minimum, notamment pour traverser les gués. Préparez votre moto en conséquence et travaillez votre condition physique. Emportez les pièces (sélecteurs, visseries …). Certaines marques, comme Triumph, ne sont pas distribuées en Islande. Pour les pneumatiques, les Anakae Wild, TKC80, Metzeler Karoo semblent les montages les plus utilisés et bien adaptés. Pour les vêtements, habillez-vous comme en automne et n’oubliez pas le nécessaire contre la pluie, avec la possibilité de s’effeuiller le cas échéant. Roulez dans le « core time » afin d’avoir de l’assistance en cas de difficulté. La solidarité entre usagers est une réalité sur les F-Roads.

Pour les photos, certains paysages sont à couper le souffle et méritent parfois d’être tirés sur papier et encadrés. Le smartphone est un outil pratique, mais il ne faudrait pas avoir à regretter par la suite de manquer de qualité pour faire un beau tirage. Il me semble que l’utilisation d’un appareil reflex permet d’assurer la pérennité des souvenirs du voyage. Personnellement, j’ai pris deux appareils : l’un monté avec un 18mm et l’autre avec un 85mm. J’ai trouvé cette combinaison idéale. Si je devais prendre une seule optique, j’opterais pour un 28mm. Le grand angle est la focale que j’ai le plus utilisé. Pour les amateurs de photo animalière, un 200mm ou 300mm avec ou sans doubleur de focale permettra de tout faire.

Les sites remarquables


  1. Skalar et la pointe de Fontur au nord-est de Þórshöfn
  2. Les cascades de Detifoss, Selfoss et Hafragilfoss (la plus intéressante)
  3. Hverir (géothermie)
  4. Sigurgeir's Bird Museum (Myvatn)
  5. Askia (lac chaud de Viti)
  6. Goðafoss (cascade)
  7. Grimsey (pour passer le cercle artique et voir des macareux)
  8. Hjalteyri
  9. Akureyri
  10. Siglufjörður (magnifique petit village)
  11. Gullfoss (cascade)
  12. Hraunfossar et Barnafossar (cascade)
  13. Illugastadir
  14. Djupavik & Krossneslaug
  15. Dynjandi (magistrale cascade)
  16. Garðar BA 64 (bateau échoué)
  17. Látrabjarg
  18. Kirkjufellsfoss (cascade)
  19. Snæfellsjökull (glacier)
  20. Hellnar (crique et strucutre géologique intéressante)
  21. Öxarárfoss et Lögberg
  22. « Bridge Between Continents »
  23. Flúðir, « Secret lagoon »
  24. Seljalandsfoss et Skogafoss (cascades très touristiques mais superbes)
  25. Geysir
  26. Jökulsá á Brú (Stuðlagil Canyon)
  27. Borgarfjörður

(*)Légende: en vert les routes faciles, en bleu les F-Road, en rouge les F-Road sérieuses et en noir comme au ski piste noire!

Les routes immanquables


Les bonnes adresses


Les liens indispensables


Budget


Globalement l'Islande est une destination onéreuse.

Le poste budgétaire le plus important est le transport (ferry). Le ferry est la seule solution qui existe pour atteindre l'Islande, avec son véhicule, depuis l'Europe. Les seuls départs pour l'Islande se font depuis le Danemark.

Le poste « nourriture » couvre à la fois les collations, les repas et les piqueniques. Ce poste est volatile car les vins, par exemple, dans les restaurants, sont relativement chers. Pour information, l'alcool, y compris la bière, s'achète dans des magasins d'État (« Vínbúð »).

Le poste « divers » vise les visites culturelles, les activités (piscine ...) et les petites dépenses.

 

 

 

 

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Crédits


Merci à Nelly B. et au groupe Reflex pour le support. Merci à Pascal B. et Danielle B. pour le travail de relecture.